
Du potager familial à l’état civil de Papeete, Mareva Aumeran : le parcours accompli d’une femme volontaire
De son enfance entre labeur et rigueur à Tubuai à son rôle central dans la modernisation de l’état civil à la mairie de Papeete, Mareva Aumeran a traversé près de 40 ans de service public avec passion et exigence. À l’heure de la retraite, pour Femmes de Polynésie, elle livre un témoignage touchant et inspirant.
Une enfance insulaire stricte
Née à Papeete le 13 juillet 1967, Mareva Aumeran grandit à Tubuai aux Australes auprès de son père. Une vie simple mais rigoureuse, qui façonne son caractère.
«On travaillait dur au fa’a’apu : carottes, pommes de terre, citrons, mandarines, litchis… Il fallait aussi passer le tracteur. On voyait nos camarades aller au motu. Nous, on n’avait pas le droit. Mais si je suis arrivée là où je suis aujourd’hui, avec mon caractère assez fort, c’est bien grâce à cette éducation. »

Le pensionnat à Tahiti, un souffle de liberté
Adolescente, elle revient sur Tahiti pour le collège et le lycée en pensionnat et découvre une échappatoire.
« Ça a été mes plus belles années. Même si on avait des surveillantes très à cheval sur : faire son lit, la toilette à 5 heures du matin, revenir de l’école et faire ses devoirs, le soir, on se retrouvait et on jouait de la guitare… »
Des capacités linguistiques précoces
À huit ans, à la séparation de ses parents, elle passe trois ans en Australie, avec sa maman.
« Je ne parlais plus un mot de français ! Je comprenais mais je répondais en anglais. »
Ce bilinguisme oriente son choix vers le brevet technicien de tourisme. À 18 ans, diplôme en poche et voulant gagner sa vie, elle travaille pour l’agence de tourisme Tahiti Tours, et gère les clients VIP.
Deux ans plus tard, la naissance de son premier fils change ses priorités et l’incite à plus des horaires plus stables. Mareva entre, en 1987, à la mairie de Papeete au service comptabilité, puis au service de l’état civil.
« Je n’y connaissais rien. On m’a mise au guichet, et il a fallu tout apprendre avec les anciens. »

Mariages, décès, naissances… Peu à peu, elle découvre les rouages du service et s’intéresse à la base légale de ses tâches. Elle lit, cherche, archive…
« Au fur et à mesure, j’ai découvert des textes qui disaient le contraire de ce qu’on faisait… »
De l'ombre à la responsabilité
En 2008, forte de 20 ans d’expérience, elle accepte de devenir responsable de service, mais à sa façon…
« J’ai posé une condition : tout faire dans le respect rigoureux de la loi. Et du jour au lendemain, j’ai été nommée responsable par arrêté municipal. Ce qui a été dur, c’était de passer de collègue à cheffe. »
Afin de manager ses 18 agents, elle se forme et sollicite l’expertise du greffier en chef de l’état civil, M. Karl Lequeux, pour restructurer les méthodes de travail du service.
« Je ne voulais pas copier ce que les autres faisaient. On était la capitale, il fallait être exemplaire. »

La cadre impose peu à peu les textes légaux.
« Par exemple, les actes d’état civil ne peuvent être remis qu’aux ascendants et descendants. Mais jusqu’en 2008, ce n’était pas appliqué. Il m’a fallu trois ans pour cadrer cela. »
Une vocation de formatrice
En parallèle, Mareva Aumeran est sollicitée pour former d’autres agents.
« C’était un nouveau challenge : je devais gérer mon service et apprendre à former. »
En 2009, elle démarre les sessions avec le Centre de Gestion et de Formation et se souvient :
« Je suis quelqu’un de timide. Alors, quand tu as 20 personnes qui te regardent, je me conditionnais en me disant : tu es la meilleure, tu vas y arriver ! »
Elle assure les formations jusqu’en 2024, partageant son expérience auprès des communes de toute la Polynésie ainsi qu’auprès des aspirants généalogistes à l’université.
L’état civil, mémoire d’hommes et de territoire
Pour Mareva, l’état civil est plus qu’un métier, c’est une mémoire et des émotions.
« Il faut aimer les actes, l’Histoire et le contact avec le public. Ce qui me plaît bien, c’est toute l’Histoire de la Polynésie que l’on y retrouve, à partir des premiers registres dès 1852. Ces histoires d’hommes, de noms, de familles à qui, aujourd’hui, les actes permettent de revendiquer des terres devant le tribunal. On a des histoires tragiques aussi, comme celle de l’avion de la Pan Am, tombé en 1973 dans la rade. »
Une rigueur à toute épreuve
Mareva a une devise : “pas le droit à l’erreur”.
« Qui dit faire des erreurs, dit porter préjudice aux usagers et à nous-mêmes. On essaie vraiment d’appliquer les textes au plus près. »
L’heure de tourner la page

Dans quelques semaines, après 38 ans de bons et loyaux services pour la commune de Papeete, Mareva Aumeran partira à la retraite.
« J’ai prévu de vivre. Lâcher prise, retourner sur Tubuai, voyager et surtout profiter de mes enfants et de ma petite-fille… »
Fière de son parcours, elle conclut avec émotion :
« Grâce à la mairie de Papeete, je me suis épanouie professionnellement et personnellement. J’ai tout donné et j’ai essayé d’enrichir les autres de mon savoir. »
Portrait mis en avant par le Centre de Gestion et de Formation
Rédactrice web
©Photos : Cl Augereau et Mareva Aumeran pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon Bardes



