Le “New Sixties” de Frédérique : Fleurs, couleurs et mélancolie
C’est en suivant les traces scintillantes de la poussière de fées que Femmes de Polynésie se retrouve face à cette artiste au style aussi noir que coloré. Ses lunettes remontées et les mains sur sa machine, Frédérique nous embarque dans son univers de couleurs et de fleurs. Un monde merveilleux où le train de l’Histoire nous emmène jusqu’aux années 50-60, pour redécouvrir la mode d’antan aux couleurs du Fenua.
UNE ENFANCE DANS UNE BOÎTE À COUTURE
Notre remontée dans le temps débute avec l’enfance de cette artiste haute en couleur. Car c’est depuis ses premières années de vie qu’elle nage et se perd dans les tissus, les fils et les boîtes à boutons de sa grand-mère.
« Déjà toute petite je cousais. Les premiers cadeaux que je faisais à ma maman, c’étaient des pochettes à épingle. »
Après s’être baignée dans le chaudron de la mercerie, elle suit les traces que les fées ont laissé, l’amenant à des études à la ville lumière.
« J’ai fait mes études de couture à Paris et j’ai obtenu un brevet de technicien de couture sur-mesure à Elisa Lemonnier. »
C’est le début d’une belle aventure dans l’univers de la mode et de la création.
« J’ai commencé en vendant du tissu chez Bouchara et puis on est venu me débaucher pour travailler chez Georges Rech. J’ai travaillé pour eux 3-4 ans. »
Ses yeux brillants face à ces belles coupes sont reconnaissants car c’est à peine âgé de 21 ans qu’on lui donne la responsabilité d’un magasin. Puis, la rencontre de son mari est le premier sifflement du train pour de nouvelles destinations qui s’enchaînent pour la petite famille et les machines à coudre.
TERRES D’ARTS ET TERRES DE COULEURS
En 2009, enfants, mari et machines à coudre sont posées sur le sol du Fenua et c’est la naissance de son entreprise.
« C’est vraiment ma passion, je couds tout le temps. Un jour je cousais et je me suis dit, pourquoi pas créer ma propre marque et on verra ce que ça donne. »
Elle commence son artisanat en 2011 avec des accessoires, des trousses, des pochettes, des sacs en lin ou en toile de jute et des robes uniquement sur commande.
« Je faisais déjà mes robes et mes chemises mais aussi les tenues de mes enfants quand il y avait des spectacles ou pour les journées polynésiennes. »
Sa renommée s’étend d’abord par le bouche à oreille avec des commandes puis grâce à son travail pour les sociétés de communication comme Synergence. 2016, c’est son premier défilé à l’événement Only Vahine, un tremplin dans son ascension avec son installation au show-room de Terres d’Arts. L’année qui suit annonce le début des salons.
« J’essayais de faire des “coupes métro” avec des tissus polynésiens car je ne voulais pas que les gens aient l’impression de porter un déguisement avec les coupes à la Purotu. Je voulais qu’ils soient eux-mêmes dans des tissus polynésiens. »
Souffle d’idée et créatrice mordue de piqué, elle se complait aussi à réaliser des stages créations pour les enfants avec les artisans de Terres d’Arts. Poterie, couture, peinture sur verre ou aquarelle sont autant d’activités réalisables.
« Et dernièrement, l’Atelier d’Enolyne nous propose des ateliers créations pour les adultes. »
DES COULEURS DANS LA TÊTE ET LE COEUR
Le style des années 50, c’est son coup de cœur, son univers, et c’est aussi de cette manière que ses créations passent sous sa baguette enchantée.
« Tout ce que je fais, c’est au coup de cœur. Je ne me dis pas, tiens je dois faire tant de robes comme ça. Elles sont toutes faites au coup de foudre. »
Et si nous devions nous insérer ne serait-ce qu’un instant dans son esprit, nous nous perdrions dans une mer mouvementée par ses marées noires et colorées.
« Les couleurs sont dans ma tête et dans mes créations. Quand je vois un tissu, je sais tout de suite ce que je vais faire dedans. C’est comme ça que je fonctionne. »
Les émotions sont le noyau de son système de création. Des sentiments fougueux rythmés par une culture musicale et des artistes du XXe siècle.
« J’aime beaucoup le Pop art mais à côté de ça, je suis fan de l’Art déco ce qui n’a rien à voir car ce sont des couleurs tendres, mélangées, moins violentes. »
Dans son carnet d’inspiration, nous naviguons dans le “new look” de Dior, le Pop Art d’Andy Warhol et les couleurs de Jean-Michel Basquiat. La peinture impressionniste de Toulouse-Lautrec afflue dans ses veines, avec une ardeur aussi dynamique que l’art naïf.
« Tout m’inspire. Je vais voir un mélange de couleur et c’est parti. Je regarde souvent des musées virtuels. C’est super intéressant parce qu’il y a des mélanges que font certains artistes auxquels tu n’a pas pensé. »
Et c’est non sans peine que l’on retient Frédérique qui, à force de nous partager sa passion, souhaite tout simplement nous quitter pour couper du tissu. Alors, avant qu’elle ne nous échappe avec ses ailes féeriques, elle nous livre ces derniers mots.
« Le matin je me lève, je suis trop contente d’aller travailler. J’aimerais que tout le monde soit passionné par son métier comme je le suis par le mien. »
Manutea Rambaud
Rédactrice
©Photos : Manutea Rambaud et Fédérique Mouchet pour Femmes de Polynésie