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Cécile Gaspar, sentir le pouls du vivant

Publié le 5 juillet 2022

Aujourd’hui, Femmes de Polynésie prend le bateau pour Moorea. Nous allons y rencontrer Cécile Gaspar, vétérinaire et docteur en écologie marine, elle est directrice de la stratégie et des programmes de conservation de Te Mana O Te Moana. Nichée au cœur de l’ancien hôtel Intercontinental, cette association œuvre pour la sauvegarde du monde marin polynésien. Le temps d’une après-midi ensoleillée, nous revenons avec Cécile sur sa passion du vivant et les actions qu’elle porte au quotidien pour sa préservation.

Comprendre la vie

« Un dauphin, une baleine, une raie… Comment vivent les animaux dans la mer la nuit ? »

La curiosité de Cécile pour le vivant débute très tôt. Elle grandit au milieu des vignes, et dans sa petite commune de Bazas dans le Bordelais, fréquente assidûment le club hippique.

« Dès que j’avais 5 minutes après l’école, j’allais au club, je nettoyais les boxes… Je faisais tout ce qu’il fallait faire pour être en contact avec les chevaux. »

Elle intègre l’école vétérinaire de Nantes et fait ses premiers stages dans le milieu hippique. Mais c’est finalement vers les mammifères marins et les dauphins qu’elle se tourne.

« Ma vraie passion, c’est le vivant, la biologie, la compréhension de la vie. Si je n’avais pas été vétérinaire, j’aurais été médecin ou chercheur en biologie. Il y a comprendre la vie et se rendre utile. On est un peu les réparateurs du vivant quand on est vétérinaire, et de toutes les espèces, donc c’est assez passionnant en fait. »

Son métier et sa spécialisation « mer » vont d’abord la conduire sur l’île de la Réunion. Elle y passe 2 années exceptionnelles. Et c’est un peu par hasard, alors qu’elle rend visite à son père, qu’elle pose ses valises en Polynésie.

L'appel de l'Océan Pacifique

Elle a prévu de rentrer à la Réunion, retrouver le tissu multiculturel et les épices qui lui plaisent tant. Mais elle se sent bien en Polynésie, et une opportunité se présente à elle. Elle collabore au lancement du programme Dolphin Quest, à l’Intercontinental. Au fil de l’eau, elle se spécialise et obtient un doctorat en écologie marine avec le CRIOBE et l’UPF. Sur le terrain, elle étudie les raies pastenagues. Mais au-delà de l’étude, Cécile veut transmettre.

« Je voulais mettre à profit mes connaissances en biologie, mon savoir-faire vétérinaire pour aider des projets, des gens, de nouvelles stratégies pour protéger l’environnement. »

En 2004, elle décide de se lancer et crée l’association Te Mana O Te Moana , soutenue par Richard Bailey, CEO de Pacific Beachcomber et propriétaire de l’Intercontinental.

« Je voulais parler de l’océan et de sa force spirituelle. C’est comme ça qu’est né le nom Te Mana O Te Moana. Ça veut dire la force, l’esprit de l’Océan. »

Les objectifs sont fixés dès le départ, la recherche parce que Cécile est alors en pleine recherche scientifique, la conservation parce qu’elle commence à mettre en place des actions pour protéger certaines espèces, notamment les tortues marines avec la création d’un centre de soins dédié sur demande de la Direction de l’Environnement et l’éducation pour être au service de la population locale et des enseignants qui en font la demande.

Un grain de sable qui en a entraîné d'autres

120 000 élèves accueillis, 580 tortues en soin, 300 000 œufs de tortues vertes pondus et inventoriés… L’association qui va fêter  ses 18 ans en septembre a un beau bilan et ne s’arrête pas en si bon chemin. Cécile, présidente bénévole pendant 15 ans, est aujourd’hui directrice de la stratégie et des programmes de conservation et travaille avec les 3 salariés de l’association.

Sur le terrain, elle s’investit sur le centre de soin des tortues, les programmes de pontes des tortues vertes de l’atoll de Tetiaroa ou encore l’inventaire des crabes de cocotier.

