Henriette Kamia, une force au service des personnes porteuses de handicap
Son parcours de vie révèle tant d’étapes, de responsabilités associatives et électives, de distinctions honorifiques que l’on pourrait penser qu’Henriette KAMIA a vécu plusieurs vies ! Pourtant cette femme passionnée et volontaire a centré l’essentiel de ses engagements sur l’amélioration de la place accordée aux personnes porteuses de handicap en Polynésie. L’histoire retiendra qu’elle a réellement fait avancer cette cause. Femmes de Polynésie vous en parle.
Les prémices de son engagement
Henriette est née à Fatu Hiva aux Marquises dans une famille modeste de coprahculteurs et d’artisans en tapa. Sa scolarité la mène de son île natale à Hiva Oa chez « les bonnes sœurs », enfin à Tahiti au Collège La Mennais.
Atteinte brutalement de cécité à l’âge de 19 ans alors qu’elle entamait une carrière d’enseignante, Henriette aurait pu tout lâcher et vivre une vie repliée sur son handicap. C’était sans compter sur sa force de caractère. Elle s’est battue chaque jour, pour elle d’abord afin de se prendre en charge, de s’adapter à sa nouvelle situation et d’être enseignante comme elle l’a toujours voulu. Après un séjour en France pour apprendre le braille dans un établissement spécialisé, Henriette a dû être tenace auprès de l’administration pour obtenir le droit de passer un CAP (certificat d’aptitude pédagogique) et faire reconnaître sa légitimité à enseigner aux enfants mal voyants ou aveugles. Ce qu’elle fera pendant trente années au sein du CEDOP (centre d’éducation de l’ouïe et de la parole). Mais Henriette s’engage aussi pour les autres puisque sa sécurité personnelle et celle de son fils sont assurées par la conquête de son autonomie.
Œuvrer pour les personnes porteuses de handicap
Ses difficultés de déplacement la conduisent à adhérer, puis très vite à présider, l’Association Ta’atira’a Huma Mero qui militait pour développer des transports adaptés dans un monde conçu pour des personnes valides. De fil en aiguille, c’est pour l’ensemble des conditions de vie faites aux personnes porteuses de handicap qu’elle se bat. Elle devient leur voix et sait se faire entendre. Au sein du monde associatif, au conseil municipal d’Arue, à l’Assemblée de la Polynésie et au CESEC, elle défend le monde vu du Handicap pour faire avancer la prise de conscience et trouver des solutions adaptées. Quand un point est marqué dans un domaine, elle s’attaque à un autre : transports, scolarité et formation, logement, santé et prestations sociales, emploi, sport… Elle s’investit dans ces domaines et obtient l’écoute de chacun car elle sait de quoi elle parle ! Et elle dit ce qu’elle pense. Du reste, son franc parler est une arme efficace pour interpeller et faire agir, même si l’évolution ne va pas aussi vite qu’elle le souhaiterait !
Etre une femme est plutôt un avantage avoue-t-elle :
« grâce à la persuasion et parfois le charme, on peut amener les gens vers où l’on veut aller »
Mais travailler avec des hommes comme avec des femmes ne lui pose pas de difficultés particulières.
Pour Henriette les personnes handicapées ont des droits comme les « valides ». Mais pour qu’ils soient respectés, il faut prendre en compte leurs spécificités et adapter la société notamment pour l’accessibilité physique, le numérique, les transports. Si l’on instaure des règles adaptées, il faut aussi les respecter ! Et c’est l’affaire de tous : les parents, la famille, les gouvernants, les maires, l’Etat. Pour être efficace il faudrait :
« apprendre à travailler ensemble et non chacun dans son coin. »
Vivre comme tout le monde
On l’a compris, Henriette est une femme passionnée, persévérante et franche. Sa volonté d’autonomie, elle l’a aussi mise au service des Polynésiens porteurs de handicaps. Le changement de regard comme les progrès acquis au cours du temps lui doivent beaucoup. Au sein de la Fédération Te Niu O Te Huma, comme dans la Fédération Polynésienne des Sports Adaptés et Handisports (FPSAH), Henriette a su fédérer autour d’elle le monde du Handicap. Les Journées Polynésiennes du Handicap sont l’occasion annuelle d’évaluer les avancées.
Son souhait est que dans le futur les personnes handicapées puissent vivre comme tout le monde mais différemment car « nous aurons transformé nos différences en une richesse ». Parole de Poerava !
En raison de son parcours de vie tout à fait atypique, Henriette mérite d’être distinguée en tant que Poerava 2023.
Pendentif remis à chaque Poerava, réalisé par l’atelier Wilfred Ya-Matsy.
Armelle Merceron
Rédactrice
© Photos : Henriette Kamia pour Femmes de Polynésie
Yvon Bardes, directeur de publication