Mélanie, entre anthropologie et réinsertion par la culture!
Mais qui a dit que la curiosité était un vilain défaut ? Sûrement pas Mélanie Place Mezzapesa, qui, à seulement 33 ans, a déjà pas mal de cordes à son arc. Aventurière dans l’âme, Présidente d’une association qu’elle crée à La Réunion, mère de 3 enfants, responsable de la mise en place des activités socioculturelles en détention et anthropologue à Tahiti… elle a même écrit 1 pour Femmes de Polynésie !
Le goût du Voyage
Mélanie est née en 1987 à Bourg-en-Bresse. Elle y reste jusqu’à ses 19 ans avant de s’envoler pour l’Italie pendant 2 mois, puis pour l’Australie.
« J’étais fille au pair et j’apprenais l’anglais. Dès l’âge de 11 ans, je me suis dit que j’irai parcourir le monde. »
Dans cette aventure, elle rencontre Raphaël, l’homme de sa vie.
« Puis retour en France pour un an, afin de finir ma deuxième année de licence. »
A 21 ans, titulaire d’un bac littéraire option théâtre avec un DEUG d’art du spectacle, Mélanie décide de tout arrêter pour partir à La Réunion avec son mari.
« En arrivant là-bas, je fais une L3 Science de l’éducation, car l’option art du spectacle n’existait pas. Du coup, j’ai choisi un parcours qui me permettait de continuer en L3 »
Puis elle postule à l’IUFM, mais n’obtiendra pas sa place…
« Et je crois que c’était finalement une bonne chose parce que c’est ce qui m’a conduite vers un master qui s’appelait à l’époque ‘interculturalité’, et qui m’a permis de choisir des options en anglais, ce que j’affectionnais particulièrement. »
L’anthropologie
Durant cette année, Mélanie rédige un mémoire sur la représentation de l’identité maori dans le film et le livre « l’Âme des guerriers » (Once Were Warriors), lui permettant ainsi de concilier la sociologie, l’art du spectacle, la littérature, bref « plein de choses que j’aimais en fait ! ».
« Puis j’atterris par hasard dans le master 2 anthropologie et sociologie des sociétés de l’océan Indien. »
À l’issue du master 2 et maman d’un deuxième enfant, elle en profite pour faire des vacations dans le domaine de l’enseignement et dans la recherche :
« J’ai travaillé à la restructuration d’un musée, mais aussi fait des recherches et de la collecte de données aux Archives pour une professeure américaine. Je m’adonne aussi au social car j’aime travailler pour la communauté. »
En 2012 , elle crée une association avec d’autres mamans dans son quartier La Chaumière, mettant en place des activités socio-culturelles, puis de l’accompagnement social, administratif, de la prévention (au prisme de l’interculturalité). L’idée de la thèse lui vient alors.
« Je voulais comprendre pourquoi il y avait des conflits entre ces habitants, Français d’origine mahoraise qui venaient s’installer dans le quartier, et les autres. »
Dix ans s’écoulent à La Réunion, et en 2017, la famille Mezzapesa met le cap vers la Polynésie.
« Mon mari, prof de musique, avait demandé sa mutation. Il enseigne au collège à Moorea. Ses instruments sont le piano et la guitare, et en parallèle il fait de la photo. »
Mélanie se donne pour objectif de finir sa thèse en janvier 2018. Mais entre 2 pages, sur le site du SEFI, une offre de Chargé de développement local attire son attention. Elle postule.
L’animation en milieu pénitentiaire
« Je suis responsable de la mise en place des activités socioculturelles en détention, en collaboration avec les établissements (Nuutania, Tatutu et les antennes de Raiatea et des Marquises). »
Mélanie tient un rôle à plusieurs responsabilités, dont l’humain est le centre.
« Ce sont souvent des personnes issues des quartiers prioritaires, donc on a affaire à des familles qui sont en grande difficulté. C’est un public qui est perçu comme ‘éloigné’ de la culture ; ce qui n’est pas forcément vrai. Celle-ci est quand même très présente, donc il faut trouver des activités qui font sens afin qu’ils puissent se reconstruire. »
Les activités sont bénéfiques et peuvent apporter un déclic, telles que les arts plastiques… De vrais talents se sont révélés, alors qu’ils n’avaient jamais fait de dessin.
« Il y en a qui ont gagné des prix, et je pense à un en particulier qui s’est mis à faire des dessins toutes les semaines et les déposait dans mon bureau. »
La réinsertion par la culture a autant sa place que l’insertion professionnelle ou l’obtention d’un diplôme. Tout est complémentaire. Au regard des conventions internationales, l’accès à la culture – à l’école, en prison, dans son quartier… – est aussi important que l’instruction scolaire ou l’éducation à la santé.
« Donc c’est une voie. Ça a marché pour certains. Les cours de comédie musicale, par exemple, c’est une belle opportunité de s’exprimer. Ils apprennent à canaliser leurs émotions. Le tout c’est de leur donner des outils dont ils pourront se servir à l’extérieur. »
L’enseignement
« Ça fait 2 ans que j’enseigne cette matière à l’ISEPP. Ce n’est pas simple car on la comprend seulement en la pratiquant et en manipulant les concepts. »
Les élèves ne se destinent pas forcément à une carrière d’anthropologue mais plutôt au métier du social, des RH ou de la psychologie.
« Donc j’insiste beaucoup sur comment les outils de l’anthropologie peuvent les aider à comprendre le monde, leur culture, le monde du travail, leur relation avec les autres… »
« L’anthropologie c’est étudier l’Homme dans sa globalité. Il y a plusieurs disciplines telles que l’anthropologie biologique ou physique, ou des religions etc. En ce qui me concerne c’est plutôt l’anthropologie sociale et culturelle.»
1 (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation)
2 Lire l’article sur Moehana : l’étoile polynésienne du cirque
Propos recueillis par Lubomira Ratzova
Article rédigé par V.M.
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© Photos : Raphael Mezzapesa, Mélanie Mezzapesa