Poète des lignes : entre nature et identité
Yiling, son prénom résonne comme une douce mélodie que la rivière a portée en son sein, puis déposée à la mer, grandie et sereine, comme une femme accomplie. Ses œuvres plastiques fusionnent féminité et énergie naturelle. Une magie blanche qui anime ses illustrations comme un écho à notre être intérieur, un poème à lire avec le cœur.
Femmes de Polynésie s’immerge dans son univers artistique, avec ces lignes qui nous accompagnent comme une caresse.
UN CHEMINEMENT D’ART ET DE CULTURE
Née d’origines multiculturelles, cette jeune artiste du fenua opte pour un parcours littéraire, option art, au lycée Gauguin. Elle poursuit ses études en France et obtient une licence de design graphique spécialisée en illustration.
« C’était évident pour moi de faire un métier dans le milieu artistique. »
Ces années créent en elle une prise de conscience, notamment avec son projet d’étude traitant d’un livre sur l’histoire de sa famille chinoise.
« J’ai appris vraiment concrètement d’où ma famille venait. Pourquoi autant de Chinois en Polynésie ? »
En effet, cette notion d’identité est très présente, comme pour beaucoup de métissés polynésiens. Une identité souvent revendiquée avec fierté et pourtant fâcheusement pauvre en termes de connaissances culturelles ou linguistiques.
« En tant que jeunes polynésiens nous sommes acculturés. Nous le sommes avec la mondialisation et le colonialisme mais, en même temps, c’est ce qui fait notre richesse. »
Ce voyage en France est une passerelle essentielle dans sa vie d’artiste mais aussi dans la construction de sa propre identité.
« On part pour mieux revenir. »
Elle termine son parcours d’étudiante avec un master en arts plastiques, réalisant ainsi un mémoire sur le multiculturalisme à Tahiti.
LA QUESTION DE L’IDENTITÉ
Au cours de notre voyage discursif, Yiling nous fait remarquer cette trace que nos ancêtres nous ont laissée, ce « vide » que l’on essaye de combler. Un vide parfois comblé de manière trop folklorique, mais est-ce justement ce passage qui nous permettra de nous retrouver ?
« On a ce sentiment d’être étranger à sa propre culture. »
Yiling nous rappelle l’importance de l’art traditionnel et nous convie à renouer avec cette tradition, tout en gardant l’aspect moderne de notre monde en perpétuelle évolution.
UN UNIVERS DE LIGNES ET DE TONS
Sa patte artistique se caractérise par cette synergie évolutive et complémentaire qui caractérise son style. A la fois dans un travail de lignes en noir et blanc où figuration et narration interagissent comme deux âmes sœurs. Mais aussi dans l’énergie et l’émotivité que lui offre le travail de la couleur. Une inspiration directe du fauvisme, caractérisé par cette bataille intérieure des pigments.
« Toute cette légèreté, cette spontanéité, cette pertinence, c’est ça que je cherche dans mon travail de ligne. Avec la couleur, je suis plus dans l’énergie, dans la forme, dans la touche. »
Elle établit un double dialogue, entre une féminité personnelle proche de la Nature telle un autoportrait, et une autofiction où le mythe de la vahine trouve sa place sur ses toiles.
« Est-ce qu’il correspond à ce que les colonisateurs ont mis en place ? A la fois oui et non. »
Notre voyage s’achève avec une pensée, une pensée que Yiling nous transmet en toute simplicité et avec humilité.
« Allez chercher votre propre essence et questionnez vos agissements, questionnez vos créations, tout ce que vous faites dans votre vie par rapport à ça. Remontez à la source de votre essence. On ne peut pas se tromper, sauf si on fait semblant. »
Manutea Rambaud
Rédactrice Web
©Photos : Manutea Rambaud pour Femmes de Polynésie
