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Culture

Lee Rurua : nourrir l’identité maohi

Publié le 12 mars 2024

Pour la 6e année, l’Association UFFO-Polynésie met en valeur 8 Polynésiennes inspirantes à l’occasion de la Journée internationale des droits des Femmes le 8 mars 2024. Ces femmes remarquables, nous les avons appelées nos Poerava, nos perles rares. C’est avec fierté que Femmes de Polynésie vous présente l’une d’elles.

Lee est née à Faatemu, un district de Raiatea qui à l’époque n’était accessible qu’en pirogue. Son père était anglais, sa mère originaire des Tuamotu, mais elle fut élevée par ses grands parents à Moorea, précisément à Pihaena où elle vit toujours.

En 1973, elle épouse l’homme de sa vie Maurice Rurua qui est charpentier. Très vite le couple donne naissance à des jumelles ce qui n’empêche pas Lee d’entrer à l’Ecole normale pour deux années de formation pendant que Maurice s’occupe des bébés. Lee diplômée, ils repartent s’installer à Moorea et elle enseignera 23 ans à l’école de Paopao. Entre temps, le couple aura donné naissance à 4 autres enfants dont la petite dernière, est aujourd’hui docteure en archéologie.

Lee et Maurice ont été tous deux très marqués par leur enfance dans des familles où l’on ne parlait que le tahitien, où l’on vivait de manière traditionnelle en harmonie avec la nature : la pêche, le fa’a’apu, le ‘ahima’a, sans le souci de gagner plus d’argent, avec aussi la foi et la prière, le respect des anciens, la connaissance des légendes et des himene. Ils ont souhaité poursuivre cette façon de vivre pour la transmettre à leurs enfants et les enraciner dans leur terre, leur langue, leur culture, leur identité.

Face à l’accélération du modernisme et la dilution de la  vie familiale et culturelle, Lee et ses collègues sous la houlette de leur directrice, Nelly Heuberger, mettent en place des séances d’ateliers traditionnels de deux heures tous les vendredis matins.

« Tout en confectionnant un oini ou en pratiquant des jeux de ficelle… on parlait tahitien et les parents étaient encouragés à participer et partager leurs connaissances. »

Ces ateliers « Reo et Culture » ont décliné lorsqu’en 1984 le statut de la Polynésie a changé et que le reo tahiti a perdu son titre de langue officielle, au même titre que le français. Pourtant le bénéfice était reconnu par les familles et les élèves, enrichis durablement dans leur identité.

En 2000 s’est produit un évènement déterminant pour Maurice et Lee : un complexe hôtelier de la place avait pour projet d’extraire du sable du lagon pour réalimenter la plage de l’hôtel.

« Avec l’Association Pihaena Toa Mata Ara, montée pour défendre la préservation du lagon, nous nous sommes levés car le banc de sable pi’opi’o est une nurserie de poissons. Les conséquences de tels travaux auraient été tragiques pour les habitants de Pihaena car la pêche lagonaire était essentielle à leur vie. Pendant 3 mois nous avons occupé la plage et le lagon pour empêcher cette extraction. Le Haut-Commissaire a demandé le retrait de la barge signifiant l’arrêt des travaux après trois mois de sitting et de présence sur le lagon ! Suite à ce mouvement, les femmes de Pihaena ont décidé de continuer à défendre leur milieu de vie et de participer à l’éducation des enfants de notre zone »

Nostalgique et forte  de l’expérience vécue à l’école de Paopao, Lee veut avec Maurice, agir pour aider les enfants à s’ancrer dans leur langue, leur environnement et leur culture. Inspirés par l’expérience des Kohanga reo de Nouvelle Zélande – nids de langue – qui accueillent les enfants maoris en immersion culturelle, ils décident de créer Puna reo, aménagent un lieu d’accueil pour les enfants hors temps scolaire et pendant les vacances. Très vite leur action est reconnue par les pouvoirs publics qui leur donnent les moyens de se développer. Sur la terre communale Pererau, un site légendaire situé au pied du mont Rotui, Lee et Maurice, avec leur association et les habitants de Pihaena ont défriché et construit, dans le respect de la tradition architecturale maohi, un nouveau centre d’accueil qu’ils dénomment naturellement Pererau – les ailes – tout un symbole pour nourrir de leur identité maohi des générations d’enfants capables de s’envoler et d’être, tels des va’a tau’ati, forts de leurs deux cultures, des adultes épanouis et responsables.

« Nous avons voulu prouver que malgré le lourd héritage colonial et la stigmatisation de « l’être » Maohi, il est possible de s’en sortir en revenant à nos propres fondamentaux. Par l’éducation de nos enfants en reo tahiti à la maison et en accompagnant le français à l’école, on peut réussir contrairement aux idées reçues. Je suis convaincue  qu’être structuré dans sa langue et sa culture permet l’ouverture aux autres cultures. »

Lee et son époux sont aujourd’hui des personnes unanimement reconnues et respectées au Fenua et dans la région océanienne pour leur engagement authentique. Ils ont été des précurseurs passionnés, portés par leurs convictions, leurs  valeurs et par leur foi.

Béatrice Vernaudon et Irmine Tehei pour l’UFFO

©Photos : Béatrice Vernaudon et Irmine Tehei pour Femmes de Polynésie

Directeur des Publications : Yvon BARDES

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