
Mirose Paia, pour que vivent les langues polynésiennes
Au mois de mars, nous célébrons la journée internationale des droits des femmes. À cette occasion, l’association UFFO Polynésie met en valeur 8 Polynésiennes inspirantes. Ces femmes remarquables, nous les avons appelées nos Poerava, nos perles rares.
Mirose Paia est maître de conférences hors classe à l’Université de la Polynésie française dans la filière Langues, Littératures et Civilisations polynésiennes. Experte en reo tahiti, elle se bat pour faire vivre la langue à travers l’enseignement, la formation des enseignants et la recherche universitaire. Le long chemin parcouru par la jeune native de Taha’a mérite d’être raconté car il pourrait être inspirant pour d’autres jeunes femmes !
Un départ déterminant pour l’Hexagone
Après une scolarité démarrée dans son village de Tiva, Mirose Paia passe le bac au lycée d’Uturoa et part pour l’Hexagone sans imaginer que ce serait pour… ne revenir que quinze années plus tard avec un doctorat en linguistique océanienne ! Partir était une évidence pour sortir de son cadre trop étroit et répondre à son besoin d’autonomie.
« Il faut que je sorte d’ici, que j’aille en France. »

Son choix d’études a été naturel :
« Je suis née avec ma langue. »
À la maison, on parlait exclusivement le tahitien, Mirose fréquentait l’École du dimanche où les enfants apprenaient une langue de qualité grâce à la Bible, par la lecture, l’écriture et l’argumentation. Elle n’a appris le français qu’à l’âge de cinq ans en entrant à l’école. Très vite, elle a développé une grande appétence pour la lecture, lisant et relisant les livres qui passaient à sa portée, bien qu’il y en eût peu dans sa famille aux conditions de vie modestes. Les livres étaient une évasion pour son esprit curieux.
Un parcours académique exigeant
À Paris, Mirose a mené de front ses études et des emplois pour gagner sa vie tout en faisant des vacations d’enseignement.
« J’avais trois boulots. »
À l’INALCO – Institut National des Langues et Civilisations Orientales –, elle a franchi toutes les étapes menant au DEA/Master 2 puis au doctorat en 2000. Transplantée depuis Taha’a, la jeune Polynésienne a dû faire preuve d’une grande capacité d’adaptation pour s’habituer à la vie à Paris, au climat, et à d’autres façons de penser et de se comporter. Cette longue expérience a forgé sa personnalité. Sans cocon familial proche sur qui compter, elle a eu cependant, à distance, le soutien de ses parents.

Les valeurs qu’ils lui ont inculquées, comme la nécessité de « réussir à l’école, tūtava», le goût de l’effort et du travail, la résilience et la foi, ti’aturi, lui ont permis de tenir. La vie dans l’Hexagone l’a confortée dans son identité et son désir de revenir s’est fait de plus en plus intense, sentant aussi qu’elle serait plus utile au fenua.
Retour au fenua et combat pour la reconnaissance
Bien que munie d’un diplôme du plus haut niveau, elle a dû faire ses preuves pour être reconnue et dit avec le sourire « que l’on n’est pas toujours prophète dans son propre pays ! » Pour être crédible, une femme doit se battre, et prouver plus que les hommes.
Jean-Marius Raapoto, alors ministre en charge de l’Éducation, lui a donné l’opportunité de revenir en 2005 pour apporter sa pierre au programme de déploiement de l’enseignement bilingue et du ’ōrero dans le premier degré. En 2012, Mirose a intégré l’UPF et a pu depuis consacrer une partie de son temps à la recherche, complémentaire de l’enseignement, en réalisant des publications universitaires. L’étape à venir est d’obtenir une habilitation à diriger des étudiants dans des travaux de recherche scientifique. Pleinement occupée par son parcours professionnel, elle a attendu 38 ans avant de devenir maman !

Une passion pour la transmission de la culture polynésienne
« J’ai la chance d’exercer un métier dont les missions sont de mettre en valeur sa propre identité. »
Selon elle, la vitalité future des langues polynésiennes implique que langue et culture se vivent en immersion, dans un cadre complet, afin « de penser et rêver en tahitien ».
Vice-Présidente « Cultures & Sociétés » à l’UPF, son engagement culturel dans la société polynésienne est tout aussi important. Elle a notamment reçu le prix du meilleur auteur de thème au Heiva 2018. L’introduction des nouvelles technologies dans l’apprentissage du reo tahiti permet, selon elle, de changer les manières de transmettre en se rapprochant des réalités d’aujourd’hui.

Un message aux jeunes Polynésiens
Le message qu’elle pourrait adresser aux jeunes écartelés entre une culture dominante venue de l’extérieur et le renforcement de leur identité polynésienne, ce serait :
« Soyez citoyens du monde, et soyez aussi Polynésien. Il n’y a pas le choix, il faut être les deux. »

Armelle Merceron
©Photos : Mirose Paia pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES