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Culture

Marie : le tapa, un savoir-faire ancestral

Publié le 20 mai 2024

Femmes de Polynésie s’est laissé voyager aux confins du monde afin d’en apprendre plus sur Marie, une artisane fière de sa culture et de son île. À ses côtés, nous redécouvrons le tapa, art ancestral encore très pratiqué à Fatu Hiva, dont elle est issue. Rencontre avec une artiste passionnée.

À LA DÉCOUVERTE DE SOI

Marie est originaire de Fatu Hiva, une île au Sud de l’archipel des Marquises. Cadette d’une fratrie de trois enfants, elle naît à Tahiti mais retourne très vite à la terre de ses ancêtres. Sa plus tendre jeunesse se partage entre ces deux lieux qui font partie intégrante de sa vie.

« Ma sœur aînée et moi, on a grandi avec nos grands-parents. Nos parents travaillaient sur Tahiti pour subvenir à nos besoins. Nous y retournions chaque grandes vacances pour passer du temps avec eux. »

Dans cette atmosphère de dualité, Marie crée son propre chemin au son qui résonne dans la vallée, celui des bouts de bois qui frappent sur l’écorce dure pour fabriquer le tapa.

« Fatu Hiva au bruit des ike1, c’est reposant, authentique. »

Car dans ce havre reculé, la plupart des habitants savent travailler cette matière, habillant l’écho des montagnes d’un rythme qui lui est si particulier. Ainsi, une idée naît en elle. Celle de s’approprier cette pratique traditionnelle si chère à l’île qui la façonne. Mais la jeune femme, n’ayant pas de maître, apprend seule en observant les plus expérimentés.

« On ne peut pas dire que l’on m’ai appris à faire le tapa. Chez nous, dans la cour de notre maison familiale, il y a des muriers. J’ai commencé comme ça, en faisant des petites expériences chez moi. »

L’ART ET LA MANIÈRE

De fil en aiguille, Marie s’accapare des techniques. Elle tente, puis se trompe, réessaye avec d’autant plus de ferveur dans cette soif de connaître les secrets de la fabrication du tapa. Enfin, après plusieurs années, elle perce les énigmes de l’artisanat et acquiert un savoir-faire allant du choix de l’écorce à la peinture du papier qu’elle fabrique.

« Le murier est plus robuste que le caoutchouc ou le banian. Il est plus dur à travailler. Plus l’arbre est grand, plus l’écorce est épaisse. Parfois, le tapage dure jusqu’à une semaine. »

Cependant, nous explique-t-elle, le tapage n’est que l’une des étapes de fabrication. Tout d’abord, il faut couper l’arbuste et lui retirer ses branchages pour qu’il ne reste que le tronc. Il faut ensuite gratter l’écorce externe et garder les morceaux que l’on souhaite transformer. Ces derniers sont ensuite tapés jusqu’à être totalement aplatis et semblables à une feuille de papier. Pour pouvoir peindre dessus, il faut les sécher et les amidonner, puis les sécher à nouveau.

« Si tu peins sur un morceau de tapa juste après le tapage, tu n’auras pas le même résultat que si tu passes par toutes ces étapes. »

Autodidacte, elle a tout de même gardé une façon de faire qui lui est propre.

« Lorsque je dessine sur le tapa, j’aime faire d’une autre façon que les autres. Un peu de modernité mais qui reste toujours dans l’authenticité de Fatu Hiva. »

De la création du support à celle des outils, Marie nous livre ses astuces, tout ce qui touche à l’art et la manière de finaliser ses œuvres.

« Pour peindre sur le tapa, nous faisons nous même les pinceaux. Les miens sont faits à base de tiges de palmes de cocotiers, au bout je mets quelques mèches de cheveux que j’attache avec du fil à coudre. »

S’OUVRIR AU MONDE

Membre de la délégation des Îles Marquises, chaque année Marie participe au salon qui célèbre les arts de son archipel. Pour ce faire, elle doit venir à Tahiti, chargée de toutes ses créations. En 2023, elle accompagne la délégation en Nouvelle Calédonie pour y présenter son travail et représenter ses origines.

« Pour la plupart des gens du monde, la Polynésie Française c’est Tahiti, mais il y a cinq archipels. En Nouvelle-Calédonie, beaucoup de personnes ne connaissaient même pas les Marquises. Heureusement, j’avais emmené les cartes de la Polynésie avec moi et j’ai pu leur montrer. »

Selon elle, c’est un honneur de pouvoir incarner sa culture au-delà des Frontières de la Polynésie Française et présenter la tradition de son île.

« Je viens de Fatu Hiva et je veux montrer au monde notre savoir-faire. »

CONSERVER ET PARTAGER

Son énergie bien ancrée dans le domaine culturel, Marie observe et constate le manque de présence de la nouvelle génération aux évènements auxquels elle expose.

« Ce que je vois, c’est qu’il n’y a pas assez de jeunes. Ce sont toujours les mêmes personnes qui viennent au salon des Marquises. J’aurai préféré que les jeunes viennent montrer leur savoir-faire mais on dirait que la jeunesse ne s’intéresse plus à l’artisanat. »

C’est pourquoi, dès qu’elle en a l’occasion, elle transmet à sa façon cette coutume immémoriale.

« Chaque famille a sa façon de faire. Comme je n’ai pas d’enfants, quand je reçois des invités ou lorsque des gens arrivent en voilier, je fais des petits ateliers chez moi. »

Ainsi, Marie perpétue la tradition, léguant son savoir à d’autres qui peut-être, le céderont à leur tour.

1 Terme propre pour désigner le battoir en Marquisien.

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Rédactrice

©Photos : Niuhiti Gerbier pour Femmes de Polynésie

Directeur des Publications : Yvon BARDES

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