« Le plus satisfaisant, c’est quand on arrive à sauver un animal qui est mourant, souvent pour des raisons anthropiques. Quand on arrive à les sauver et à les relâcher, c’est forcément une grande victoire. »

À l’international, elle travaille en réseau, et donne ensuite localement l’impulsion aux projets. En ce moment, elle participe à un groupe de travail sur la problématique mondiale du sable. Deuxième ressource naturelle la plus exploitée au monde, elle est en train de devenir de plus en plus rare. Cécile collabore à la création de supports pédagogiques de sensibilisation à cet enjeu environnemental. Cela rejoint les actions pédagogiques et la sensibilisation à la pollution plastique déjà menée par Te Mana o Te Moana auprès des élèves du Fenua et du grand public.

« Le plus motivant pour moi aujourd’hui, c’est de me rendre compte que la plupart des gens ont compris l’urgence à agir. Nous ça fait 18 ans et parfois, je retrouve des collègues avec qui on s’était dit ‘On va faire ça’, et finalement, on l’a fait et ça a marché donc on passe à l’étape d’après. On se rend compte qu’on ne fait pas ça pour rien. Et qu’en plus on entraîne des collègues dans notre sillon, qui parfois, eux aussi créent leur association… »

Repenser notre rapport au vivant

On fait parfois des choses sans se rendre compte de leurs spécificités ou de leur caractère unique. C’est ce qu’a réalisé Cécile lorsque qu’elle a rencontré deux astronautes, Jean-François Clervoy, parrain de Te Mana O Te Moana et Charles Duke, qui a marché sur la lune en 1972.

« Ils sont venus ici, ont vu ce qu’on faisait et ont été touchés. Ils étaient ébahis par tout ce que je connaissais sur l’environnement marin. Ce qui m’a le plus choqué, c’est qu’ils se sont rendu compte qu’eux ont vécu dans un monde très technologique… Loin de la nature. Quand on fait ces métiers-là, on est forcément dans des sphères qui sont différentes. Et quand ils sont venus, je leur ai un peu ouvert l’esprit à la Nature, à se laisser porter par elle. »

Cécile considère que c’est le rôle de l’association de faire comprendre aux visiteurs qu’il ne faut pas consommer, il faut s’immerger et pour elle, porter ce projet en Polynésie a du sens, près de la nature, où l’aspect culturel est primordial et où traditionnellement les anciens avaient la notion de leur place dans l’environnement.

« Une des meilleures preuves, c’est qu’en polynésien le mot ‘nature’ n’existe pas1, parce que la nature n’est pas séparée de l’humain. L’humain et la nature, c’est un tout. »

Dans un monde très numérique et beaucoup plus artificiel en termes de communication, Cécile pense qu’il est primordial d’essayer de retrouver un peu du vrai sens de la nature.

« Quand on était petit, on faisait des herbiers. Le soir, on dessinait les étoiles, on faisait nos cartes. Ça on ne le fait plus et parfois, je me dis qu’il faut revenir à des choses très simples, concrètes et qui permettent aux gens de se reconnecter en direct avec la nature. »

On peut apprendre énormément en observant la nature et Cécile en forme de conclusion à notre entretien nous parle des solutions fondées sur la nature, du biomimétisme et des réponses qu’on peut trouver dans le vivant.

« Je regarde par la fenêtre et je vois cette feuille de uru. Peut-être qu’elle peut amener à des conceptions intéressantes. Mais si tu ne regardes pas la feuille de uru, tu ne vas pas le savoir. Tu vas inventer quelque chose qui va peut-être y ressembler, mais regarde la nature, elle l’a déjà fait. Posez-vous, regardez et peut-être que la manière dont vous verrez le monde et les solutions qui s’offrent à vous vont changer. »

1 Le mot nature n’existait pas dans la langue ancestrale polynésienne. Cela dit, à la conjoncture des cultures européennes et polynésiennes, le mot « nātura » fut créé.

Morgane Durrenbach

Rédactrice

©Photos : Morgane Durrenbach et Cécile Gaspar pour Femmes de Polynésie

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