Carine Vairaaroa Yip, la vanille, un métier de passion
Sous le soleil déjà ardent, Femmes de Polynésie a retrouvé Carine Vairaaroa Yip dans son jardin où elle fait sécher ses gousses de vanille. Tout en étalant sa production, cette passionnée nous raconte son parcours et son engouement pour un métier du secteur primaire.
De la vanille à Vanylle de Tahiti
Carine Vairaaroa Yip a « un très long passé dans la vanille » : elle a travaillé pendant de nombreuses années dans l’établissement public Vanille de Tahiti, dans les bureaux puis à la direction. Durant cette période, elle a appris la théorie, de la préparation à la production, tout en en côtoyant les acteurs. À son départ de l’entreprise, elle a d’abord cherché à se reconvertir.
« Au début, je ne voulais pas revenir à la vanille, mais pendant quelques mois, j’ai eu pas mal d’appels de producteurs ou de groupements de préparateurs : je me suis dit : “c’est que la filière de la vanille a encore besoin de moi”. »
En 2020, elle lance son entreprise, Vanylle de Tahiti, et se concentre, au début, uniquement sur la préparation des gousses. Elle en fait sécher des centaines de kilos dans son atelier en ville.
«Je savais un peu comment faire pour transformer : j’ai appris en côtoyant les préparateurs, et je me suis inspirée d’un expert, Baldwin Tauraa. J’ai des amis qui venaient me voir aussi, des anciens collègues et directeurs qui avaient beaucoup d’expérience et qui m’ont aidée à m’affirmer et à avancer. »
Productrice, préparatrice… et médaillée
Les gousses de Carine proviennent de son exploitation à Taravao : elle a repris le flambeau du producteur qui la fournissait auparavant.
« Je savais la théorie, on va dire. C’est que à partir de l’année dernière que j’ai mis en pratique. Acheter mon exploitation à Taravao m’a permis de maitriser tout le processus, tous les maillons, de la production à la commercialisation. »
En février 2024, la préparatrice est récompensée pour son travail :
« J’ai eu la très grande surprise d’être médaillée au Salon International de l’Agriculture à Paris. C’était ma première année de participation qui s’est soldée avec une médaille d’or. En te parlant, je suis encore en train de frissonner parce qu’effectivement c’était une grande surprise. »
Ses gousses ont été jugées sur leur aspect visuel et gustatif : elles sont brunes, grasses, souples, avec des arômes ronds de pruneau. Ses variétés Tahiti et Haapape enchantent les papilles. La médaille d’or semble saluer les efforts de cette femme de vanille :
« Avant de me lancer, je n’étais pas tant passionnée par ce milieu : c’est quand j’ai commencé à faire que c’est venu. Le produit fait qu’on devient passionné. C’est un métier de passion et de patience et la médaille d’or, cette année, ça récompense vraiment tout ce travail-là. C’est une belle récompense parce que ça m’a ouvert le marché. »
Un métier de partage
Carine souligne que le métier est exigeant car il demande beaucoup de temps et de travail : il faut compter jusqu’à 18 mois entre la pollinisation de la fleur et le produit fini, séché et affiné. De plus, les métiers de la vanille sont soumis aux aléas climatiques. La pluie, par exemple, est un fléau pour le producteur et le préparateur, car elle fait chuter les gousses des lianes et empêche le séchage des gousses mûres.
« On me dit souvent que c’est cher, mais c’est deux ans de travail ! Il faut partager, on a des petits secrets, mais j’estime qu’il faut que les gens sachent pourquoi ce produit se vend à tel prix. Il faut que les gens sachent aussi comment la cultiver et la préparer car elle fait partie de la culture polynésienne. Il faut apprendre !
En ce moment, j’ai un stagiaire du CFPPA[1], venu des Marquises : il apprend avec moi, d’abord à la plantation à Taravao, puis il viendra ici à la préparation. Tous les matins, il fait le mariage des fleurs. »
Cette mère de famille partage également ses savoirs et sa passion à ses enfants :
«Je me suis aussi lancée dans cette aventure parce que j’avais le soutien familial, c’est très précieux. Je veux transmettre quelque chose à mes enfants, leur donner un héritage. On sait très bien que le marché du travail est difficile, beaucoup se reconvertissent. On ne sait pas de quoi sera fait l’avenir et pour moi le secteur primaire est un secteur d’avenir. Mon fils travaille avec moi actuellement, il s’occupe du séchage des gousses. Et demain j’aimerais que ma fille nous rejoigne. »
Tout en nous présentant ses produits, bruts et transformés, Carine nous emmène dans son monde vanillé pour nous transmettre sa passion avec douceur et pédagogie. Cette femme qui consacre son temps à une orchidée fragile rayonne dans ses explications. Nous avons hâte de la voir ouvrir son atelier de préparation et partager ses savoirs autour de cette culture délicate.
[1] Centre de Formation Professionnel et de Promotion Agricoles
Rédactrice
©Photos : Marie Lecrosnier–Wittkowsky pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES