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Évasion

Hinatea Fonteneau : la danse, dans un voyage en quête de soi

Publié le 26 juillet 2019

« Working girl » dans la capitale anglaise, Hinatea revient sur son parcours pour Femmes de Polynésie, le temps d’un trajet en train. Nous découvrons une jeune femme passionnée, qui partage sa culture au travers de l’école qu’elle a fondée il y a deux ans : « Ori London ». Dans sa quête de soi, la danse est un lien invisible qui la rattache à ses racines. 

VOYAGEUSE DANS L’ÂME

Du haut de ses 28 ans, Hinatea a dix années d’expatriation au compteur, ainsi que de nombreux voyages. Petite déjà, son cœur balance entre Raiatea, où elle est née, et Hiva Oa, où elle a grandi de l’âge de 5 ans jusqu’à ses 11 ans. Sa vie est rythmée par les mutations de son père, professeur, puis directeur d’établissement scolaire.

Si ses aînés ont fait carrière dans le para-médical, la jeune Hinatea choisit une toute autre voie. Après l’obtention de son baccalauréat scientifique au Lycée de Uturoa, elle s’envole pour Rennes, où elle intègre au Lycée Chateaubriand des classes préparatoires en Maths-Physique, puis en Physique-Chimie-Sciences Industrielles.

Elle réussit ensuite les concours d’entrée à l’Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat à Lyon, où elle passera trois ans, avec notamment un stage de six mois en Australie. Elle effectue son dernier stage chez Keolis, entreprise qu’elle intègre après ses études en 2013 et où elle est toujours employée aujourd’hui !

L’EXPERIENCE KEOLIS

Keolis Amey Docklands est un opérateur qui fait partie du réseau londonien de transports en commun. C’est justement son travail qui a amené Hinatea à vivre à Paris, puis à Montréal et enfin à Londres. Celle qui est aujourd’hui Head of customer experience (responsable de l’expérience client) encadre une équipe de vingt-cinq personnes et a la tête vouée au travail, mais le cœur bien attaché à ses racines. Vous la reconnaîtrez facilement parmi tous les employés : elle porte toujours une fleur à l’oreille, à la mode tahitienne !

« Au travail, les gens me connaissent comme « la fille à la fleur », parce que je porte des fleurs au travail. Les gens trouvent ça un peu bizarre au début mais ils s’y habituent, il y a beaucoup de gens qui aiment ».

Hinatea se plait dans son travail, où elle apprend énormément, même si elle sait qu’elle ne pourra pas l’exercer à Tahiti, en tout cas pas pour le moment. Intéressée par la dynamisation du territoire et la mobilité, elle s’est orientée presque naturellement vers le domaine des transports, qui revêt également un aspect social très important. Elle constate qu’il y a un grand fossé entre Tahiti et l’étranger, notamment en matière de management des ressources, de sécurité et de qualité du travail. « Sur certains points je préfère la manière tahitienne, car ici c’est un peu trop bureaucrate« .

EN QUETE IDENTITAIRE

Aujourd’hui, Hinatea se sent Polynésienne, mais ça n’a pas toujours été le cas.  » Il y a quelques années, quand les gens me demandaient d’où je venais, je disais de France« . Loin d’elle l’idée de renier ses origines, la jeune métisse, Métropolitaine par son père et Tahitienne par sa mère, est en quelque sorte en perte de repères et a du mal à affirmer son identité. Neuf ans se sont déjà écoulés depuis qu’elle a quitté son île natale. Peut-elle toujours se considérer comme Polynésienne ?

Et puis un jour, vient l’acceptation. Elle rencontre une fille originaire de France, arrivée à Tahiti à l’âge de deux ans, et qui se disait Tahitienne. Un électrochoc ! Hinatea réalise que, même si elle n’osait pas le dire, oui, elle est bien Tahitienne ! « Maintenant je ne me pose plus de questions ! »

Elle porte fièrement son tatouage sur le bras, qui nous rappelle son enfance partagée entre deux îles : un casse-tête marquisien qui se termine en lance, orné des symboles de la famille, du voyage, de l’unité et une tiare apetahi, d’ailleurs en voie de disparition et qui ne pousse que sur le Mont Temehani à Raiatea. Un tatouage qui la représente parfaitement !

LA NAISSANCE DE ORI LONDON

Dans cette quête identitaire, Hinatea a une certitude : « Je donne des cours de danse tahitienne, et ça, ça me définit beaucoup ! ».

Débutant vers ses douze ans au sein du groupe Raiatea Nui, elle développe une véritable passion pour le ‘Ori Tahiti. Elle le pratiquera ensuite dans toutes les villes où elle résidera. Mais une fois à Londres, petit hic : le nombre d’écoles de danse est très limité. Elle décide alors d’ouvrir la sienne : c’est ainsi que naît « Ori London ».

Elle loue un studio à côté de son travail, mais les débuts sont difficiles. Ses premières élèves, des collègues de travail, ne sont pas assez nombreuses. C’est alors qu’une amie lui propose d’écrire un article sur elle, et contacte La Dépêche de Tahiti et Tahiti Infos. « Je me souviens, ça avait fait un peu le buzz ! Il y avait 360 likes sur l’article de La Dépêche de Tahiti sur Facebook ».

Si l’article lui met un coup de stress pour l’organisation des cours, elle prend cela comme un challenge et le relève avec brio. Hinatea veut faire de son école quelque chose de fédérateur, avec des tarifs abordables. En effet, peu importe si ses cours ne couvrent pas les frais de location de la salle, elle voit avant tout une opportunité pour ne pas danser toute seule.

Aujourd’hui, deux ans après le début de cette aventure, les cours ont lieu dans un studio communautaire deux fois par semaine, et sont suivis par près de trente femmes, toutes nationalités confondues… et même des Tahitiennes ! L’école est un véritable cocon qui se veut convivial, relaxant et surtout fun – une réelle échappatoire au stress du quotidien.

Le 1er juin dernier, à l’occasion d’un flashmob organisé par Mareva Bouchaux, les élèves de Ori London ont revêtu paréos, couronnes de fleurs et colliers de coquillages pour partager leur passion dans les rues de Londres. Leicester Square s’est mis à l’heure tahitienne le temps de quelques pas de danse, pour le plus grand bonheur des passants !

RETOUR AUX SOURCES

Ori London est à l’image de sa fondatrice, un mélange de simplicité et de générosité, où l’esprit de partage et de transmission de notre culture, nos traditions et nos valeurs sont mis en avant.

« Je me suis rendu compte qu’il existe deux mondes vraiment différents dans la danse tahitienne : il y a la danse à Tahiti, et puis il y a la danse à l’étranger, où il n’y a pas de groupes de 200 personnes, tu danses souvent toute seule, donc un peu individualiste. Et ça, moi, j’ai du mal. »

Au mois de décembre 2018, Hinatea rentre à Tahiti pour les fêtes de Noël. Le temps d’un hiver au soleil, elle suit des cours particuliers au Centre de formation Hei Tahiti, avec Tiare Trompette (1). Un pur bonheur ! Elle est également réconfortée dans son rôle de professeure de danse tahitienne et sur la manière d’enseigner, notamment à des débutantes.

« Tiare a une approche très traditionnelle, où il n’y a pas de chichi. Ça a réellement été un soutien dans ma progression de professeure de danse ».

Hinatea a maintenant un nombre « inimaginable » de chansons traditionnelles à écouter en boucle et qui lui serviront à partager d’avantage sa passion.

A l’heure où les chants et les danses du Heiva rythment les soirées de Papeete, nous l’interrogeons sur un « Heiva i London ». L’idée lui plaît beaucoup, mais l’organisation demanderait beaucoup trop d’investissement personnel à notre working girl, dont l’agenda est déjà bien chargé. Si elle monte un spectacle, elle souhaiterait que les spectateurs puissent voir au-delà du mythe de la vahine, et bien comprendre la culture et le message qu’il y a derrière. Une idée qu’elle compte bien creuser…

CE QUE JE SUIS, CE QUE J’APPORTE

Hinatea se cherche encore, comme beaucoup d’entre nous. Étant métissée, elle s’est souvent posé la question de son identité polynésienne et de ce que cela signifiait.

« J’avais l’impression d’être spéciale juste parce que je venais de l’autre bout du monde. Mais moi, en tant que personne, qu’est-ce que j’apporte ? »

Un autre sujet lui tient à cœur. Dans une grande ville comme Londres, « où on se rend compte que la société perd un peu la tête », la crise climatique se ressent fortement. Chaque année, la pollution de l’air notamment atteint des records. Hinatea se sent très inquiète face à cela, et souffre parfois d’éco-anxiété, un mal lié à la crise climatique. Elle lance un appel à tous les Polynésiens : « Je ne sais pas comment c’est à Tahiti, mais si vous sentez que vous pouvez faire quelque chose, s’il-vous-plaît, faites-le ! »

Et pour finir, elle souhaiterait encourager tous les Polynésiens, d’ici et d’ailleurs, dans leur voyage personnel :

« Acceptez-vous comme vous êtes. Acceptez qu’on découvre au fur et à mesure votre vie, votre parcours. Si vous aimez faire quelque chose, faites-le, quoi qu’il arrive, même si vous avez beaucoup de travail et plein d’autres projets ».

1 Voir article : Tiare Trompette, quand la danse se libère!

Plus d’informations

Page facebook de Ori London : https://www.facebook.com/londonoritahiti/


Manuia Bernardino
Rédactrice web

© Photos : Poerava Tauhiro

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