Anita Yu, en faveur de la formation des enseignants polynésiens
Femmes de Polynésie vous propose de retourner sur les bancs de l’école et de rencontrer Anita Yu, enseignante et formatrice à l’INSPE[1]. Elle nous reçoit au campus universitaire de Puna’auia, dans l’établissement au sein duquel elle exerce, pour nous parler de l’Observatoire et conservatoire des pratiques enseignantes.
Se destiner à la formation
Anita Yu est née en Polynésie et y a effectué sa scolarité jusqu’à y devenir professeure des écoles. Elle a mené l’entièreté de sa carrière au fenua. Son intérêt pour la formation est apparu très tôt :
« Au bout de trois ans d’exercice, des formateurs et inspecteurs m’ont encouragée à devenir maitre formatrice et à transmettre aux étudiants ce que je connaissais du métier. Au départ cela a été un réel défi!
Poussée par ces personnes qui avaient confiance en moi, j’ai accepté des missions de formation de plus en plus importantes. »
Anita obtient ensuite un poste de conseillère pédagogique et s’épanouit dans l’accompagnement des enseignants, en formation initiale ou continue. Tout naturellement, elle intègre l’INSPE :
« Aujourd’hui cela fait 9 ans que je suis dans cette structure, à la base en tant qu’enseignante et depuis 2 ans à la direction de l’établissement. On essaie d’apprendre à nos jeunes à devenir les enseignants qu’ils auraient aimé avoir en tant qu’élèves, qu’ils souhaiteraient être, qu’ils aimeraient avoir en face de leurs enfants, neveux ou nièces… des professionnels dotés d’un haut niveau de compétence. »
Le projet Polyfoc : proposer des ressources locales aux enseignants de Polynésie
«Nous sommes partis du constat que les enseignants polynésiens ne se reconnaissaient pas forcément dans les praticiens qu’ils voyaient, pas plus qu’ils ne reconnaissaient les élèves en face d’eux.
Il peut y avoir des obstacles à la formation lorsque l’on se base uniquement sur des supports ou des exemples trop éloignés du vécu de chacun. »
Alors la plateforme Polyfoc, inaugurée en juin 2024, fait le choix de vidéos contextualisées. Elles sont tournées dans nos classes, avec nos élèves et nos enseignants, et montrent des situations authentiques. La vidéo est suivie d’un entretien avec l’enseignant filmé, puis Polyfoc donne la parole à d’autres enseignants et chercheurs pour proposer de réfléchir collectivement aux situations professionnelles mises en lumière et aux défis qui peuvent se poser dans le quotidien d’un enseignant en Polynésie.
Anita, qui œuvre au sein d’une équipe d’enseignants et de formateurs engagés, nous explique que bon nombre de ces supports ont pu être éprouvés :
« Ces ressources permettent à celui qui visionne les vidéos de se reconnaître, de s’enrichir professionnellement et de faire évoluer sa pratique. Cela peut permettre de rassurer, on se dit que l’on n’est pas les seuls à rencontrer ces difficultés. Cela peut aussi valoriser certaines pratiques… Les retours que nous avons sont d’ores et déjà très encourageants. »
Pour un enseignement contextualisé
Les Programmes scolaires de Polynésie tiennent compte des indications du ministère de l’Éducation Nationale et proposent également des adaptations au niveau local (par exemple les langues polynésiennes sont enseignées, l’histoire et la géographie de la Polynésie…).
« Ces adaptations témoignent, comme l’a souligné notre Ministre dans sa lettre de rentrée, d’une volonté de créer une école qui « nous ressemble et qui nous rassemble »
Anita propose d’adopter la même lignée pour la formation des enseignants :
« Il semble que cette entrée par la contextualisation peut faciliter le questionnement professionnel. La complémentarité est toutefois importante : dans les formations nous continuons d’utiliser des vidéos nationales, aux côtés des ressources de Polyfoc. »
La plateforme propose déjà une vingtaine de vidéos, réparties en cinq parcours de la maternelle au collège, Le parcours « Ça a hape »[4] par exemple, s’intéresse à l’utilisation du français local en classe.
Nous retenons surtout la passion d’Anita Yu pour son métier et sa volonté d’enjoindre les enseignants à la formation.
« Être enseignant ce n’est pas inné, c’est un métier qui s’apprend. Et cela s’apprend tout au long de sa carrière. On a une formation de base mais la société, les enfants, les programmes changent. On enseigne aujourd’hui différemment qu’hier. Tout évolue et il est nécessaire de se renouveler. »
Avec Anita et le projet Polyfoc, l’on peut être certain que les enseignants formés localement sauront faire preuve de passion, de patience et de compétence face à nos enfants !
Rédactrice
©Photos : Marie Lecrosnier–Wittkowsky pour Femmes de Polynésie et Polyfoc
Directeur des Publications : Yvon BARDES
