Madame Carotte célèbre la diversité avec poésie
Au cœur de la ville grouillante d’activité, Femmes de Polynésie se réfugie dans un cocon de couleurs. L’atelier de Orane Desmarty, dite Madame Carotte, respire l’imagination. Rencontre avec une vahine peu ordinaire, dont les idées débordantes éclaboussent les murs de son local.
« Qui je suis ? C’est une bonne question… Je suis Orane, voilà. »
Graphiste, illustratrice, créatrice de jeu, auteure… Tellement de mots pour définir une seule personne qui se présente devant nous avec tant d’humilité.
DES COULEURS EN PAGAILLE
Fille d’horticulteur, flamboyant, tiare et hibiscus sont ses amies et nourrissent son univers visuel.
« J‘ai du mal à être privée de fleurs, ça serait triste. Elles sont à la fois belles, elles ont plein de qualités, de variétés. Je continue à en découvrir que je ne connais pas. Ici, on est en quelque sorte au pays des fleurs, et c’est un peu une obsession personnelle. Alors je suis à ma place pour ça. »
Arrivée en Polynésie il y a 25 ans, Mme Carotte crée de nouvelles relations avec ces reines des jardins et des vallées. Avant cela, elle était graphiste à Bordeaux.
« Venir en Polynésie, ça m’a laissé plus de liberté dans mon travail. Il y a une possibilité de faire plein de projets qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. Ce n’est pas du tout sectorisé. »
Notre regard se perd sur les myriades d’images posées à-même les cloisons. Des portraits, des dessins à la fois réalistes et oniriques nous transportent dans la vision d’Orane.
« J’aime bien les collages. En associant des éléments qui ne sont pas censés être ensemble, ça crée quelque chose de plus imaginaire, plus dans le rêve. J’aime bien aussi les vibrations que font les couleurs ensemble.”
Son processus artistique, elle nous le confie, est assez instinctif.
« Quand je suis dedans, c’est une sensation particulière, agréable, où tu n’es pas trop là, mais là. »
UN BOUQUET DE CRÉATIVITÉ
Le temps que le bouche-à-oreille fasse son effet, la voilà projetée dans le microcosme varié des artistes reconnus en Polynésie Française. Elle monte son propre atelier, où elle fait le choix de travailler seule.
« Je préfère ce petit travail qu’on peut construire pas à pas, et où il n’y a pas de perte d’informations. J’essaye de cerner au mieux les besoins de mes clients. L’idée est d’arriver à se comprendre et qu’ils soient, à la fin, contents de leur projet, que ça leur ressemble. »
Son carnet d’adresse se diversifie, et son travail soigné lui permet de travailler aussi bien pour le privé et que le public sur des sujets qui l’intéressent.
« Culture, environnement… C’est vraiment chouette que, petit à petit, ma clientèle se soit orientée sur des sujets qui me parlent. C’est vraiment un luxe. »
Malgré un emploi du temps chargé, la femme aux cheveux couleur d’automne sait investir dans des projets plus personnels.
« Je fais des projets autour de l’enfance, autour de jeux, de coloriages, de choses qui parlent de la Polynésie. Ça me tient à cœur que les choses soient fabriquées ici, qu’elles parlent d’ici, à ma manière aussi. Je suis polynésienne de cœur, j’ai passé la moitié de ma vie ici. C’est chouette de raconter en images des choses qui font partie de tout ce qu’on voit autour de nous. C’est ma manière à moi de rendre hommage à ce pays qui m’accueille. »
ÉLOGE DE LA DIFFÉRENCE
« Tiare et la fleur magique, c’est un livre assez personnel. »
Mme Carotte nous parle alors son expérience d’enfant, pas dans la norme. Une crinière rousse encadre son visage, décor de flammes qui fait ressortir ses yeux bleus.
« Ce livre parle de la diversité, et qu’à travers les qualités et les choses différentes qu’on possède, on a une forme de beauté qui nous est personnelle. On peut le lire de plein de manières et je ne sais pas si tous les enfants vont en avoir conscience, mais d’aborder ce sujet-là, c’était important pour moi. »
Tiare et la fleur magique nous parle de cette enfant qui ne se sent pas belle et qui part à la recherche d’une fleur qui pourrait lui redonner confiance en elle.
« Ce geste de cueillir une fleur et de la porter à l’oreille, ça rend tout le monde beau… c’est d’une telle poésie. »
À travers ces pages, Orane nous livre une véritable leçon de modestie, tout en nous offrant un message universel : nous sommes tous beaux, à notre manière.
Rédacteur
©Photos : Cartouche pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES
