Orama Richmond, ostéopathe : « vivre avec son corps : entre sécurité et aventure »
Un petit bout de femme fluette, une voix cristalline et des désirs qui portent loin. À 41 ans, Orama Richmond n’en finit pas de découvrir sa Polynésie. Au travers de son métier d’ostéopathe, elle met en relation le corps et le Fenua, les deux maisons de notre bien-être qu’elle ouvre à Femmes de Polynésie.
Sa vie est faite de signes, de messages. Sans doute sa propension à ressentir l’a-t-elle guidée vers ce métier du toucher qu’est l’ostéopathie. Son métier, elle l’apprend en Métropole dont elle s’extirpe en 2015 ; après 14 ans d’absence, elle se sent rappelée à Tahiti.
De retour en Polynésie, elle reprend contact avec la nature, notamment la mer, les rivières, les cascades, qui lui permettent de se sentir mieux. Elle prend conscience que tout ce qui se passe dans la nature se passe à l’intérieur de nous ; cela lui apprend à ralentir, à sortir du mode automatique, à ne pas se comporter comme l’attend la société.
L’Antigymnastique® : une forme d’auto-ostéopathie
En 2015, Orama découvre l’Antigymnastique®, mise en place dans les années 1970 par la kinésithérapeute Thérèse Bertherat, qui a collaboré aux côtés de Françoise Mézières. Cette pratique du mouvement intelligent propose une approche incomparable à la fois douce et efficace. Elle consiste en mouvements qui dénouent les tensions musculaires, libèrent les articulations, harmonisent et énergisent le corps, rafraichissent le système nerveux. L’Antigym permet à chacun d’écouter son corps, de bien vivre avec, d’habiter un corps qui respire, plus vif et éveillé.
« Au bout d’une séance, c’était comme si je sortais de chez l’ostéo, je me sentais alignée, bien dans mon corps sans que personne ne m’ait touché. »
Conquise par l’Antigym®, Orama la met en pratique dans son cabinet où elle organise des séances en petits groupes. Elle utilise du petit matériel, à savoir des baguettes en bois, des balles ou coussins en graines, toutes sortes de supports posés là où la soignante place normalement ses mains.
« Dans ces ateliers, je guide les mouvements précis, subtils, aux participants afin qu’ils deviennent autonomes et qu’ils changent leur manière de penser autour du corps. On peut vieillir en santé, avec moins de raideur. Moi, je me sens en meilleure forme que quand j’avais 27 ans ! »
Une ressource face aux éléments
L’Antigym® l’accompagne aussi dans sa passion de la voile à laquelle elle s’adonne depuis 2017. À la suite de deux participations à la Tahiti Pearl Regatta en monocoque, elle s’inscrit en 2022 dans la catégorie Holopuni avec l’École de pirogue à voile traditionnelle.
« Ce défi me semblait infaisable au départ — il fallait convoyer les va’a tāi’e de Tahiti à Raiatea ! — mais, puisque l’énergie de mon corps avait changé, je me suis lancée. »
Nouvelle Zélande : une grande aventure maritime
Forte de ces réussites, Orama s’engage avec son compagnon et un équipier dans la traversée du Pacifique ouest en septembre 2022. Le catamaran rallie les Iles-sous-le Vent depuis Tahiti avant de s’élancer vers la Nouvelle Zélande.
« Cette navigation m’a beaucoup appris sur moi. À un moment, je ne me sentais plus en sécurité car le pilote automatique était en panne, le vent fort et la houle grosse. Est-ce que j’allais être capable de barrer la nuit dans une telle météo ? Dans ces circonstances, le corps se crispe, on a mal au ventre, à la tête. Alors, j’ai réalisé les mouvements intelligents de l’Antigym® afin de me détendre et retrouver de la sérénité. Comme pour retrouver de la stabilité dans le chaos. Ces jours et nuits à la barre m’ont paru plus plaisants ! Une fois arrivée en Nouvelle Zélande, sous le soleil et sur une mer calme, j’ai engrangé la leçon de cette expérience : si le corps se sent en sécurité, le mental peut s’apaiser, malgré l’agitation extérieure. »
Lire les signes de la nature
Quand elle a vécu ces moments challengeant en mer, Orama a repensé à une rencontre intrigante lors de l’escale à Mopelia. Le 21 septembre 2022, jour d’équinoxe, tandis qu’elle explorait le récif, une ombre s’est étendue devant elle. Au-dessus de sa tête volait avec insistance une frégate tel un messager des airs ; elle était si proche qu’elle aurait pu se poser sur elle.
« Prise de peur, j’ai tenté de me calmer et d’accueillir ce moment. Le message était clair, il disait : « tu es protégée, prends ton envol. C’était un signe pour moi que j’étais au bon endroit, au bon moment. »
Cette aventure marque le début d’un chemin initiatique chez Orama dont le prénom signifie « vision ». Désormais, elle apprend à se laisser pousser par le flow, à ne plus contrôler sa vie tout en prenant soin de son corps afin de retrouver son centre, son alignement et sa stabilité.
« Ce qui est important, selon moi, c’est d’écouter, de vivre avec son corps en conscience, dans le sens de le respecter puisqu’il est notre maison, notre véhicule sur Terre permettant de réaliser nos rêves aussi. Si j’y suis bien dedans, alors, je serai plus à même de poser des actions qui me respectent et respectent la Terre, notre grande maison à tous. »
Il ne fait aucun doute que la maison de cette water-women, au-delà du Fenua, est l’océan Pacifique qu’elle désire explorer encore bien davantage à l’avenir.
Rédactrice
©Photos : Gaëlle Poyade et Orama Richmond pour Femmes de Polynésie
Yvon Bardes, directeur de publication