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Henriette Kamia, la voie de l’inclusion

Publié le 9 juin 2022

C’est à Fare Ute que Femmes de Polynésie pousse la porte de la Fédération Te Niu o te Huma à la rencontre de sa présidente, Henriette Kamia. En échangeant avec elle, très vite, nous percevons la force de caractère et la flamme qui l’animent. Cette infatigable bénévole œuvre depuis plus de 30 ans au sein des associations du fenua pour la reconnaissance et l’inclusion des personnes en situation de handicap. Elle revient pour nous sur une vie dédiée au partage et à la solidarité.

Une lumière sur le chemin

À 15 ans, Henriette quitte ses Marquises natales pour Tahiti. La jeune fille veut devenir institutrice. Diplôme de l’École Normale en poche, Henriette commence à enseigner, mais un matin alors qu’elle prend sa voiture pour se rendre à l’école, soudainement, elle se retrouve dans le noir. Elle vient de perdre la vue. Elle s’envole pour la France, mais 6 mois passés à l’hôpital n’y change rien, elle intègre alors un centre spécialisé à Marseille.

« Quand je voyais, j’avais peur du noir. Il fallait toujours qu’il y ait une petite lumière dans le noir, une pointe de lumière. Ça a été très dur quand je n’ai plus vu. Cette période au centre m’a tout appris et j’y ai rencontré plein de belles personnes. »

Elle apprend le braille, à taper à la machine à écrire et surtout, elle apprend à circuler sans ses yeux. Elle se rend compte au contact des autres résidents que la vie est possible et loin de sa famille, elle apprend à être autonome. Après 2 ans passés au centre, Henriette rentre au fenua, déterminée à revenir à son métier d’institutrice.

Les clés de l’autonomie

Elle intègre l’équipe du CEDOP, le centre de l’éducation, de l’ouïe et de la parole. Ce centre spécialisé vient alors tout juste d’ouvrir ses portes et accueille des élèves sourds et aveugles.

« On accueillait des élèves du CP au CM2. On s’est tellement bien débrouillé à l’époque pour l’intégration de nos élèves, qu’on a réussi à tous les mettre dans des collèges et lycées classiques. »

Avec le sourire, Henriette se souvient d’une de ses élèves.

« Il y en a une qui était casse-cou. Il fallait la voir partir avec son vélo. Elle m’a toujours impressionnée. Elle n’avait peur de rien. Elle était née aveugle, elle ne savait pas ce que c’était le danger. Dans le noir, il n’y a pas de danger. Il n’y a pas d’appréhension. C’est leur monde. On leur apprend à lire, mais on leur apprend aussi à vivre dans leur monde. »

Déjà à cette époque, Henriette est déterminée à lutter pour l’inclusion et l’insertion des personnes en situation de handicap. En parallèle, de son poste au CEDOP, Henriette s’engage bénévolement au sein de l’association Huma Mero.

« Quand je suis revenue de France, j’ai rencontré un problème de transport pour aller au travail et on m’a parlé de cette association. »

C’est comme ça qu’Henriette fait ses premiers pas à Huma Mero en 1987. Pour tous ceux qui travaillent, il faut un bus adapté, c’est la première action qu’elle porte avec l’association.

« Huma Mero, c’est un sas où on réapprend à vivre, où on réapprend à se comprendre, de façon à pouvoir de nouveau s’envoler dans la vie. »

Jamais rien pour nous, sans nous

De fil en aiguille, elle reprend les rênes de l’association et y apporte un nouveau souffle. Désormais, les décisions sont prises en majorité par des personnes porteuses d’un handicap. Un leitmotiv l’anime : « Jamais rien pour nous, sans nous. ».

Aujourd’hui, Huma Mero est un centre reconnu, qui aide les personnes en situation de handicap dans leurs démarches et qui propose aussi des formations.

 

Henriette entourée des présidents des associations membres de la fédération Te Niu o Te Huma lors de la restitution des Journées Polynésiennes du Handicap.

« À partir de nos formations, on travaille avec la fédération Te Niu O Te Huma1 sur l’insertion professionnelle. Notre objectif, c’est qu’ils trouvent un travail et qu’ils puissent vivre heureux. »

En 2015, Henriette devient présidente de la fédération Te Niu O Te Huma. Grâce à la fédération, les associations peuvent être force de proposition, construire ensemble des actions concrètes pour l’inclusion et l’insertion sociale et porter la voix et les réalités des personnes en situation de handicap auprès des pouvoirs publics.

« Ça fait 30 ans que je m’investis dans les associations, j’ai vu défiler beaucoup de présidents, mais jamais on a été aussi bien entendu qu’aujourd’hui. »

Depuis 2016, avec la fédération, Henriette a porté des dossiers et de nombreuses avancées ont été obtenues dans les droits des personnes porteuses d’un handicap. La fédération travaille maintenant activement sur l’accessibilité où il reste encore des efforts à faire.

« Moi, l’hypocrisie ça n’est pas ma tasse de café. Quand il y a des choses à dire, il faut les dire. »

Mais pour Henriette, il n’est pas question de juste revendiquer. La fédération analyse sur le terrain les problématiques, consigne par écrit et propose ensuite, par étape et par priorité, des solutions adaptées et raisonnées pour améliorer les choses.

Rassembler et transmettre

Henriette s’est accrochée toute sa vie pour l’autonomie, l’émancipation et pour faire avancer les droits des personnes en situation de handicap. C’est sans doute cette persévérance, qui lui amène autant de sympathie et de soutien.

« Aujourd’hui, quand je vois tout ce qui se passe, je suis fière du travail qu’on a fait. Je me dis que j’ai raison de continuer à me battre. Quand je partirais, je me dirais que dans ma vie, j’ai quand même fait quelque chose de bien. »

Maintenant, son objectif est aussi de transmettre à ceux qui prendront sa suite pour que les actions qu’elle a portées s’inscrivent dans le temps. En janvier dernier, elle a reçu la médaille d’officier dans l’Ordre de la Légion d’honneur pour son engagement pour la reconnaissance des personnes porteuses d’un handicap.

 

« Je suis contente qu’on ait reconnu mon travail, mais je n’ai pas fait tout ça pour la récompense. J’ai fait ça parce que ça me faisait plaisir. Moi ce ne sont pas des grands gestes qui m’ont touchée, ce sont de petites choses. Ce qui me touche c’est le respect. »

1 Te Niu o te Huma fédère 28 associations dans le champ du handicap.

Morgane Durrenbach

Rédactrice

©Photos : Morgane Durrenbach pour Femmes de Polynésie

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