Hitiura Beauvilain, « On ne parle pas assez de l’allaitement en Polynésie ! »
A l’occasion de la Semaine mondiale de l’allaitement, nous avons rencontré Hitiura Beauvilain, une femme qui consacre son temps aux mamans. Entre sa profession de sage-femme au CHPF et son engagement au sein de l’association Te U o te Ora – Allaitement en Polynésie, elle invoque l’importance d’échanger autour des sujets de la femme et de l’allaitement, de la maternité.
Une carrière pour aider les mamans
« Je suis sage-femme depuis 2011. J’ai toujours voulu travailler dans la santé, particulièrement avec les enfants. J’ai passé le concours de médecine ici. J’ai fait un stage avec une sage-femme et c’était comme une révélation ! »
Ayant obtenu son diplôme de maïeutique à Tahiti, cette Polynésienne de 37 ans travaille aujourd’hui au Taaone au service maternité.
« Tous les jours, on côtoie les mamans qui allaitent leur enfant, qui ont des difficultés. Au début, j’avais du mal à les conseiller, mais j’ai suivi une formation de consultante en lactation et j’ai pu progresser. Ça m’a passionnée. »
Au sortir de l’examen, avec ses collègues, elle est approchée par l’association Te U o te Ora – Allaitement en Polynésie, qui cherche des bénévoles pour mettre en place de nouvelles actions.
L’association Te u o te ora
Cette association a été créée en 2002 par des professionnels du CHT à la suite du constat du manque d’information autour de l’allaitement. Les premières actions consistaient en la récolte de fonds pour former le personnel et acheter du matériel (tire-laits). Hitiura rejoint l’association en 2022 et en devient présidente en 2023.
« Notre but est de promouvoir et protéger l’allaitement maternel. On aide les femmes à allaiter, à trouver des techniques pour y parvenir et on fait en sorte qu’elles puissent préserver ce droit. Pour protéger, on accompagne les mamans qui reprennent le travail en leur expliquant leurs droits en matière d’allaitement par exemple.
On anime des cafés parents dans les maisons d’enfance, tous les mois, pour échanger, informer. »
Surtout, cette bénévole dévouée explique l’importance du soutien de l’entourage dans le processus d’allaitement.
« Quand on sait qu’il y a d’autres mamans qui vivent la même chose, c’est plus facile de se soutenir. On cherche également à aider les papas à trouver leur place dans le processus d’allaitement : on veut montrer qu’ils peuvent soutenir leur dame de différentes manières. »
L’association apporte du soutien, répond aux questions, et aide à surmonter les difficultés. Pour cela, et à l’occasion de la Semaine de l’allaitement, l’association lance sa ligne téléphonique !
« A Partir du 14 octobre, les mamans pourront appeler la ligne tous les jours ! Les 29 bénévoles de l’association prodigueront conseils, aide et soutien pour l’allaitement. Ça fait longtemps qu’on essaie d’ouvrir cette ligne, on est contents d’y parvenir. »
Les bienfaits de l'allaitement : "C'est magique !"
Cette maman de deux garçons nous explique l’importance de la promotion de l’allaitement.
« C’est économique, écologique, et merveilleux en termes de santé publique : l’allaitement diminue le taux d’obésité. Pour la maman, cela réduit le taux de cancer du sein et des ovaires. Pour les bébés, c’est protecteur. Quand ils naissent, la maman transmet les anticorps par le lait maternel et les protège ainsi. C’est magique ! »
Hitiura nous éclaire sur le colostrum, le premier lait, riche en anticorps, et puissant cicatrisant :
« Nos grands-mères disaient d’utiliser le lait maternel pour guérir de la conjonctivite : les anticorps du lait peuvent soigner les enfants. »
Au-delà de ces bienfaits physiques, allaiter permet d’entretenir une relation privilégiée entre la mère et l’enfant.
« C’est un moment de lien et de protection. Parfois, quand j’aide les mamans à allaiter, je place l’enfant, je rassure. Certaines ont l’impression de ne pas arriver à allaiter, elles paniquent… mais quand le bébé s’accroche et qu’il commence à téter, elles ne m’entendent plus, elles ne me voient plus. La maman est, dans ce moment, concentrée sur son bébé. »
L’importance de s’informer
Notre sage-femme utilise son expérience au service maternité pour alerter sur l’importance, pour les mamans et les familles, de se former à l’allaitement pendant la grossesse.
« Ce n’est pas inné, cela s’apprend. Et surtout, ce n’est pas grave de ne pas y arriver du premier coup ! »
Pour promouvoir la pratique de l’allaitement, Hitiura rappelle qu’il est important d’en parler en famille, à ses proches. Il faut parler des bienfaits, mais aussi des difficultés :
« Ici, l’allaitement n’est pas tabou, mais on n’en parle pas assez. C’est important de discuter entre femmes, en famille, pour avoir le point de vue de la grand-mère, de la maman, du tāne… Il faut que les femmes se transmettent leurs expériences, qu’elles expriment aussi leurs peurs et leurs inquiétudes. »
Notre bénévole enjoint les mamans à communiquer et à demander de l’aide quand elles en ont besoin.
« Il faut que les mamans sachent que si elles ont des soucis elles peuvent nous parler. On est là. »
Hitiura, passionnée et dédiée à cette cause, continue de se former pour être mieux armée afin de toujours mieux aider les concernées. Aujourd’hui elle suit une formation en psychologie et elle est comme elle le dit « toujours à fond », pour les autres.
Rédactrice
©Photos : Marie Lecrosnier–Wittkowsky pour Femmes de Polynésie et Te U o te Ora.
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