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    Portrait

    Dans les couleurs oniriques de Taunatere

    Publié le 23 janvier 2023

    C’est à l’entrée de la ville, sous la lumière montante de l’aurore que Femmes de Polynésie s’introduit dans le monde onirique de Taunatere. Lorsque le monde du Pō ouvre ses portes aux plus courageux qui, harassés par le sommeil, bravent les interdits et les images fantasmagoriques apportées par les Oneiroi1.

    En cette douce matinée, c’est autour d’une table où palettes de couleurs éparses se mélangent et s’harmonisent qu’elle nous conte son histoire.

    UN BRIN D’ART DANS LA VILLE

    En les temps primordiaux, lorsque la naissance et la mythologie offrent la nourriture à l’imaginaire, le monde de la nuit ouvre ses mains pour que s’y déploie le cœur florissant de la jeune Taunatere.

    « J’aime dire que je suis née dans le coin parce que je suis une fille de la ville. »

    « Déjà toute petite, quand j’étais encore fille unique, j’aimais me réfugier dans la peinture et le dessin. »

    Cet univers intuitif, elle le crée et s’y blottit.

    « J’ai commencé avec la photographie au téléphone à l’école, c’était ma première approche. Après ça, j’ai voulu partir en France, pensant que c’était la solution comme beaucoup d’autres personnes. »

    Mais au cours de son avancée, c’est une professeur attentionnée à l’égard de ses élèves qui lui fait une remarque pertinente en lui amenant ces réflexions :

    « Avant de partir, sais-tu au moins qui tu es ? Et puis, sais-tu ce qui se fait ici dans le domaine de l’Art ? »

    Ainsi, toute coite face à ces questions, sa professeur renchérit : « C’est bien de partir, mais c’est encore mieux avec un bagage culturel, pour savoir qui tu es. »

    Les remises en question apposées dans son esprit pour lui insuffler le meilleur chemin à suivre font leur travail. Taunatere se dirige donc vers le Centre des Métiers d’Arts, seul établissement à répondre à sa demande.

    « C’est l’équivalent d’un bac professionnel donc j’y suis allée. J’ai vraiment appris tout ce que je voulais : la culture, la civilisation polynésienne, les arts plastiques et visuels… »

    LE RÊVE À TRAVERS LA RÉALITÉ

    Déjà les couleurs s’immiscent dans son art comme une évidence, un besoin vital dans son moyen d’expression.

    Alors d’une voix suave, elle nous transporte dans son passé.

    « Après mon diplôme, il y a eu le Covid et j’ai pris cette période pour créer. J’avais déjà les bases, il ne me manquait que la production. C’est-à-dire prendre le temps de peindre. »

    « Le Rêve »

    « Ainsi, en septembre dernier j’ai présenté ma toute première exposition en solo. »

    Quant aux inspirations, elles sont diverses et disparates, prises dans les instants de vie, épinglées dans la mémoire du conscient.

    « Lorsque l’on est avec ses amis, il se dégage des émotions particulières. Et souvent, les personnes ne se rendent pas compte que ce moment était précieux. »

    De gauche à droite : « L'amour d'une mère » ; « Femme poésie »

    « Je parle aussi beaucoup de mes frères et sœurs parce qu’on passe du temps ensemble et j’ai la chance de les voir grandir. Dans l’art, on parle généralement de ce qui nous entoure et c’est la meilleure façon de le faire. »

    DU NAÏF POUR APAISER LA RÉALITÉ

    « J’ai bousculé toutes les couleurs du réel. »

    Cette vision du monde, elle l’exprime à travers ce mouvement de l’art naïf2. Une ode aux mirages, nostalgie d’une époque quand jeune mouflet, l’on s’exerçait à reproduire au crayon nos rêves.

    « C’est voulu que ça ne ressemble pas à la réalité. Et pour toutes les toiles, je ne travaille qu’avec les couleurs primaires ainsi que le blanc, ça me suffit. »

    « Autoportrait dans mon atelier de rêve »

    Et c’est au moment où la brèche qui sépare le monde de la lumière pour ouvrir sur celle de la nuit que Taunatere valse avec ses nuances.

    « La nuit, tout le monde dort, il n’y a aucun bruit autour. Ce que j’apprécie, c’est de pouvoir créer dans le silence, ce moment n’appartient qu’à toi. »

    Avec un hoquet de rire, elle continue : « mais ce n’est pas simple quand tu as un programme le lendemain ou lorsque tu travailles ! »

    Toutefois, dans ces instants créatifs, lorsque la pénombre englobe le luminaire persistant, le noir s’efface de ses œuvres comme si, d’un revers de la main, Taunatere décide de briser ses synonymes.

    « Il y a déjà plein de noir autour de nous, je n’ai pas l’utilité de les mettre sur mes toiles. »

    Elle poursuit, incitant les artistes à continuer de montrer le monde tel qu’ils le voient.

    « La réalité est différente, mais ce n’est pas une raison d’éteindre ces personnes. Ceux qui voient encore le monde comme il l’aime dans toute sa beauté, c’est aussi chaotique que magnifique. On a besoin d’eux. »

    Puis termine avec ces moments qui nous ont tous un jour touchés  : « une œuvre dans une ruelle, une griffe de couleur dans un recoin, ça crée des petites émotions positives qui illuminent le quotidien. »

    1 Dans la mythologie grecque, ce sont des divinités qui personnifient les rêves. Elles prennent la forme d’un être animé (animal, humain) ou inanimé (terre, pierre, onde, arbre).

    2 Mouvement artistique ou manière d’aborder la peinture. Se caractérise par le non-respect des perspectives, des dimensions, l’intensité des couleurs et la précision du dessin.

    Manutea Rambaud
    Rédactrice

    © Photos : Manutea Rambaud et Taunatere pour Femmes de Polynésie

     

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