Vaiteani : le regard vers l’horizon, le cœur sur le Fenua
L’artiste/compositrice n’a de cesse de faire rêver l’Europe avec son «folk polynésien» doux et envoûtant. Un genre musical que Vaiteani s’approprie, mais que le duo construit de toutes pièces. Avec «Signs», le dernier album sorti en novembre 2020, l’instant d’un café, elle partage sa vision. Et c’est non sans s’avouer envahis par sa mélancolie bienveillante, que nous lui faisons une place parmi vous, nos chères Femmes de Polynésie.
Quand les songes se manifestent
Elle écoute, elle entend les questions, son regard rêveur arpente le néant et la totalité, comme si les deux étaient complices des mots qui vont suivre. Nous voulions rencontrer Vaiteani, alors on s’est envolé.
« J’ai toujours aimé la musique, je chantais dans mon coin. Ma grand-mère, qui a eu un grand rôle dans ma vie, m’a inscrite à des cours de musique. Le piano, je pense qu’au fond, elle a toujours voulu en faire, c’est donc l’instrument que j’ai connu en premier. »
Durant ses études en France une amie lui offre une guitare. Encore entre deux mondes, Vaiteani se lie très rapidement avec l’instrument qu’elle joue encore aujourd’hui. Et c’est avec une certaine humilité qu’elle nous présente la place que la musique a dans sa vie.
« La musique fait partie de tout le monde, c’est juste que certaines personnes ressentent plus le besoin de l’exprimer. Et pour moi, ce besoin a toujours été là. »
Avec une telle philosophie, les compositions ne font que s’amasser, c’est dans ces eaux que Vaiteani rencontre Luc. Ironiquement, cette rencontre donnera naissance à Vaiteani. Pour Luc, il est hors de question de ne pas mettre en œuvre la voix et les compositions de sa compagne.
« Il a su retirer toutes les couches de peur pour faire émerger ce qui était déjà présent depuis le début. Inconsciemment je rêvais de grandeur et de musique. »
Inspirant, Luc se révèle être l’instigateur d’une série d’événements qui mèneront le couple à l’histoire que l’on connaît. Grâce à son bagage musical à la fois académique et intuitif, il parvient à marier les deux mondes avec la plus grande sensibilité.
« J’appréhendais beaucoup de monter sur scène. Aujourd’hui, ça va beaucoup mieux ! Après les Francofolies, on a décidé d’enregistrer notre premier album. »
Enregistré dans un premier temps au fenua, c’est en Métropole, que leur album Vaiteani passe entre les oreilles bienfaisantes du réalisateur David Grumel.
« Il a su mettre nos compositions en adéquation avec sa vision. Il leur a donné la lumière. »
Sorti en 2016, le morceau « O’Vai » est toujours joué sur les ondes radio de France.
Un regard intérieur
Gratifiée d’une voix riche en couleurs tropicales, mais dont le rythme mélancolique et la maturité nous rappelle la rondeur et la bienveillance du mana de nos îles. Loin de ce que l’on peut imaginer, c’est en anglais qu’elle préfère composer, et comme beaucoup de personnes de sa génération, le tahitien a malheureusement été mis de côté.
« En quelque sorte, c’est la musique qui m’a ramenée à ma culture. Ma grand-mère m’a beaucoup aidée en traduisant les textes et en m’instruisant la bonne prononciation. »
« Signs », le single du dernier album éponyme, est un vibrant hommage à sa mère qui s’en est allée en 2015. Quant à la symbolique, le duo nous transporte en plein milieu de la caldeira de Tahiti, la Maroto, avec un clip aux visuels frôlant le gigantisme.
« C’était naturel pour nous de filmer dans ce cadre, et pour « Signs », nous tenions à rester fidèles à nos inspirations. »
Et de la nature, Vaiteani s’en rapproche encore plus avec un nouveau projet de collaboration.
Ce projet met en vedette plus d’une quinzaine de musiciens des océans Pacifique et Indien. C’est une manifestation musicale émanant de régions en première ligne des défis culturels et environnementaux. Et pour Vaiteani, c’est l’opportunité d’édifier la Polynésie avec des sonorités organiques touchant à la profonde authenticité que nos îles ont à offrir.
« C’est aussi cela que j’estime beaucoup dans le projet. Car il n’a pas comme objectif principal la perfection. Si tu entends un coq en bruit de fond, tant mieux. »
Suite à « Ta’u Tama » sorti en juin dernier, le duo voit toujours plus loin. Un nouvel opus devrait rencontrer nos oreilles début 2022. Son thème étant l’océan, Vaiteani est adéquatement inspirée.
« J’ai mis un an à composer cette musique. Il a fallu que je lie le thème à quelque chose de personnel, j’ai puisé dans mes souvenirs d’enfant. Cette chanson a la vocation d’allier nostalgie et joie. »
Cet intime appel de la mer, nous l’attendons avec enthousiasme. Et c’est depuis peu mère d’un petit garçon, que Vaiteani trouve également l’inspiration dans les choses de la vie de tous les jours.
« Tout mon esprit est concentré sur mon enfant. Luc s’occupe de tout ce qui est communication, administratif et organisation. Nous faisons quasiment tout nous-même. »
De la composition à la distribution, le duo semble vouloir tout prendre en main. Telle une énergie créative libre, Vaiteani souhaite se ressourcer au fenua en s’y installant.
« Ici, je continuerai à composer au mieux que je puisse. »
Si aux yeux du vieux continent elle est une voix qui vient de loin, un exotisme des mers et des îles du Pacifique Sud. Pour nous, elle est le vaisseau du mana, la voix mélancolique témoignant d’une vie insulaire, une mère, une femme de Polynésie…
« On a tous ce quelque chose qui nous rend lumineux. À vous de l’écouter et de le révéler. Pour moi la clef, c’est de se sentir libre. »
Niuhiti Gerbier
Rédacteur
©Photos : Manutea Rambaud pour Femmes de Polynésie