Heiterani Lee place la culture au centre des intérêts de COPA
Nous traversons les machineries et les laboratoires permettant la fabrication du célèbre punu pua‘atoro au sein de l’usine COPA1, afin de rencontrer Heiterani Lee, adjointe de direction. Femmes de Polynésie vous présente le portrait d’une vahine ambitieuse et fière de ses racines.
SE FORMER POUR RÉUSSIR
Heiterani Lee est issue d’une famille originaire des Raromatai, cependant, c’est sur l’île de Tahiti qu’elle a grandi.
« J’ai vécu à un moment où il y a eu une transition de culture, entre les anciennes et les nouvelles générations. »
Après un bac scientifique, elle intègre un IUT2 en génie biologie, option agroalimentaire. Elle poursuit une licence et un master en GBMAI3.
« L’agroalimentaire a toujours été mon domaine de prédilection et je n’ai jamais changé de cap. »
Elle travaille ensuite dans l’hexagone en tant que cheffe de projet recherche et développement avant de revenir au fenua, après quelques années loin de chez elle. Heiterani intègre l’usine COPA en 2023 en tant qu’adjointe à la direction de l’usine dans le but de devenir un jour directrice.
« Il y a beaucoup de choses à assimiler. En venant de la qualité, il est obligatoire de connaître un minimum tous les aspects des métiers de l’agroalimentaire. J’adore, je m’éclate ! Tu mets en place des choses et tu vois les résultats très rapidement. Tu es en quelque sorte sur le champ de bataille. »
Passionnée par son domaine, elle se donne les moyens d’accumuler les connaissances nécessaires afin de prendre un jour la tête de l’entreprise.
« Manger, c’est la vie ! »
UN ATTACHEMENT FORT À SA CULTURE
En 2022, Saupiquet lui propose un poste qu’elle qualifie « de rêve ». Pourtant, elle décide de s’installer en Polynésie.
« Mon choix a été de revenir nourrir cette terre, même s’ il y a un long chemin à faire. »
Une manière de renouer avec des liens immatériels, ancestraux.
« Je ressens le besoin de me reconnecter à mes racines, à l’histoire de ma famille, aux anciennes coutumes. Le pū fenua4, c’est fort. C’est une connexion à la terre nourricière. Nourricière en termes d’alimentation, de culture et de spiritualité. »
De retour chez elle, la jeune femme prend le temps de se réimprégner des histoires de sa famille et passe quelques semaines à Maupiti.
« Maupiti c’est ressourçant. Tu te reconnectes à quelque chose, à la nature et tout le reste. »
LA CONSERVERIE COMME MOYEN DE PÉRENNISER LES DENRÉES
Heiterani est persuadée qu’il est primordial d’inculquer ses valeurs dans son métier.
« On peut difficilement dissocier vie personnelle et vie professionnelle. »
Pour ces raisons, elle souhaite donner le meilleur d’elle-même au sein de la conserverie, certaine de sa nécessité.
« Avant on pêchait et on ne consommait que ce dont on avait besoin. Mais le fait qu’il y ait de plus en plus d’habitants nous obligent à revoir nos techniques de conservation. Les habitudes de conservation permettent à des îles, qui n’ont pas les moyens, de sauvegarder leurs ressources sur le long terme. »
Évidemment, la surconsommation n’est pas de mise pour cette entreprise.
« On essaye de produire au plus juste par rapport à la demande des consommateurs locaux. »
Le bœuf utilisé pour préparer le punu pua’atoro est issu des élevages extensifs5 en Nouvelle-Zélande. Pour Heiterani, c’est une priorité de conserver cet échange.
« C’est important de maintenir le lien avec les autres pays du Pacifique. »
Après tout, toutes les familles de Polynésie consomment les produits de l’industrie COPA !
« Le punu pua’atoro, c’est le produit culturel. »
CRÉER UNE DIFFÉRENCE
En tant qu’adjointe de direction, Heiterani souhaite prendre soin des salariés dont elle a la charge.
« Un monde professionnel, c’est comme une grande famille qui s’agrandit. »
Mais également des consommateurs.
“Un de mes objectifs, c’est de pouvoir travailler sur la recette, je suis consciente que pour l’instant nous avons un potentiel d’amélioration sur l’apport en gras.”
Consciente de la responsabilité de ce poste, elle réalise où son dur labeur l’a menée et le privilège de son champ d’action.
“En tant que femme dans un monde d’hommes, c’est une fierté d’avoir cette opportunité.”
Selon elle, COPA qui fut fondée en 1978, mérite un œil nouveau.
“On arrive à la fin d’un grand chapitre et au début d’un nouveau.”
Enfin, Heiterani voit ce changement comme une opportunité d’ouvrir la voie pour d’autres femmes qui aimeraient acquérir des postes à responsabilité dans le domaine de l’agroalimentaire.
“Pour toutes les prochaines femmes, j’aimerais leur dire que c’est possible. C’est difficile et c’est un long chemin mais il faut tenir.”
Sur ces paroles inspirantes, notre entrevue prend fin. Il est temps pour cette vahine de retourner œuvrer d’arrache-pied afin de tenir les objectifs qu’elle souhaite maintenir, pour le bien de son équipe et offrir aux polynésiens la meilleure qualité de nourriture possible.
1 : Conserverie du Pacifique
2 : Institut Universitaire de Technologie
3 : Génie Biotechnologique et Management en Agro-Industries
4 : Le pū fenua ou placenta tient un rôle fondamental dans la tradition culturelle polynésienne. Les polynésiens ont pour usage de l’enterrer sur leurs terres et de planter un arbre fruitier dessus à chaque naissance, permettant intégrer d’intégrer l’enfant à sa Terre, symbole fort en Polynésie française.
5 : L’élevage extensif, fondé sur les prairies et pâturages permanents, apporte une contribution positive à la préservation des paysages et à la pérennité des « services environnementaux », comme la protection de la biodiversité et des habitats, la séquestration de carbone et la prévention des incendies de forêt
Rédactrice
©Photos : Cartouche pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES