Poerava Tauhiro, une perle du Pacifique à Londres
Poerava a posé ses valises à Londres en 2013 pour acquérir de l’expérience en hôtellerie à l’étranger. Six ans après son arrivée, elle se confie à Femmes de Polynésie. et nous raconte ce qui l’a menée sur cette île loin du Pacifique.
Poerava est un exemple de réussite, issue d’un cursus souvent mis de côté par les élèves, qui, peut-être sous la pression sociale ou familiale, préfèrent opter pour les filières générales. Alors que nous sommes en pleine rentrée scolaire, ce portrait montre que l’hôtellerie peut offrir de belles opportunités, et nous ouvrir les portes du monde.
QUAND ORIENTATION DEVIENT PASSION
Dernière des trois filles de Puariri Tauhiro et Tapeta Hitiura, Poerava est une enfant originaire de Mataiea, où elle a grandi et étudié jusqu’à la fin de l’école primaire. A cette époque, il n’y avait pas encore de Collège à Teva I Uta, les enfants étaient donc amenés à poursuivre leurs études dans les communes voisines. C’est au Sacré Cœur de Taravao qu’elle fera ainsi ses deux premières années de collège, et les deux dernières au Collège de Tipaerui, à Papeete.
« Ensuite, viens le moment où tu entres dans la cour des grands et que tu ne sais pas ce que tu veux faire dans la vie« .
En effet, après le collège, les jeunes élèves doivent décider de leur orientation, et comme bon nombre d’entre eux, Poerava est un peu perdue. La seule option qu’elle entrevoit est le Lycée Hôtelier de Tahiti, situé alors à Taaone. Au bout de deux ans de formation aux métiers de l’hôtellerie, elle choisit l’option cuisine. Après son Brevet d’Études Professionnelles, elle passe un BAC Technologique puis un BTS Hôtellerie – Option Arts Culinaires de la table. Deux ans plus tard, un ancien professeur lui propose d’intégrer la toute première promotion de Licence en Hôtellerie à Tahiti. Défi relevé pour Poerava, qui a développé une véritable passion.
SE DEPASSER
Après les études, il faut trouver un travail et notre jeune dame fait ses armes… dans l’enseignement ! A tout juste 21 ans, elle est déjà professeur de Cuisine et Restaurant au CETAD (1) de Hao pour les classes AFAT (2). Une belle expérience, mais qui entraine une remise en question.
« Comment puis-je donner des conseils à des jeunes, si je n’ai pas l’expérience que mes professeurs avaient ? »
Elle décide de mettre le professorat entre parenthèses et d’acquérir de l’expérience en hôtellerie. Elle décroche un poste de Chef de rang pour le lancement d’un magnifique resort cinq étoiles sur Bora Bora, l’île hôtelière par excellence. Elle gravit les échelons et explore différents services pendant cinq ans : restaurant, bar, room-service…
Poerava est pleine d’énergie, et en quête constante du dépassement de soi et de nouvelles expériences. Alors malgré une évolution rapide et une carrière riche, elle ressent un manque.
« J’ai commencé à envisager de travailler à l’étranger pour acquérir de l’expérience à l’international, et m’épanouir ! »
UNE NOUVELLE VIE
De toutes les villes du monde, son choix se porte sur Londres. Pourquoi ? « Grâce à notre passeport français, pas besoin de visa !« . Et voilà notre aventurière à la découverte de la capitale britannique.
Passer des entretiens en anglais, s’intégrer dans une société cosmopolite avec un mix de cultures si différentes de la nôtre, s’habituer à la vie stressante de la ville, prendre le métro et le train… « Ça n’a pas été facile« .
La première barrière est celle de la langue. Évidemment au pays de Shakespeare, l’anglais est de rigueur, et Poerava n’a pas un très bon niveau. Elle débute donc en tant que serveuse dans le restaurant « Two rosettes » dans un petit hôtel quatre étoiles, vers Wimbledon.
Londres vit à 100km/h, un peu comme Poerava, qui enchaîne les postes et les promotions. Elle s’oriente progressivement vers l’évènementiel et les ventes.
Aujourd’hui Senior Sales Executive (Responsable des ventes) dans une compagnie de traiteur et de services, ISS Facilities, elle travaille dans le business development, avec comme principal client une grande banque. Son rôle ? Assurer les ventes au sein de la compagnie, mettre en place les promotions de produits, définir de nouvelles stratégies de vente, organiser la partie évènementielle pour le client et de la partie logistique traiteurs, …
Les anecdotes dans son métier ne manquent pas. L’une des plus marquante reste sa rencontre avec l’équipe de France de Rugby, dont certains joueurs venaient de Tahiti ! « Ça m’a beaucoup touchée de voir des Tahitiens après plus de deux ans sans rentrer au fenua ! »
CROIRE EN SOI ET PERSEVERER
Revenir au Fenua un jour ? Poerava y songe oui, mais ce n’est pas à l’ordre du jour. Celle qui a mille et une idées derrière la tête bouillonne de projets !
Après dix ans dans le milieu de l’hôtellerie, dont six à l’étranger, elle n’hésite pas à encourager ceux qui souhaitent découvrir de nouveaux horizons. « Ce n’est pas évident de quitter sa famille, faire face à l’inconnu, apprendre une nouvelle langue, une nouvelle culture… mais ça vaut tellement le coup, c’est super enrichissant ! Avec le recul, je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt. »
La petite Poerava qui cherchait sa voie a su croire en elle et persévérer, pour prendre son envol vers une vie où elle s’épanouit.
« Ne baissez jamais les bras au moindre échec. Si ça ne marche pas, c’est que ce n’est pas le bon moment et il faut continuer à persévérer. Profitez de chaque moment, l’important c’est d’être heureux ».
- CETAD : Centre d’éducation aux technologies appropriées au développement
- AFAT : Activités familiales et Artisanales Traditionnelles
Manuia Bernardino
Rédactrice web
© Photos : Poerava Tauhiro