Janet LEOU BOISSIN : causes culturelles & actions sociales en faveurs des femmes
Pour la 6e année, l’Association UFFO-Polynésie met en valeur 8 Polynésiennes inspirantes à l’occasion de la Journée internationale des droits des Femmes le 8 mars 2024. Ces femmes remarquables, nous les avons appelées nos Poerava, nos perles rares. C’est avec fierté que Femmes de Polynésie vous présente l’une d’elles.
Janet Leou-Boissin se définit comme Polynésienne d’origine chinoise et cette expression prend un sens concret lorsque l’on découvre son parcours de vie. Si elle est reconnue comme une couturière-styliste de talent, elle est aussi remarquable par son investissement pour des causes culturelles et des actions sociales en faveur des femmes.
Les parents de Janet, nés tous les deux à Tahiti, sont partis en Chine jeunes adultes car leurs familles souhaitaient qu’ils aient aussi une culture chinoise. Ils y ont fondé une famille au moment de la Révolution Rouge. Janet, née à Canton, est l’aînée de 6 enfants ; son père, auquel elle était très attachée, lui a donné un nom chinois : « Sousin », le « Cœur de l’automne » et aussi « Nostalgie », sans doute en souvenir de Tahiti dont il a été éloigné. Alors qu’elle est âgée de 10 ans, ses parents décident de migrer à Hong Kong pour s’éloigner du régime communiste qui ne leur est pas favorable. Heureusement, grâce à sa grand-mère maternelle demie-tahitienne née à Pueu, la famille obtient un passeport français pour être autorisée à sortir. C’est un premier déchirement mais elle comprend mieux alors l’importance du mot « Liberté ». Après avoir appris le cantonais, elle apprend le mandarin et l’anglais au collège de Hong Kong.
La vie à Hong Kong est difficile pour la famille qui s’agrandit. Janet va en classe le matin, et l’après-midi, pour compléter les revenus modestes de son père, elle fait des petits travaux qui lui rapportent de l’argent. Elle est attirée par la couture, suit une formation dans une école professionnelle d’inspiration française et obtient un diplôme de styliste. Mais les parents sont inquiets de l’avenir incertain de Hong Kong et comme les grands parents à Tahiti les réclament, ils décident de revenir. Janet a 17 ans et ne souhaite pas partir à nouveau. Pourtant c‘est une nouvelle rupture et une installation dans un environnement qu’elle ne connaît pas.
Mais Janet est une jeune femme de caractère qui sait s’adapter. Elle apprend le français en travaillant notamment comme petite main pour madame Redon. « Je gagnais 9 000 F » se souvient-elle. La couture devient une passion. À 20 ans elle ouvre sa première boutique et se fait une clientèle. Sa notoriété grandit et c’est le succès. Elle aime créer, la nature polynésienne, les couleurs, les femmes qu’elles observent dans la rue l’inspirent. Janet ouvre un atelier de couture, puis deux autres boutiques, reçoit des commandes d’entreprises tahitiennes comme les compagnies aériennes, l’OPT. Elle organise des défilés pour ses collections avec souvent un volet caritatif.
Parallèlement sa connaissance de la culture et des langues chinoises l’entraine vers d’autres activités. Il n’y a pas encore de consulat de Chine et l’on fait appel à elle pour des traductions ou pour servir d’interprète dans des affaires administratives et de justice impliquant des Chinois. Il faut dire qu’elle aime aider en se servant de ses compétences. Janet s’implique aussi dans les activités culturelles de la communauté chinoise de Tahiti. Aujourd’hui elle est membre du Sinitong et de l’Association philanthropique chinoise.
Janet participe au groupe de Makau Foster :
« Pendant que je danse, j’oublie tout. »
Elle fonde aussi une association « Vahine A Rohi », membre du Conseil des Femmes qui assure des formations à la couture dans les quartiers.
« Dans la vie, savoir coudre est utile et valorisant »
Elle constate que les participantes acquièrent plus de confiance en elles et certaines en font un vrai gagne-pain. C’est pourquoi elle a proposé que dans l’extension en construction du Pu O Te Hau à Pirae soit installé un atelier de couture permanent.
La première partie de la vie de Janet n’a pas été facile mais elle a su trouver la voie de la résilience. Outre son bon contact avec les autres, sa force face aux difficultés est de toujours analyser la situation pour la comprendre et trouver les solutions. Aux femmes elle voudrait dire :
« Soyez autonomes financièrement, travaillez. Ne baissez jamais les bras, gardez la tête haute et ayez confiance».
Armelle MERCERON et Marie EBB RAIOAOA pour l’UFFO
©Photos : Armelle MERCERON et Marie EBB RAIOAOA pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES