Sara, la naissance d’une maman
Les petits pieds qui clapotent dans les flaques d’eau, les savates qui s’amoncellent devant la porte… La pluie battante titille la curiosité des plus petits et n’entrave en rien l’enjouement de Sara. C’est au milieu des poules et des rires d’enfants que Femmes de Polynésie se fraye un chemin dans son quotidien bigarré pour percer à jour les secrets d’une maman hors du commun.
LA FIBRE MATERNELLE
Sa spontanéité, sa bienveillance naturelle, son amour inconditionnel pour les siens, Sara les tient sans doute de sa grand-mère qui l’a élevée comme sa propre fille. Si elle est si heureuse aujourd’hui, c’est parce qu’elle touche enfin à cet équilibre dont elle a tant rêvé et parvient désormais à concilier ses aspirations, son travail et sa vie de famille.
Avant même de devenir mère, Sara aimait s’entourer d’enfants. Elle se familiarise avec la pédagogie Montessori et effectue des remplacements de la maternelle au collège. Entièrement dévouée au bien-être et à l’épanouissement de ses élèves, elle intègre tant bien que mal un système dans lequel elle ne se reconnaît pas.
Lorsque son fils Rainui vient au monde, elle décide de s’y consacrer pleinement mais, enjointe parses proches à reprendre une activité professionnelle, elle regagne un an plus tard le chemin de l’école, à son grand désarroi. Les journées se succèdent et toujours ce même pincement au cœur au moment de laisser son bébé à la garderie.
« J’ai moi aussi vécu cette « vie normale » : déposer son enfant à 6h, rentrer tard, ne pas avoir le temps de faire à manger, se demander pourquoi on fait ça… »
Sara prend son mal en patience mais se dit que la vérité est ailleurs. Elle poursuit son cursus d’institutrice et s’intéresse de très près au développement personnel.
« Très vite, tu analyses ce que tu ne veux plus faire, ce que tu ne cautionnes pas. »
En 2013, elle crée l’association Parents Autrement à Tahiti et intègre ensuite une école alternative qui lui permet de goûter à la liberté et de rester auprès de son fils.
Lorsque sa petite fille Reva naît, Sara refuse cette fois de choisir entre sa vocation et son devoir de maman et insiste pour la garder auprès d’elle en classe.
Si elle est plus épanouie, elle sent bien que les normes imposées s’avèrent contraignantes et que les variables financières inhérentes au système brident encore son élan. A présent mère de deux enfants, Sara ne veut plus faire de compromis, elle ne veut pas avoir à renoncer.
« Ce n’est pas parce que la société nous dit qu’il faut le faire que c’est bien. C’est anormal de s’adapter à quelque chose qui nous rend malheureux. »
VIVRE AUTREMENT
Après cinq ans, elle quitte l’école et lance son activité. Elle dispense des formations sur l’IEF¹, la communication non violente ou la discipline positive. En octobre 2019, elle crée l’éco-lieu qu’elle décrit comme « une gouvernance partagée qui accompagne parents et enfants vers les apprentissages de la vie dans le respect du vivant. »
Ici, les enfants courent, jouent, redécouvrent les choses simples. Ils cultivent leurs légumes dans le fa’a’apu, dévorent quelques feuilles cueillies en chemin et préparent d’onctueux smoothies. Pas de cantine, pas de Tupperware, chacun apprend à être autonome et à respecter l’environnement.
« On prend soin de la pépinière, on fabrique un composteur, on fait sécher des bananes… On danse, on peint, on rebondit sur ce qu’ils aiment. »
Tout comme elle, les parents membres de l’association s’investissent bénévolement à tour de rôle, ils participent à la vie en communauté, préparent les ateliers. L’éco-lieu est un espace d’expérimentation, une aventure humaine où les parents prennent ensemble les décisions, s’entraident, développent de nouvelles compétences en vue de créer leur propre entreprise et de passer plus de temps avec leurs enfants.
AMOUR ET TRANSMISSION
Maman engagée, Sara consacre son temps à aider les autres mais comprend à présent que pour vivre en harmonie, il lui faut prendre soin d’elle pour profiter pleinement des siens.
L’éco-lieu lui a permis d’intégrer sa famille à son monde, de vivre chaque instant pleinement avec eux.
« Maintenant je n’ai plus à leur raconter. Ces moments de partage, je les vis avec eux. »
Avec son mari Mana, elle tient à transmettre deux valeurs essentielles à ses enfants : le respect et la liberté.
« Je veux qu’ils aient du pouvoir sur leur propre vie. Notre société, on ne doit pas la subir, on doit la créer. »
Caroline Baudin
Rédactrice Web
©Photos : Sara ALINE pour Femmes de Polynésie