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Société

Liline Florès, autant de métiers que de vies !

Publié le 27 juin 2024

Musique, chant, danse, tressage, reo tahiti… Si Liline se voue à la transmission artistique, c’est parce qu’elle-même a beaucoup reçu des autres. Psychologie, altruisme et rire sont les recettes de ses leçons. À Raiatea, Femmes de Polynésie a recueilli le témoignage de cette joyeuse enseignante qui a arrêté l’école en classe de 5e.

Assise sur un banc de la gare maritime de Uturoa, son ukulele sur les genoux, Liline regarde la mer vers l’est, vers Tahiti, où elle a grandi. Mais c’est l’éducation typique des Australes, dont est originaire son père, qui marque son enfance : faire par soi-même, répéter les gestes des anciens et ne pas rechigner à l’effort.

« Aux Australes, on transmet un grand nombre de savoir-faires ainsi qu’un certain savoir-vivre. Mettre les mains dans la terre, bâtir sa maison, couper et tresser le pae’ore, ramasser les coquillages, coudre… tout cela engendrait colliers, costumes, chapeaux, éventails, quantité d’objets qui étaient commercialisés. Voilà ce que ma maman m’a appris ainsi qu’à mes 7 frères et sœurs. Elle nous répétait sans cesse : « C’est l’argent qui vient à toi, ce n’est pas toi qui vas chercher l’argent ». Je suis très fière d’elle.  »

Une jeunesse marquée par les dérives

À sa majorité, Liline délaisse le nid familial de Papara et découvre un autre milieu, celui de l’alcool, la drogue, les bagarres de rue.

« L’ivresse et le pakalolo, c’est toute ma jeunesse. »

Et puis un jour, c’est le déclic. Elle prend conscience de tout ce que ces usages lui font perdre, les êtres chers qui se sont suicidés, la famille dont elle s’est éloignée, le travail compliqué à trouver… Elle décide d’un virage à 180°.

« Moi qui aime la bringue, je me suis mise à chanter des airs religieux ; sans m’en rendre compte, je disais des prières qui m’ont guidée vers la vraie question : « Liline, est-ce bien cette vie-là que tu veux poursuivre ? » J’ai dit Stop ! Au même moment, j’ai revu une amie qui avait rompu avec ce milieu et ces excès ; or, elle s’était convertie religieusement. Les effets positifs sur elle et donc son exemple, m’ont incitée à aller vers la foi. »

Apaisement et guidance

Bien qu’élevée dans le protestantisme, Liline se tourne vers l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. La première fois qu’elle rencontre des prédicateurs, elle est troublée par la lumière qui émane d’eux, par leurs visages rayonnant de paix tout autant que de gentillesse. Petit à petit, nourrie des principes de l’Évangile, elle observe son cœur changer.

« Après un an de leçons, j’ai cessé de fumer du cannabis. La deuxième année, j’ai diminué l’alcool. J’ai compris que je me réfugiais dans les paradis artificiels parce que le monde extérieur me faisait peur. Entourée par les missionnaires, je me sentais en paix et en sécurité. »

À l’issue de cette conversion, la jeune femme de 25 ans reprend des études via un BEP Services à la personne. Néanmoins, c’est un groupe musical qui la recrute comme chanteuse-musicienne. Contrat en poche, elle part alors en tournée en Nouvelle Zélande, Nouvelle-Calédonie et Australie afin d’égayer le public de restaurants et hôtels. L’animation musicale devient son quotidien pendant 8 ans, du hall international de l’aéroport de Faa’a aux établissements touristiques de l’Hexagone ou encore des États-Unis. Cette vie exaltante la ramène vers les arts et par conséquent aux sources de sa culture.

« Cependant, à la trentaine, je me suis lassée de cette vie de saltimbanque. J’ai décidé de me consacrer à ma spiritualité en préparant le baptême. Or, dans mon Église, drogue, alcool, concubinage sont interdits. Ces principes m’ont parus justes, par conséquent j’ai arrêté complètement la cigarette et la bière. Aujourd’hui, j’exerce au sein de cette communauté des missions qui me rendent heureuse et qui contribuent au bien-être social de nos membres. »

Instrumentiste, chanteuse, couturière, polyglotte… Liline Florès a plus d’une corde à son arc !

Le mariage avec un grand M

À la quarantaine, la vie de Liline bifurque à nouveau lorsqu’elle découvre au tréfond de son âme ce qu’elle désire de tout cœur : fonder une famille.

« À cause de la violence masculine dont j’avais été trop de fois témoin et des ménages malheureux autour de moi, j’avais une image très négative d’un quelconque compagnon. « Si un homme me touche, je le tue ! » Voilà comment j’appréhendais le couple. »

Heureusement, l’aura sacrée de Raiatea met Ramon sur son chemin ; pour rendre service, celui-ci héberge Liline à Uturaerae de sorte que les deux amis travaillent puis vivent côte à côte durant 4 ans avant de s’unir par le mariage en 2021. Ce déménagement s’accompagne d’un revirement professionnel puisque Liline abandonne son emploi de directrice de Maison familiale et rurale de Taharu’u-Papara où elle enseignait également l’histoire-géo et le reo mā’ohi.

« Désormais, je voulais vivre de mes talents, de tout ce qui avait constitué mon enfance, la musique, le tressage, la cuisine, le tahitien… Par conséquent, j’ai appris à danser à Ramon et on a ouvert ensemble une école dans le centre de Uturoa qui a initié au rock et à la valse tahitiens ainsi qu’au hula, de 2018 à 2021. »

Accompagner plutôt que professer

Comme une pelote de laine qui semble se dérouler à l’infini, Liline diversifie ses ateliers, motivée par l’envie de transmettre. Elle forme alors les amateurs de musique au ukulele, kamaka, tō’ere et pahu, les amateurs d’artisanat à la confection d’objets variés en niau ou bien en pae’ore. Tout naturellement, le reo tahiti s’invite dans le cercle des essentiels à inculquer. Les motivations de sa vingtaine d’élèves, reçus en micro-groupes ou cours particuliers, sont diverses mais la plupart découle d’un besoin.

Dans nombre de ses compétences, Liline se réfère à sa maman, actuellement âgée de 79 ans : « elle était capable de cuisiner du ma’a pour 2000 personnes ! »

« Qu’ils soient Polynésiens de souche ou Farāni, ils apprennent la langue du Fenua pour des raisons personnelles ou professionnelles. Pour enfin maîtriser la langue de leurs origines ou celle du conjoint à qui ils sont mariés depuis des décennies. Dans certains domaines, artistique, juridique, journalistique ou encore dans celui de la formation, le tahitien s’impose. »

Les lycéens qui présentent l’option Tahitien au Bac ainsi que les candidats au Diplôme d’accès aux études universitaires (DAEU) font également appel aux compétences de Liline afin de s’exercer à la compréhension écrite et à la traduction. Liline tient à ce que ses services soient accessibles à tous. Parce qu’on lui a beaucoup donné, à son tour, elle donne un maximum.

Gaëlle Poyade

Rédacteur

©Photos : Gaëlle Poyade pour Femmes de Polynésie

Directeur des Publications : Yvon BARDES

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