
Vanille Chapman, œuvrer pour une enfance sans violence
Sur le Paepae a Hiro de la Maison de la culture, nous laissons le sable caresser nos doigts, et la voix de Vanille Chapman nous bercer de délicatesse. Rencontre avec une professionnelle de l’éducation bienveillante, qui nous propose une autre manière d’élever nos enfants.
SE RECONNECTER AUX RACINES ET TROUVER SA VOIE
Vanille Chapman est née sur l’île de Tahiti d’une maman française et d’un père polynésien. Peu après sa venue au monde, elle s’envole pour l’Hexagone dans les bras de sa mère, où elle grandit au sud du pays.
« En grandissant, j’ai réalisé que je ne savais pas quoi faire de ma vie. »
Tiraillée par un système qui attend des élèves qu’ils décident très jeunes de leur avenir, Vanille n’est pas certaine de ce que le destin lui réserve.
« L’école, j’avais toujours un peu du mal… Mais je savais que je voulais travailler avec des enfants, avec des gens. »

À 17 ans, elle passe le BAFA1, devient animatrice en centres de loisirs et en colonies de vacances. Puis, elle devient formatrice, accompagnant des équipes. La passion grandit, la certitude s’installe.
« L’animation pure, où on crée des choses, j’adore. Je trouve ça génial ! »
Mais quelque chose lui manque…
« Je suis revenue en Polynésie à vingt ans, pour rencontrer ma famille et surtout mon papa. »
Pendant deux ans, elle apprend à connaître une culture qui est la sienne par les liens du sang, mais qui lui est encore étrangère. Elle assimile petit à petit les codes, s’intègre à cette vie qu’elle découvre. Finalement, Vanille décide de retourner en France. C’est seulement quelques années plus tard, en 2019, qu’elle revient au fenua, pour s’installer définitivement.
DES ATELIERS POUR LES TOUT-PETITS
Vanille Chapman ouvre alors sa patente pour intervenir auprès des plus jeunes. Lorsqu’elle devient maman, elle se découvre un intérêt grandissant pour les albums jeunesse.

« J’ai commencé à m’intéresser à la littérature pour la jeunesse quand j’ai eu mon fils. »
En 2021, elle est contactée pour prendre la main sur des ateliers spécifiques à la section petite enfance de la Maison de la Culture de Tahiti – Te Fare Tauhiti Nui.
« Les bébés lecteurs, c’est un atelier où on partage des histoires. C’est vraiment les prémices de la lecture, découvrir le livre en tant qu’objet. Et puis, la musique des mots, des pages qui se tournent. »
Durant ces ateliers gratuits et libres d’accès, une dizaine d’enfant de 0 à 3 ans sont accueillis avec leurs parents.
« C’est aussi une manière de montrer aux parents que ce n’est pas effrayant de raconter une histoire aux tout-petits. On n’a pas besoin d’être un grand orateur. »

Vanille Chapman propose également un atelier intitulé « Les petits philosophes ».
« Ça commence à partir de 3-4 ans, à partir du moment où ils peuvent aborder la parole. »
Ce sont des moments d’échanges privilégiés, où des supports sont apportés pour aider les enfants à articuler leurs pensées, toujours sur le même principe de gratuité et de libre accès.
« Très souvent, ce sont des sujets comme : le vivre ensemble, grandir, c’est quoi ? La mort, c’est quoi ? »

AUPRÈS DES PROFESSIONNELS DE L’ÉDUCATION
Jeune maman, Vanille fait face à une réalité peu agréable lorsque vient le moment pour son petit garçon de commencer sa scolarité.
« En rentrant à l’école, il s’est retrouvé face à une violence qui n’existe pas à la maison. Je ne peux pas le mettre dans une bulle et le protéger de tout. »
Devant ce constat, elle comprend qu’elle peut avoir un rôle à jouer auprès des professionnels de l’éducation. Elle écrit et met en place un projet pédagogique qu’elle nomme « Une enfance sans violence ».

« Ce sont, entre autres, des ateliers de gestion des émotions, essayer d’accompagner les instits à mieux accompagner les enfants. Donner des outils concrets pour sortir des rapports de force à l’école. »
Elle intervient dans l’école de son fils, et reste disponible pour d’autres établissements qui souhaiteraient bénéficier de ses connaissances. Ce projet, elle le mène également auprès de parents d’élèves, grâce à un accompagnement familial personnalisé. D’expérience, ces derniers peuvent énormément s’apporter les uns aux autres.

« Je puise dans mes ressources et dans celles des autres. Il y a des galères qui paraissent plus simples quand on les partage. J’ai encore à apprendre. Je suis riche de chaque personne que je rencontre. »
CRÉER DES INSTANTS DE RÊVES ET D’HISTOIRES
Parce qu’elle n’est jamais à court de projets, Vanille Chapmann offre également ses compétences dans le cadre du projet Hors les Murs avec la Maison de la culture de Tahiti. Par ce biais, elle a pu mettre en place des ateliers dans les centres Pu o te hau2 et Te aho nui3.
« Avec toujours l’idée de proposer aux mamans et aux enfants un atelier autour du livre, pour renforcer les liens. Surtout, on s’amuse ! Les livres, c’est vraiment fun ! »

Dans un contexte tel que celui du foyer, l’univers onirique de Vanille est plus que le bienvenu.
« C’est semer des graines de bienveillance, proposer du jeu, des rêves et des histoires. »
UN MESSAGE D’ESPOIR
Si notre femme de Polynésie semble un mur de douceur et d’indulgence, elle nous rassure : personne n’est parfait.
« N’avoir aucun rapport de force à la maison, ce n’est pas possible. On a le droit de se tromper, et les erreurs sont formatrices. »

Pour conclure, Vanille Chapman nous rappelle qu’il faut un village pour élever un enfant, que nous ne sommes jamais seul face à l’adversité, et que le meilleur reste à venir.
« J’ai envie d’envoyer un message d’espoir à tous les parents. Il y a des solutions à tout. Si elles ne sont pas en nous, elles sont très proches. Si on a besoin d’aide, il suffit de demander. »
1 Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur.
2 Pu O Te Hau est une association qui vient en aide à plusieurs femmes en détresse, des femmes qui sont maltraitées, qui sont battues.
3 L’association TE AHO NUI gère 2 structures d’accueil d’urgence pour l’enfance en danger.

Rédactrice
©Photos : Cartouche Louise-Michèle, Vanille Chapman et la Maison de la Culture de Tahiti – Te Fare Tauhiti Nui pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES