Kaulana : éclosion d’une beauté
Kaulana. Son prénom hawaiien signifie « fameuse ». Pourtant ce n’est pas ainsi que la jeune femme se perçoit depuis son enfance. Sauf quand elle danse. Mais aujourd’hui, son regard sur elle-même change enfin. Femmes de Polynésie rencontre Kaulana à la marina Taina où elle a travaillé comme agent maritime, pour comprendre cette métamorphose.
une beauté rayonnante
Kaulana, 23 ans, est assise sur la terrasse de la marina Taina. Quelque chose de fort se dégage de sa personne. Sa beauté est évidente, mais ce n’est pas tout. Il y a ce charme indéniable, une grâce naturelle, et ce quelque chose qui la rend pétillante, attachante, solide aussi. Quand elle sourit, c’est tout son visage qui s’éclaire. Et son corps qui semble se remplir de cette joie, une joie communicative. De sa voix grave et veloutée, les mots lui viennent facilement.
« Aujourd’hui, je me sens belle ! »
Cela va au-delà du simple sens esthétique. C’est une beauté complète, du corps comme de l’esprit. C’est le regard des autres qui a changé, c’est le regard sur elle-même, c’est la relation avec ses parents qui a évolué, c’est son corps qui peut à nouveau bouger avec aisance. C’est… Non, son compagnon, lui, est resté le même. Pour lui, sa femme a toujours été belle.
obèse depuis l'enfance
« J’ai dépassé les 100 kg alors que j’étais étudiante. J’ai même pesé jusqu’à 130 kg. Mon dos me faisait énormément souffrir. J’étais essoufflée, même pour faire quelques pas. »
Le gène de l’obésité fait des ravages dans la famille de Kaulana. Dès l’enfance, elle s’alimente avec excès. Plus elle se sent stressée, plus elle cherche le réconfort dans la nourriture et plus elle s’épaissit, moins elle se sent confiante. Un infernal cercle vicieux duquel elle ne sait plus comment s’extraire.
« J’ai essayé beaucoup de régimes, des jeûnes, des produits de substitution. Je maigrissais rapidement et reprenais tout aussi vite du poids. »
l'opération
Impossible de maigrir par des régimes, impossible de pratiquer du sport tant son dos est douloureux. Kaulana consulte alors son médecin traitant. Il lui parle de sleeve1, elle connaît déjà car sa sœur aînée vient d’être opérée. Mais l’intervention est conséquente.
« Dans une sleeve, on te retire les deux tiers de l’estomac. C’est irréversible. Il faut vraiment être prête pour ça, c’est très important. J’ai attendu deux ans. »
Au terme de ce laps de temps, soutenue par ses parents, Kaulana est opérée d’une gastrectomie. C’est sa décision, profondément réfléchie. Pendant deux semaines, elle absorbe des aliments liquides puis des purées.
« Aujourd’hui je mange de tout, mais peu et plus souvent. Mon rapport à la nourriture a complètement changé et cela sans frustration. »
Car Kaulana sait que si l’on n’y prend garde, même opérée, on peut reprendre du poids en s’alimentant de manière inadéquate. Elle est vigilante, car déterminée à ne plus vivre l’enfer du surpoids.
transformée
Kaulana se sent libérée, et peu à peu son esprit s’accorde avec le reflet que lui renvoie son miroir. Pendant plusieurs mois, elle se voyait toujours obèse, même si l’aiguille de la balance lui affirmait le contraire. Aujourd’hui, elle perçoit que les regards ont changé, ils sont devenus flatteurs. Ceux de son tane restent immuables. Il l’a toujours aimée telle qu’elle était, et telle qu’elle est actuellement.
« Je mesure 1,83m, et maintenant mon poids est stable à 75 kg. J’ai perdu 55 kg en un peu plus d’une année. »
libre dans la musique et la danse
Kaulana vient de Raiatea, où elle se ressource régulièrement, son compagnon est originaire de Makemo. Deux enfants des îles émigrés à Tahiti pour leurs études.
Détentrice d’une licence en langues étrangères, Kaulana a déjà exercé les métiers les plus diversifiés. Aujourd’hui la jeune femme est en recherche d’emploi. C’est sa priorité. Quand elle aura plus de temps, elle souhaite reprendre la danse car elle a grandi avec. Pour se libérer, elle chante aussi. Juste pour elle, parce que ça fait un bien fou !
À l’époque de son obésité, les regards avant l’entrée en scène l’oppressaient. Mais une fois que le spectacle commençait, tout changeait.
« Quand je danse, je suis dans ma bulle, je me sens libre ! »
Elle prononce ces mots et on dirait que tout son corps va se mettre à danser, elle ferme les yeux, nous l’imaginons s’envoler.
Kaulana prend réellement son envol. Sa transformation l’a libérée. Légère, légère, elle s’envole vers un nouveau chemin de vie…
1 Opération consistant à retirer les 2/3 de l’estomac dans les cas d’obésité morbide
Doris Ramseyer
Rédactrice
©Photos : Doris Ramseyer pour Femmes de Polynésie