LUDMILLA FAATAU-U, LA DÉTERMINATION D’UNE FEMME DE TERRAIN
Ludmilla Faatau-u aurait pu enseigner l’histoire-géographie, mais c’est sur le terrain qu’elle vit sa vocation. En 2003, elle choisit de servir sa commune, Faa’a, avec humilité, curiosité et passion. De ses premiers pas dans l’urbanisme au défi majeur d’un Plan Général d’Aménagement, elle confie à Femmes de Polynésie son parcours semé de combats, de visions altruistes et de résilience.
Un rêve d’enseignement… et un autre chemin
Ludmilla Faatau-u rêvait d’être professeure d’histoire-géographie, mais sa rencontre avec le tāvana de Faa’a va changer la donne.
« Vers 2000-2002, j’ai fait un stage type emploi-vacances à la mairie de Faa’a au bureau d’études sous la direction de M. Gilles Tarahu et j’ai travaillé sur le “PGA”. Le tāvana m’a parlé de l’aménagement du territoire de la commune et m’a dit : “Quand tu rentres avec ton diplôme, tu viens travailler ici”. »
Sa licence d’histoire-géographie en poche, elle part donc à Montpellier étudier le domaine de l’aménagement du territoire.
« J’ai aimé faire mes études en France ; je découvrais autre chose, ça m’a vraiment plu. »
Puis promesse tenue : elle revient à Faa’a en 2003.
Ses débuts sur le terrain
« À mon arrivée, c’était la découverte du monde professionnel pur et dur, rencontrer les ”anciens” n’a pas été simple mais pas non plus compliqué. Il fallait juste discuter, les respecter et les comprendre. En visitant les quartiers avec eux, j’ai vraiment appris à connaître ma commune. »
En 2008, Ludmilla gravit un échelon important.
« J’ai passé un concours interne et je suis devenue chef du service Études. »
Une remise en question
En mai 2013, elle quitte Faa’a pour devenir directrice générale adjointe des services de la commune de Moorea-Maiao. S’ensuit une période de remise en question. Entre 2017 et 2019, elle enseigne l’histoire-géographie au lycée Paul Gauguin de Papeete. Parallèlement, elle s’oriente vers un autre domaine…
« Je me suis ensuite intéressée au domaine social. J’ai passé mon Bafa pour, ensuite, devenir directrice de centres de vacances. »
Mais en janvier 2019, le tāvana de Faa’a la rappelle. Elle devient conductrice d’opérations. Sa première mission concerne une acquisition foncière en face de la mairie. Rapidement, elle est associée à des projets plus larges : émettre des avis sur les demandes de permis de construire, gérer et conduire des projets d’investissements, s’occuper du foncier…
« Et voilà, ça fait plus de 5 ans que je suis là. »
Une vision partagée
Aujourd’hui, un Plan Général d’Aménagement semble arriver à son terme. Cette fois, Ludmilla apprécie que les idées émanent d’abord des élus.
« Ce sont le maire et le conseil municipal qui ont porté le projet. Nous, les techniciens, on essaie de mettre en forme, accompagnés par des professionnels. »
Efficace, Ludmilla mobilise une multitude d’acteurs.
« J’ai associé les agents communaux, les associations, les patentés… Avec toutes ces forces vives, on a réalisé un diagnostic et élaboré une stratégie de territoire. On a voulu jouer sur la mixité sociale, protéger les hauteurs naturelles, éviter une urbanisation à outrance… »
Le poids des épreuves
Le 3 janvier 2020, un AVC bouleverse sa vie…
« Le lendemain, j’étais à l’hôpital, hémiplégique du côté droit. Pendant deux mois, j’ai été admise au centre de rééducation de Te tiare, puis ça a été le confinement et j’ai préféré rentrer chez moi. Grâce, en partie, à la rééducation, j’ai pu récupérer 75 à 80 %. »
Aujourd’hui encore, Ludmilla a du mal à marcher et à écrire, et est très dépendante pour ses déplacements. Depuis, au travail, elle aborde chaque projet avec une “double casquette” : celle de la technicienne de l’aménagement des projets d’investissements et celle de la vahine en situation de handicap qui se bat pour l’accessibilité.
« Par exemple, dans un projet porté par un acteur public, je demande de prendre en compte la présence potentielle de personnes en situation de handicap… »
Manager avec « une main de fer dans un gant de velours »
Responsable du pôle Opérations depuis fin 2024, elle pilote de nombreux dossiers dans un service majoritairement masculin : les enjeux environnementaux, le foncier, les constructions, la gestion d’études d’aménagement de l’espace, le PGA, le rāhui maritime, et bientôt également la voirie…
« J’aime quand c’est varié. Ne pas faire la même chose chaque jour. C’est un travail énorme, et il y a parfois de la frustration quand les décisions tardent… Mais, je suis technicienne, pas politicienne. La décision revient toujours au tāvana… J’ai appris à être « plus ou moins patiente » et persévérante. »
Pour Ludmilla, travailler pour sa ville est essentiel.
« C’est dans tes tripes. Tu connais et tu défends ta commune. »
Une humilité à toute épreuve
Célibataire et sans enfant, Ludmilla évoque pudiquement ses origines modestes.
« Ma mère était femme de ménage, mon père, simple magasinier pour le CEP. Ils m’écoutent, mais ne comprennent pas toujours ce que je fais. Ça apprend à être humble et à en vouloir aussi… »
Profondément humaine, elle garde en tête l’impact concret de son travail.
« Derrière chaque dossier, je me dis qu’il y a des vies, des familles. C’est ça qui peut me motiver aussi : la paix sociale. »
Avec courage et détermination, Ludmilla Faatau-u veut faire le meilleur pour sa commune et les administrés. Notre entrevue se termine, ponctuée par une notification de courriel. Dans un sourire, elle nous annonce que la réponse du Pays vient d’arriver : sa demande concernant le public en situation de handicap a bien été prise en compte.
Portrait mis en avant par le Centre de Gestion et de Formation (CGF)
Rédacteur
©Photos : Cl Augereau pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon Bardes
