
L’eau de parfum par Lovaïna Guirao
C’est une profession peu répandue en Polynésie, assurément un cas unique : le métier de maître-parfumeur, un titre qui évoque un art, un savoir-faire parfait, une connaissance approfondie, une délicatesse extrême et un talent évident. Lovaïna Guirao présente à Femmes de Polynésie son métier et raconte son parcours.
UNE FAMILLE D’ARTISTES
Lovaïna Guirao est la fille du parolier-écrivain Patrice Guirao. Tout comme sa sœur Sydelia, scénariste et auteure, Lovaïna est née à Papeete. Petite, elle s’amusait déjà à composer des parfums pour son entourage et sa famille.
«Vers 6 ans, je prenais de l’eau, je cueillais des fleurs de tiare, je faisais ma petite tambouille, et j’offrais la mixture autour de moi dans des petits flacons que je récupérais. »

Un résultat très éphémère, qui permet à la préparatrice en herbe de comprendre qu’un parfum, c’est un petit peu plus compliqué que de l’eau et des fleurs. Elle cherche à se perfectionner, trouve un magazine expliquant comment fabriquer son propre parfum et se rappelle avoir retrouvé un enregistrement qu’elle avait adressé à sa meilleure amie de Tahiti, lui racontant sa joie d’être arrivée au résultat ce qu’elle voulait.
UNE SCIENTIFIQUE DANS L’ÂME
Voulait-elle en faire son métier ? Pas vraiment. Elle rêvait de devenir astro-physicienne, mais à 16 ans, lors d’un Heiva auquel elle participe, elle est totalement envoûtée par la musique et les effluves des fleurs des couronnes, colliers et costumes.
« C’était une révélation ! J’ai su que c’était ce que je voulais faire : me diriger vers les senteurs. Je regardais ce qui se faisait ici, dans les plantations, m’intéressais à la technique d’extraction de la fleur de tiare, et j’ai voulu me former. »
Elle opte pour la science et décroche une licence de chimie, s’envole pour la métropole et intègre l’ISIPCA, la prestigieuse école des métiers du parfum, créée par Guerlain. À Paris, elle devient évaluatrice, un travail qui fait l’intermédiaire entre l’équipe marketing et l’équipe création, avec pour mission de développer un portefeuille de particuliers et d’entreprises.
« Mais ce n’était pas du tout la vision que j’avais de la parfumerie. Je voulais faire du sur-mesure, et en fonction des personnes créer un parfum qui leur corresponde, à leurs goûts, à l’acidité de leur peau, à leur personnalité. »

LE RETOUR À TAHITI
Lovaïna revient donc au fenua avec dans ses bagages tout un panel de compétences lui permettent de se reconnecter à son envie de départ : l’extraction d’essences locales. Avec l’aide de son époux, elle se forme, sélectionne et fait pousser ses propres essences : fougère, ylang-ylang, fleur de papayer, belle de nuit et chèvrefeuille.
« La Polynésie se prête à cet art de la parfumerie. Je ne m’épanouirais pas autant si je faisais ça ailleurs, j’ai besoin de ce contact avec la nature. »
Lovaïna travaille parfois avec des clients aux demandes particulières.
« Il arrive que l’on me ramène un flacon ayant appartenu à un être cher disparu, souvent une eau de Cologne, pour le recréer. C’est touchant parce que c’est un élément de la vie quotidienne des gens. »

LE PARFUM EST UN ART
Lovaïna fait ce que l’on appelle du marketing olfactif. Mais attention, elle considère la parfumerie comme un art. Il n’y a qu’à se rendre à son atelier, véritable musée de flacons plus magnifiques les uns que les autres, pour y voir que contenu et contenant forment une création unique. Avec ses flacons, on trouve des créations en nacre de Hiro Owen, du cristal de Baccarat, du verre de Murano…

« J’ai aussi créé des parfums à partir de tableaux de Salvador Dali, pour essayer de donner une dimension olfactive aux œuvres de ce maître. »
Cette jeune artiste évolue donc dans un milieu unique et raffiné, et nous ne voulions pas la quitter sans entendre sa vision de la femme de Polynésie :
« Je trouve que la femme polynésienne, quand elle est mère, reste sensuelle et féminine, forte et inspirante. Elle a un rapport au corps naturel et sans tabou, et véhicule la joie de vivre. »

Laurent Lachiver
Rédacteur web© Photos : Lovaïna Guirao pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon Bardes



