Mira Tchen, conjuguer enseignement et culture locale
À l’occasion de la Journée internationale de l’éducation, Femmes de Polynésie vous emmène sur les bancs du lycée agricole de Moorea pour rencontrer l’enseignante Mira Tchen. Cette vahine au parcours riche nous dispense une leçon de pédagogie, et nous explique les enjeux de la matière qu’elle enseigne à Opunohu : l’Éducation socioculturelle.
De la communication à l’enseignement
Mira Tchen est originaire de Tahiti et de Moorea. Elle est d’abord coach et chorégraphe en danse traditionnelle de ΄ori tahiti. Ses hautes études dans la communication et le journalisme l’amènent à travailler en tant que chargée de communication au Ministère de la Santé, de l’Environnement et de l’Écologie sous le gouvernement de Gaston Tong Sang.
Par la suite, elle se prête à l’enseignement et semble s’y laisser prendre :
« J ‘ai démarré ma carrière d’enseignante dans le second degré, au lycée professionnel St-Joseph, à Pirae, en tant que professeure en gestion administrative et secrétariat, en arts appliqués, en communication graphique et multimédia durant six années. Souhaitant changer de public et m’épanouir davantage dans l’éducation, j’ai rejoint le CMA1. J’ai été conseillère d’éducation artistique en arts et nouvelles technologies en CPMA partiellement (diplôme équivalent d’un CAP), en BPMA intégralement2 , et en DNMADE3. »
Après sept années au CMA, Mira intègre le service de l’artisanat traditionnelle en tant que chargée de communication.
« Enfin, j’ai eu l’opportunité, depuis août 2023, de travailler au sein de l’EPEFPA4, situé à Moorea, l’île de ma résidence. »
L’enseignement socioculturel
Mira exerce depuis un an et demi à l’EPEFPA, au pôle constitutif du Lycée Agricole d’Opunohu. Elle y enseigne l’ESC, c’est-à-dire l’enseignement socioculturel.
« C’est une discipline propre de l’enseignement agricole. Elle mêle approche culturelle, méthodes actives et connaissance sensible du territoire, pour penser une pédagogie affûtée aux enjeux de son époque. Y figurent notamment la relation au vivant, la gestion des patrimoines naturels et la compréhension des dynamiques territoriales afin de donner aux élèves les moyens de décrypter un environnement complexe dont ils seront les futurs acteurs. »
Cette matière, dispensée à nos jeunes de Moorea, permet de traiter des sujets tels que l’identité culturelle, avec les légendes polynésiennes, l’éco-citoyenneté, le savoir-être et le savoir-vivre en société. Dans le cadre de ses cours, Mira réalise de nombreuses sorties sur Moorea, Tahiti, ainsi que des activités et projets pédagogiques portés sur la culture et le développement durable.
« Nous faisons des sorties avec les élèves pour découvrir des produits locaux dans des entreprises artisanales, rencontrer des acteurs locaux pour comprendre les métiers du secteur primaire, animer des événements publics… »
Cette enseignante se consacre au partage de son intérêt pour la culture polynésienne à travers différentes activités comme la vannerie tressage (ni΄au, pae΄ore, upcycling), mais aussi des ateliers artistiques avec la peinture, le dessin ou la danse. Elle opère ainsi cette rencontre entre les élèves et leur culture, rappelant l’importance de l’ancrage dans ses racines.
« Mon enseignement repose essentiellement sur l’identité culturelle des apprenants. Si on ne comprend pas les savoirs ni les savoir-faire de notre patrimoine, on ne peut rien construire pour son avenir. »
Au-delà de ce côté culturel, Mira montre aussi la valeur de ces artisans et artistes, qui travaillent de leurs mains. C’est important dans le cadre d’une formation agricole.
L’importance de la transmission
Dans ses cours, elle appelle à l’intérêt des élèves d’Opunohu sur ce qui les entoure : arbres, fleurs, marae…, et transmet ses savoirs sur les pratiques médicinales des plantes par exemple. Dans cette discipline, un peu moins scolaire, Mira bénéficie d’un rapport privilégié avec ses élèves.
« Ce qui me passionne, ce sont la transmission, le partage, et le contact avec les gens : élèves et collègues de travail. »
Enfin, dans ces temps d’échanges, que ce soit en salle de classe ou bien à l’extérieur du cadre scolaire, Mira en profite pour enseigner plus que des connaissances matérielles :
« Enseigner, c’est inculquer des valeurs et des bons comportements : l’empathie, la compréhension, la patience, la tolérance, professionnalisme, l’humilité… Un bon enseignant motive et encourage ses élèves à créer un environnement propice à la vie sociale et future. Je m’efforce à les appliquer moi-même dans ma vie. »
Quand nous lui demandons comment les élèves réagissent face à cet enseignement, elle rit.
« Il faudrait le leur demander directement ! À mon humble avis, les réactions sont diverses, certains sont surpris, d’autres sont motivés, curieux, satisfaits ou d’autres ne voient pas l’intérêt de cette discipline dans leur formation, alors que l’ESC leur permet d’évaluer leur capacité dans une dimension culturelle, artistique, communicative et de connaissances des territoires. »
Passionnée par son métier, impliquée pour les élèves et par la promotion de la culture locale, Mira Tchen aspire aujourd’hui à développer ce pôle à Moorea :
« Sur le plan personnel, voire professionnel, je souhaiterais développer davantage des activités artistiques et culturelles sur Moorea. Ouvrir ma propre école serait le projet le plus passionnant que je ferais de ma vie. J’ai le goût du travail bien fait, de l’art d’enseigner et j’adore relever de nouveaux challenges. »
1 Centre des Métiers d’Art de la Polynésie française
2 Diplôme équivalent d’un bac
3 Équivalent d’une licence
4 Établissement Public d’Enseignement et de Formation Professionnelle Agricoles
Rédactrice
©Photos : Marie Lecrosnier–Wittkowsky et Lycée Agricole de Moorea pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES
