Julia Chave Moutardier, une pension de famille à son image
C’est dans le calme de la montagne de Papara que la rédaction de Femmes de Polynésie a rencontré Julia Chave épouse Moutardier. Sous un beau ciel bleu et dans un cadre verdoyant, nous découvrons une dame accomplie, rayonnante, et fière de nous présenter son havre de paix. Papara Mountain Side Lodge, voilà le projet d’une vie concrétisé, et le résultat de quelques années de labeur.
Nous nous installons sur la terrasse de l’un de ses bungalows, où nous dégustons un plateau de fruits gracieusement préparé par notre hôte. La générosité polynésienne…
La tranquillité règne, l’atmosphère est clémente, et la montagne veille sur nous. De quoi nous laisser le temps de discuter de la vie de Julia, de la pension qu’elle a envisagée à son image, et de l’importance de l’héritage.
C’est lors d’un salon dédié à l’entrepreneuriat féminin que nous avons croisé Julia et sa fille, qui tenaient un stand magnifiquement décoré. Une joie de vivre se dégageait d’elles, alors nous avons voulu en savoir un peu plus sur leur petite entreprise. Il est vrai qu’une pension côté montagne, c’est assez rare pour être souligné. Après une longue carrière à l’OPT, Julia a perpétué la tradition familiale, puisqu’en 1989, sur la même propriété, son papa avait déjà créé une pension, Papara Village.
C’est en 2015 que l’idée de fonder sa propre pension de famille commence à germer, d’abord pour exploiter leur domaine, vaste de 7 hectares, et ensuite dans un but de transmission.
« Je pense que j’ai hérité cela de mon papa, le sens de l’accueil. Tous les soirs, il revenait de la douane avec un touriste. À la maison, on avait toujours quelqu’un à dîner. Le partage est très important. »
Le choix du cœur
En 2012, Julia fait le choix du cœur en quittant l’OPT, à la suite d’un départ volontaire. Elle n’a pas la moindre idée de ce qu’elle va faire, et ne réfléchit pas aux conséquences. Elle veut simplement se rapprocher de qui elle est vraiment, et faire une force de tout ce qu’elle a appris durant sa carrière.
Pendant deux années, elle s’occupe du terrain familial, de sa maison, et des personnes qui gravitent autour d’elle. Elle nous avoue tout de même avoir, par moments, douté de son choix de tout quitter.
Sa première idée était d’agrandir l’élevage de bétail (porcelets, etc.) et d’en faire son métier.
Finalement, après de longues réflexions, elle soumet à son mari l’idée de faire une pension de famille. Julia a désormais le temps et les ressources nécessaires pour entreprendre, et le terrain s’y prête.
« Passée la quarantaine, je voulais faire autre chose. Je travaillais depuis mes 18 ans, j’avais beaucoup de responsabilités. J’aimais mon travail, mais je voulais voir grandir mes enfants et être auprès de mon mari. Il m’a fallu du temps pour accepter de ne plus aller au travail, mais être maman, c’est aussi une grande responsabilité. »
À force de persévérance, et par son expérience, elle entreprend les premières démarches auprès du service du Tourisme, de la banque, de la CCISM, de la DAF… Très vite, elle comprend qu’elle va devoir s’accrocher, car rien n’est facile. Dans ses débuts, et malgré les nombreuses aides, elle se retrouve souvent en difficulté.
« Il y a plein de pensions de famille, ça a l’air simple, mais ça ne se fait pas comme ça. Monter une pension de famille solide, dans les normes, en voulant faire les choses bien, c’est loin d’être facile. Il n’y a pas de mode d’emploi, c’est le parcours du combattant, et il faut réfléchir. »
Ainsi, avec l’aide de sa famille, elle réussit à trouver son organisation, à communiquer sur son projet. Elle s’attache à répondre au cahier des charges bien précis du service du Tourisme, et finit par obtenir la conformité de sa pension, avec le précieux Tiaré.
Une consécration.
Papara Mountain Side Lodge, un bel héritage
Dès lors que nous suivons la pancarte, nous pénétrons dans un ailleurs, un endroit différent des autres. Nous laissons la mer et le ressac derrière nous, pour grimper dans les montagnes protectrices de Papara. Le chant des oiseaux et le paysage vertigineux nous font déjà de l’effet, le lieu est inspirant, comme s’il était loin de tout.
« Les clients viennent chez nous pour trouver quelque chose de différent. Ce n’est pas le cliché de Tahiti, on a de belles montagnes et de belles vallées. Il faut vendre le côté montagne de Tahiti.
La pension a vu le jour fin 2018, et propose aujourd’hui 5 bungalows : 2 tiny et 3 grands chalets, un Fare Pote’e¹, une piscine, ainsi que deux grandes maisons disponibles à la location pour des événements particuliers.
Elle voit le fruit de son travail prendre forme, et remplit petit à petit son cahier de réservations.
Elle a déjà embauché en CAE, et ambitionne de recommencer, une fois délestée des principales charges.
Julia peut compter sur l’aide de son mari et de ses trois filles, qui s’impliquent pleinement afin de faire de rendre cette aventure familiale unique. Qu’il s’agisse de la communication, des gestions de plannings, du site internet, ou de la décoration, tout le monde met sa pierre à l’édifice.
Son mari travaille la menuiserie, et fabrique les meubles de chaque bungalow, pièces rares !
« C’est bien beau d’avoir un grand terrain, mais il faut se donner les moyens de l’entretenir. Il n’est pas magnifique par nature, mais on le rend magnifique. Si j’ai fait ça, ce n’est pas forcément pour moi, c’est surtout pour mes filles. Elles m’aident et sont compétentes. Et puis si elles prennent le relais, moi j’arrête, je pars en voyage avec mon mari (rires). »
TITRE
Julia est un livre ouvert, elle connait beaucoup de choses, sur le Pays et sur son histoire, sur la culture. Elle aime donner des conseils, partager tous ses bons plans et apporter des réponses concrètes.
C’est pour cela qu’elle ne se contente pas de loger les clients, elle souhaite les instruire à l’agriculture, leur apprendre la cueillette des fruits, les guider vers des activités nouvelles, des rencontres originales.
« L’important, c’est de connaître son histoire et de partager avec sa descendance. Je dis toujours à mes enfants de connaître leur histoire pour mieux vivre leur pays. C’est une pension de famille qui œuvre et qui bâtit pour le Pays. »
Julia a pour objectif d’animer des journées culturelles pour les jeunes défavorisés, des camps Ti’aturi², pour initier les enfants à un nouvel environnement. Elle a également dans l’idée d’organiser des mariages, notamment sur le Marae de Papara.
Elle a surtout l’intention de lier avec ses clients des relations sur mesure, et de leur faire vivre une expérience unique.
Nous finissons par un tour de la propriété, au milieu des nombreux arbres fruitiers et de la cocoteraie. Nous avons du mal à quitter Julia, qui nous lance un dernier appel :
« Beaucoup de locaux viennent aussi pour se détendre, pour lire, pour profiter du calme. Mais j’avoue que nous, petites pensions, aurions besoin de plus de visibilité, pourquoi pas à l’aéroport… »
- Construction typique de l’habitat traditionnel polynésien
- Des camps de confiance
Rédacteur
©Photos : Julia Urso pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES