Femmes de Polynésie Retrouvez nous sur
Site de Femmes de Polynésie Hommes de Polynésie

Je passe
d'un site à l'autre

Culture

Orama Nigou, plumassière de la métamorphose

Publié le 28 novembre 2024

Femmes de Polynésie se rend à nouveau à la rencontre de Orama Nigou, qui nous accueille dans son antre, baigné de lumière et de douceur diaprée. Pennes1 et créations diverses ornent l’atelier, et c’est autour d’un thé glacé que la jeune plumassière se livre sur les aventures qui ont marqué son parcours depuis notre dernière entrevue.

ŒUVRER AVEC ET POUR LE PATRIMOINE

En 2018, Orama nous confiait déjà à quel point sa formation au Centre des Métiers d’Art de Papeete lui avait été bénéfique. Avec le recul, elle mesure encore davantage l’impact de cette expérience.

« Le CMA, c’était surtout l’appétence pour le métier d’art, le métier précis. Me rendre compte, par exemple avec la gravure, que j’étais capable de patience. Ça m’a permis d’expérimenter et me rendre compte de ce qui me plaisait vraiment : travailler avec la matière, pas forcément pour faire un objet spécifique. Ça m’a aidée à choisir mon diplôme pour la suite.»

Au-delà de l’avoir orientée vers un avenir certain, cette école lui a permis de se reconnecter à son histoire personnelle, ainsi qu’au patrimoine collectif.

«Cela m’a fait réaliser que j’aimais ça de travailler à partir et avec le patrimoine polynésien. Et surtout, que c’était possible ! »

La plume, son matériau de prédilection, n’est d’ailleurs, pas un choix anodin.

« C’est un matériau qui a énormément d’importance dans le patrimoine local. C’est sacré, très précieux et de prestige. Les oiseaux sont les messagers des dieux. S’orner de plumes, c’est se rapprocher du divin, voire parfois l’incarner. »

VOYAGES ET APPRENTISSAGES

Son diplôme du CMA en poche, Orama s’envole pour l’Hexagone où elle poursuit un DN MADE2 à la Souterraine, située dans la Creuse, en 2021. Puis, elle ambitionne de travailler quelques années dans la maison Vermeulen, qui l’a formé durant ses études, pour se forger une expérience professionnelle, mais la pandémie l’en empêche.

« J’aurai adoré participer à ça. Aujourd’hui, j’ai pris une autre voie… »

La créatrice revient s’installer à Tahiti, avant de repartir en 2023, pour participer au programme de résidence Polynésie française à la Cité internationale des arts de Paris4.

« J’avais besoin de changer de prisme et d’environnement pour m’expérimenter. »

PLUMES ET INCARNATIONS

C’est lors de cette résidence qu’elle fait évoluer son travail autour de la plume vers une nouvelle dimension : la performance.

« Pour l’instant, j’ai interprété Rūmia du mythe de la création de Taaroa, une entité de la matière métaphysique qui s’auto-fabrique pendant mes performances. »

Performance photographiée par Manutea Rambaud

Inspirée par la culture polynésienne, la jeune femme personnifie des symboles forts, comme la coquille d’œuf du dieu originel, créant le monde des humains. La sémantique joue également un rôle clé :

«La prochaine entité à venir n’a pas de nom. Elle vient du concept de Maeva , l’accueil polynésien et le fait de couronner avec des fleurs. Au delà du geste contemporain j’ai redécouvert un mot autrefois réservé à la royauté, que l’on dit au roi qui vient d’être nommé. C’est un mot de transformation, de changement d’état et c’est ce que fait l’entité : elle fabrique sa tête avec des fleurs et des plumes »

ENTITÉS INTIMES

Si Orama incarne des personnages, son rapport avec ces entités reste personnel.

 

« Il me manquait une activation de l’objet au delà de la fabrication et, pour moi, ça passait par la performance. Le rapport entre le fabriquant et le fabriqué. Je parle de l’intimité, du rapport entre la matière et le geste, l’intimité de la création. »

Fashion Week, masque réalisé par Orama Nigou, photographie par Teiki Dev

Parées de masques ornés de plumes, ces entités naissent d’un processus profondément intime.

« L’objet masque part de la volonté de faire de la performance. J’étais terrifiée à l’idée de dévoiler mon intimité sur scène et le masque est devenu un outil pour dépasser ça. D’abord outil pour vaincre la peur, c’est devenu un outil de métamorphose et d’incarnation. »

EXPORTER SA CRÉATIVITÉ

Depuis son retour au fenua, Orama a parfois l’impression de devoir contenir son imagination pour permettre à son entreprise de fonctionner.

« C’est compliqué de vouloir sortir des sentiers battus ici… »

Cet oiseau a besoin de pouvoir déployer ses ailes pour briller.

« J’espère développer une carrière d’artiste à l’international. Mettre en avant mon travail en tant qu’artiste contemporaine. »

Elle espère notamment accéder à des lieux où sa créativité aurait la place de s’étendre.

« J’espère développer une carrière d’artiste à l’international. Mettre en avant mon travail en tant qu’artiste contemporaine. »

Nous quittons l’atelier d’Orama, l’esprit emporté par ses plumes et des nuances plein le cœur.

1 Plumes d’ailes et de queues d’oiseaux

2  Diplôme national des métiers d’art et du design de niveau bac + 3. Orama a choisi la formation Matériaux, textile responsable, prospectif et innovant, du matériau à l’objet.

3 Julien Vermeulen est un plumassier reconnu en France et en Europe. La Maison Vermeulen, qu’il a fondé en 2015, propose des réalisations tant textiles que d’art contemporain.

4 Dans le cadre de ses actions en faveur du soutien au secteur des arts et de la professionnalisation de ses acteurs, du soutien à la création et l’exposition d’œuvres d’art, à l’élaboration de spectacles vivants et à la formation des artistes polynésiens, le ministère de la culture de la Polynésie française s’est associé à la Cité internationale des arts autour d’un programme de résidences.

Cartouche

Rédacteur

©Photos : Cartouche pour Femmes de Polynésie, Manutea Rambaud et Teiki Dev

Directeur des Publications : Yvon BARDES

Pour plus de renseignements

Information complémentaires

Orama Nigou est la seule plumassière de Tahiti. Elle a monté son entreprise de création de bijoux : Atelier Tamau. Elle a participé en tant que créatrice à la Fashion Week en 2018, 2022 et 2024. Pour cette dernière, en plus de ses réalisations, les modèles étaient vêtues uniquement de pièces de seconde main, certaines ayant appartenu à des membres de la famille de Orama.

Site Internet

Facebook

Instagram

À découvrir également :

Partagez Maintenant !

Femmes de Polynésie - Facebook

Newsletter

Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir du contenu de qualité

* En cliquant sur VALIDER, nous attestons que l'adresse mail ne sera utilisée que pour diffuser notre newsletter et que vous pourrez à tout moment annuler votre abonnement.