Ranihau Doom, L’Immersion Végétale à Tahiti
Pâtissière, auto-entrepreneuse et aussi maman, Ranihau Doom jongle entre les différentes fonctions pour mener à bien son projet : Monatura, L’Immersion Végétale. Cette Tahitienne de 24 ans, devenue traiteur végane, retrace et explique son parcours pour Femmes de Polynésie. Nous vous invitons à découvrir une vahine déterminée et passionnée par son métier.
Arrêter ses études d’ingénieur pour faire des tartes ?
Ranihau Doom a grandi à Tahiti. Après son bac, elle part faire ses études dans l’Hexagone : elle passe d’abord un DUT en Génie électrique et Informatique Industrielle à Lyon, puis elle intègre une école d’ingénieur en spécialité maîtrise des risques industriels.
« A l’époque, je voulais me spécialiser en risques environnementau, rien à voir avec ma formation ! J’ai arrêté ces études parce que je voulais faire quelque chose qui me faisait plus vibrer. C’est un peu notre génération : on favorise le bien-être plutôt qu’un travail qui ne nous plait pas. on se cherche et on tente des expériences différentes. »
La jeune femme dit alors « non », quitte son école et revient au fenua en 2021 avec deux objectifs : cultiver des champignons localement et reprendre une activité dans la restauration. Pour cela, elle se forme en ligne puis part en Belgique et à Rotterdam, aux Pays-bas. Dans la foulée, elle s’intéresse à la pâtisserie végane et se forme à l’Okara[1] à Paris.
« Mes parents étaient les plus sceptiques, ils s’inquiétaient, ils sont terre à terre : « Combien de tartes tu dois vendre pour vivre ? Tu arrêtes tes études d’ingénieur pour faire des tartes… ? » Aujourd’hui, ce sont les premiers à être présents et à me soutenir au quotidien ou lors des gros coups de rush. Ils m’aident beaucoup.»
Soutenue par ses parents, Ranihau décide de se lancer dans la pâtisserie végane, un choix qui lui permettra de se démarquer au fenua. Revenue en novembre 2021 à Tahiti, elle s’investit dans son projet Monatura, L’Immersion Végétale. Son laboratoire de pâtisserie ouvre à Tipaerui en août 2022, grâce aux efforts et à l’optimisme de Ranihau.
Du végan à Tahiti
« Il n’y en a pas beaucoup qui ont cru à la pâtisserie végane, et qui ont été étonnés que je me lance dans ce domaine parce que c’était marginal. Ils ne pensaient pas qu’il y aurait une demande. Alors, on l’a créé cette demande… Et on a eu du succès ! »
La jeune femme décide de se diversifier en proposant des plats salés. Elle commence par des recettes simples, faciles à manger (wrap, sushi végans), mais les clients, les magasins et les cafétérias réclament des plats plus variés :
« On s’est alors penchés sur les plats familiaux d’ici : mā’a tinito, chao men, poisson cru au lait de coco, couscous, ragout… Tout ce que les Tahitiens mangent, on l’a reproduit en végan ! Ça a été un gros travail ! On remplace juste la viande, mais on garde les légumes. Et ça marche ! »
Monatura propose une cuisine végane et locale pour mettre à mal les préjugés sur la cuisine végane.
« On ne marque pas forcément sur nos produits que c’est végan : dès qu’on pose le mot « végan », les mauvaises langues disent que le gout est bizarre, il manque un truc. Notre belle victoire, c’est de voir les gens apprécier les plats, sans savoir qu’ils mangent végan ! »
Consciente que la consommation de viande est ancrée dans la culture culinaire tahitienne, Ranihau encourage surtout les Polynésiens à essayer de nouvelles pratiques, et à diversifier leur alimentation de manière ponctuelle :
« C’est important, j’invite tout le monde à tester en laissant les a priori de côté. C’est végan, mais c’est gourmand, et c’est sain. On ne mange pas que de la salade ou des plats ennuyeux. C’est généreux, certes à base de légumes et de produits locaux, et ça te cale. On arrive à cuisiner et à régaler ! »
Une jeune femme d’entreprise
« Quand j’ai ouvert, je me suis dit : « Quand tu fais un business, tu le fais bien ». Alors j’ai tout de suite embauché une personne, puis une autre. Aujourd’hui, on est une belle petite équipe composée de quatre salariés et de deux apprentis. »
Devenue cheffe d’entreprise à 22 ans, la jeune femme a dû apprendre à déléguer ses tâches en cuisine pour gérer son business :
« Je suis beaucoup moins en cuisine désormais car je suis mieux entourée. L’humain a été un gros challenge : savoir parler aux équipes, pousser à progresser. C’est difficile quand tu es jeune, mais j’ai appris à me positionner au sein de mes équipes. »
Ranihau confie qu’elle est bien loin de ses études et qu’elle a dû tout apprendre seule pour lancer son business : faire des devis, des factures, des relevés, des calculs de coût de revient, des étiquettes, gérer la logistique… Elle a eu la chance d’être accompagnée par son amoureux qui lui a beaucoup appris dans le domaine de la restauration.
En février 2024, la jeune femme a accueilli un tout nouveau projet : un petit garçon !
« Aujourd’hui, ce que j’aime, c’est avoir un emploi du temps flexible : je peux profiter de mon petit et m’engager dans le travail. Au quotidien, on est motivés par les retours clients, ils donnent un sens à ce qu’on fait. »
Sûre d’elle, déterminée, « à fond de chez à fond », Ranihau continue de renouveler les saveurs locales et véganes et offre ainsi un coup de fraîcheur à la cuisine locale.
[1] Ecole de Pâtisserie Végan à Paris.
Marie Lecrosnier–Wittkowsky
Rédactrice
©Photos : Marie Lecrosnier–Wittkowsky pour Femmes de Polynésie et Monatura, L’Immersion Végétale.
Directeur des Publications : Yvon BARDES