O’omaka Gendron, Miss T Tahiti 2023
Bien plus que l’histoire d’un prix de beauté, c’est avant tout la sienne qu‘O’omaka confie à Femmes de Polynésie : la vie d’une personne trans1, avec ses heurts et ses grands bonheurs.
SE SENTIR FEMME
« Depuis toute petite, je savais que je voulais être femme, et que je n’avais pas le bon corps. »
Une évidence qu’elle porte dans sa tête, et sur son corps paré de robes et d’ornements, avec son beau visage encadré de longs cheveux ébènes, et sa démarche si emplie de féminité. Sans qu’ O’omaka ait besoin de le préciser, dès l’adolescence la vérité s’impose d’elle-même, et aux yeux de tous. Mais certains conservent des œillères.
« Parler de ma personne en utilisant « il » est une insulte pour moi ; la manière dont je m’habille me paraît assez explicite pour que l’on m’appelle « elle ». Je peux clarifier les choses une fois, mais pas plus. »
O’omaka s’installe plus confortablement, et poursuit :
« Quand j’avais 9 ans, mes parents m’ont rasé la tête pour la toute dernière fois ; rapidement ils ont pris conscience de mon genre, et ont deviné qu’il était inutile d’aller contre ma volonté. »
Avec ses trois frères et sœurs, O’omaka est éduquée dans un esprit d’indépendance, d’ouverture d’esprit, et de voyages à travers le monde. Elle grandit entourée d’amour ; sa différence est acceptée par ses parents, ses choix sont respectés.
« Je crois que les parents qui acceptent la différence de leur enfant, qui en sont fiers, fait que ce dernier pourra leur réserver de belles surprises ! Ils participent ainsi à son bonheur, et le préparent à vivre dans un monde où chacun a sa place. »
O’omaka avance avec la tête haute. Le regard est fier, doux, mutin, espiègle, et le rire n’est jamais bien loin. La vie est un bonheur à savourer au quotidien. O’omaka sait où elle va, et à 21 ans, elle s’installe à son compte comme maquilleuse professionnelle.
« Pour moi il n’y a jamais de problèmes, mais toujours des solutions. »
L’ÉCOLE
O’omaka grandit aux îles Marquises. Une enfance heureuse, respectée autant par ses proches que par tous ceux qui habitent la Terre des Hommes.
À l’école primaire, O’omaka ressemble à un garçon. Quoique. Quand elle fait son entrée au collège de Nuku Hiva, elle est transformée : cheveux longs, tenues seyantes, maquillage et parfum suivent son sillage de féminité. Elle aime se sentir belle. Elle est curieuse, studieuse, joviale, sociale. Aller aux WC est une aventure de chaque jour, afin d’échapper à la vigilance des surveillants, pour entrer là où elle se sent à sa place, chez les filles. En classe de 4e, elle se fait renvoyer du collège parce qu’elle porte une robe. O’omaka rit à ce souvenir. Elle part se changer… Et ne remettra plus de robes jusqu’en seconde.
Départ à Tahiti pour les années lycée. Elles sont quatre raerae2 à s’entraider, à se sentir pareilles ; à l’internat elles dorment côte à côte dans le dortoir des garçons. Les journées sont longues. Chaque jour elles se lèvent à 4h du matin pour se préparer, pour préserver leur intimité, et éviter une promiscuité trop masculine.
« Je m’affiche telle que je suis, le regard des autres ne m’importe pas ! »
Un unique incident de parcours survient : la plainte d’un surveillant, parce que O’omaka porte une robe. Encore, décidément. Il y a convocation chez le proviseur, et règlement de l’affaire par la police. Un fait contrebalancé par l’ambiance globalement respectueuse dans l’établissement, la très grande bienveillance de la CPE3 du lycée, et la compréhension des professeurs, notamment lors d’un voyage culturel, qui autorisent les raerae à rejoindre le dortoir des filles en Nouvelle Zélande.
ÉLECTION DE MISS T
Si les choses paraissent assez limpides pour O’omaka, elles ne coulent pourtant pas de source. Derrière son sourire, il y a un esprit solide. Forte de cette belle assurance, elle se présente à l’élection de Miss T, même si le concours de beauté n’est pas un besoin pour elle :
« Je m’accepte tellement telle que je suis ! »
Mais vivement encouragée par une copine, se prenant au jeu du défi, elle se lance dans l’aventure, et perd du poids pour être à son avantage.
« J’aime me lancer des challenges, et voir mes efforts récompensés. »
Le jeu en vaut la chandelle, O’omaka est sacrée reine de beauté Trans, miss T Tahiti 2023, à la mairie de Papeete, où l’élection se déroule pour la première fois. Depuis, les interviews s’enchaînent, O’omaka vit la trépidante existence de Miss.
« Avant j’accompagnais les Miss Tahiti pour leur élection en tant que maquilleuse, en backstage4. Maintenant c’est moi qui suis mise en lumière ! »
L’aventure continue car O’omaka se prépare désormais pour le concours national de miss T en France pour 20245.
« C’est un combat au quotidien, il faut s’imposer, et ne pas avoir peur de penser à soi, sinon personne ne le fera à notre place. Il est nécessaire d’avancer malgré les embûches, cela nous forge aussi. Il faut voir loin dans la vie, plus loin que l’instant présent. »
O’omaka rayonne, des projets plein la tête. Elle est comme un soleil.
« Ma vie est belle ! »
1 Personne transgenre : son identité de genre diffère de celle, généralement associée au sexe, qui lui a été attribué à la naissance. Transsexuelle : personne qui a modifié son corps par la prise d’hormones ou à l’aide de la chirurgie. Trans : terme plus général, pour éviter toute confusion.
2 Personnes trans dans la culture tahitienne
3 Conseiller Principal d’Éducation
4 Coulisses, loges d’une salle de théâtre ou de concert
5 Miss T France est un concours inclusif et militant annuel, qui s’inscrit dans une démarche active de représentativité et de reconnaissance des femmes transgenres en France
Rédactrice
©Photos : Doris Ramseyer et O’omaka Gendron pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES