Fabienne et le Tao vivant : vers la libération du corps
En des temps où les références se perdent, s’ouvre à nous une scène de théâtre imaginaire où se déroule un monologue digne d’un acte de Lorenzaccio. L’action en suspens telle une héroïne romantique, son histoire est un roman dont le genre évolue et se dessine siècle après siècle, suivant ses années de vie. Femmes de Polynésie va à la rencontre de Fabienne, femme spirituelle dont le souffle nous emporte dans le moment présent, à travers la pratique du Qi Gong1 et sa méthode de la Femme Lune.
DE LA LITTÉRATURE AU MONDE SPIRITUEL
« Je suis sur un chemin depuis l’âge de 19 ans et je pense que mon histoire a commencé bien avant. »
Notre roman débute dans la tragédie antique avec deux événements marquant sa vie, guidant son chemin vers sa voie spirituelle.
« Parfois on vit des tragédies qui, finalement, vont orienter notre vie. Nous obligeant à raisonner sur un discours avec notre inconscient. »
Premier acte de cette tragédie, un accident de ski. C’est un enfermement de son propre corps, ne pouvant se libérer comme les autres.
« À 15 ans j’ai eu le talon droit brisé. J’ai découvert les arts énergétiques chinois pour ma propre guérison car je ne pouvais plus mettre mon propre poids sur mon pied. »
Une chenille dans son cocon, une résonance à l’imprimé « Le Scaphandre et le papillon ». Ce traumatisme enveloppant son corps physique devient la clé de son envol. Claquemurée dans son lit, Fabienne y développe sa sensibilité littéraire et se fond dans les personnages.
« Ça a été la source de toute ma vie, de mes rencontres et de mon devenir. »
Puis, acte second dans les scènes de son adolescence.
« À 20 ans, ma mère nous quitte. M’ouvrant et m’offrant une brèche spirituelle : « J’ose être qui je veux, j’ose écouter qui je suis. »»
OSER SA PROPRE LUMIÈRE
Un saut dans le temps et nous passons au XVIe siècle où la comedia dell’arte2 bat son plein, où émotions et fictions se déchaînent dans un contrôle brechtien3.
« J’entre au conservatoire national de la région de Strasbourg pour devenir comédienne. Un chemin vers le corps par la fusion de la littérature, du théâtre et du corps. »
Ses études sont une initiation aux arts dramatiques et aux arts martiaux à travers desquels se dessine une pratique énergétique.
« D’une certaine manière, il y a une libération de la voix qui vient des profondeurs viscérales de l’être. »
Toutefois, notre littéraire zélée se détache de cette voie universitaire pour suivre une vie vagabonde. Reflet des auteurs libérés du XXe siècle, tel un farfelu Baudelaire, Fabienne se laisse porter par cette énergie volatile.
« Si soi-même on ne fait pas la voie de la positivité, si on ne croit pas en sa lumière, si on ne se structure pas pour oser sa propre lumière, on risque de sombrer avec. »
Sur la voie du Tao depuis ses jeunes années, elle étudie dans la nature au contact des éléments, puis rencontre son maître en Thaïlande.
« À 24 ans, je suis une des plus jeunes diplômées au monde de cette discipline. En 1996, j’ouvre ma première école, l’École du Tao Vivant, dans la région de Montpellier. »
« Je suis encore dans l’enseignement car ma voie est de ne jamais cesser de me remettre en question et d’apprendre. »
L'ÉPANOUISSEMENT DANS LE PARTAGE
Les chemins qui s’offrent à elle ondulent sous ses pas où son intuition la mène vers la Nouvelle-Calédonie puis Tahiti. Des lieux lui insufflant la voie vers sa méthode : Le Tao de la Femme Lune ®.
« D’un côté « lune » pour l’aspect lunaire du Yin. De l’autre, « l’une » signifiant celle qui est unique, de par son histoire, de par ce qu’elle est, qui fait une avec elle-même et qui ose être. »
C’est-à-dire l’art de se réapproprier son corps, sa propre énergie vitale, au service de sa vision.
« Tout ce qui est inconscient émerge et nous sert au lieu de nous desservir. Cela passe par la méditation, le travail du corps, l’étirement, la pratique des arts martiaux avec le Tai-chi et le Kung-fu ainsi que le Qi Gong. »
Mais aussi à travers le travail du second cerveau, le ventre, par la libération viscérale.
« Le cœur de mon enseignement réside dans le développement de la lumière sur l’essence féminine, en passant par la réunification du cœur, sa vibration hormonale et sa vibration sexuelle, créatrice et sensuelle. »
« On dit souvent qu’il faut monter vers la lumière mais on oublie qu’elle est à l’intérieur : en allant vers soi, en s’aimant soi-même et en se mettant à l’écoute. »
Lumière et vivance sont un mantra qu’elle nous murmure.
« À l’heure d’aujourd’hui, la femme n’est pas vivante car il y a énormément de tabous sur son corps. Elle est sous le joug du regard des autres, à ne surtout pas oser, ni se mettre en avant. »
Nous terminons cet échange avec ce travail interne de la fusion du yin et yang, comme un échange de plumes, « 3 amis en quête de sagesse ».
« Il faut que le Yin et le Yang se rejoignent dans la paix : que les femmes soient plus visibles et osent leur lumière. Que les hommes mettent un peu plus de Yin dans leur Yang en s’adoucissant et en osant leurs émotions. »
Nombre de choses sont à reconquérir. Mais une même quête est dépeinte, cette harmonie réunissant l’humanité dans un équilibre prospère.
« Entrer dans la neutralité émotionnelle pour nous faire sortir de la dualité. Sortir du conflit et prendre conscience de notre propre histoire pour comprendre notre force. »
1 Discipline traditionnelle chinoise fondée sur la libération de l’énergie vitale, associant mouvements fluides, exercices respiratoires et concentration de l’esprit.
2 Genre de théâtre populaire italien, né au XVIe siècle, où des acteurs masqués improvisent des comédies marquées par la naïveté, la ruse et l’ingéniosité.
3 Fait référence à la méthode brechtienne : faire sentir l’émotion sans s’y perdre.