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Kihi Tuiho, fondatrice de ‘Āu’a Tahiti, s’engage pour l’environnement
Ingénieure passionnée par la question écologique, Kihi Tuiho s’est spécialisée dans la gestion des déchets pour mettre ses compétences au service du fenua. Aujourd’hui, cette trentenaire mène une vie rythmée entre son rôle de mère, son travail chez Technival et le développement de son entreprise de bols coco ‘Āu’a Tahiti. Pour Femmes de Polynésie, elle revient sur son parcours et la conviction qui l’anime.
Des études spécialisées pour travailler localement
Aussi loin qu’elle s’en souvienne, Kihi a toujours été soucieuse de l’environnement :
« J’étais la copine qui grondait ceux qui jetaient leurs détritus par terre ».
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Après une scolarité à Tahiti et une école d’ingénieur à Paris, elle poursuit ses études à Strasbourg en Mastère Gestion, traitement et valorisation des déchets.
« J’ai toujours fait en sorte d’orienter mes études pour avoir un débouché local. Je savais que je voulais travailler dans l’environnement, mais sur les conseils d’un élu, j’ai opté pour les déchets, car à l’époque, personne n’était encore spécialisé à Tahiti. »
Elle réalise son stage dans une communauté de communes en Alsace, où elle apprend à dimensionner des circuits de collecte. En février 2018, la Tahitienne de Secteurs publics (TSP) la recrute et lui confie la mission d’optimiser le service de collecte entre Papeete et Pirae. Kihi découvre alors la réglementation polynésienne et des défis propres au territoire.
Se mobiliser face à la pollution des îles
En 2019, dans le cadre de marchés lancés par le pays via la DIREN, une équipe de la TSP vient sensibiliser la population et les agents communaux des îles à la problématique des déchets des plages. Kihi Tuiho organise ainsi ses premières opérations de nettoyage dans les Tuamotu. Une dure réalité s’impose à elle.
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« C’était un choc de découvrir l’envers du décor. Je n’avais jamais vu que nos îles étaient aussi impactées par la pollution des déchets dérivants. Le pire s’est produit une fois à Fakarava : en 3 heures, on avait seulement avancé de 30 mètres et ramassé 5 m3 de déchets. C’était énorme, il y en avait partout ! Sur les plages exposées aux vents dominants, on a retrouvé des bouteilles en plastique chinoises, un flacon qui venait de Russie, des bonbonnes de gaz, un frigo… La population sur place nous disait : Si je ramasse, c’est pour en faire quoi ? Il n’y a pas d’autres solutions que de mettre dans un trou. »
Transmettre une éducation environnementale
Devant l’ampleur du phénomène, Kihi Tuiho et Rava Sachet, directrice du développement à la TSP, réunissent plus d’une vingtaine de membres pour former le collectif Les ambassadeurs de l’environnement. Elles ont l’idée d’inviter des célébrités à se déplacer avec elles d’îles en îles, afin d’organiser des événements autour du ramassage des déchets orchestré par la TSP. Plusieurs Miss Tahiti, les chanteurs Eto et Apatea Flores, ainsi que de nombreux artistes s’engagent à leurs côtés.
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« Pour que la population se rende compte de la quantité de déchets, on les trie par usage : les brosses à dent, les savates, les shampoings, les produits ménagers, les outils de jardinage, de pêche… On essaie de trouver par quoi on pourrait remplacer chaque objet. À la fin de l’opération, tout est rapatrié à Tahiti. Malheureusement tout ira à l’enfouissement, car c’est trop souillé. Le plastique se casse et n’est pas valorisable. »
La création de 'Āu'a Tahiti
Durant le confinement, Kihi Tuiho réfléchit à un moyen de valoriser la noix de coco et de proposer des bols comme alternatives aux contenants à usage unique.
« Le cocotier est utilisé principalement pour faire du coprah. Je ne trouvais pas normal de gaspiller ainsi notre richesse, alors qu’ailleurs le cocotier était valorisé sous différentes formes. Il fallait faire quelque chose, et le plus simple était de commencer par des bols coco. Plus tard, on aimerait fabriquer des isolants thermiques à base de fibres de coco. »
Kihi recherche des tutoriels sur internet, se forme auprès d’une entrepreneuse qui cesse son activité, rachète ses machines et échange des conseils pratiques avec des fabricants de bols coco d’autres pays. En novembre 2020, elle lance officiellement ‘Āu’a Tahiti avec son conjoint, Eriata Tefafano. Prism sélectionne leur projet pour intégrer son incubateur.
« La personnalisation des bols nous a fait décoller. Pendant un an, on mettait 20 minutes par bol, puis l’achat d’un nouveau graveur a permis de passer à 20 secondes. »
Vaisselle, couverts à salade, plateaux à sushis, dessous de bouteilles et de plats viennent compléter leur offre. L’atelier de Mahina est régulièrement ouvert au public.
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« Cette année, on veut davantage cibler sur les ateliers. Nous réfléchissons à des immersions en tahitien. De plus en plus d’écoles nous sollicitent pour montrer qu’il y a de la richesse chez nous. On peut faire des choses avec ce qu’on a à disposition ! »
Avec conviction, Kihi répète la réponse de son père, lorsque, plus jeune, elle lui demandait ce qu’elle pouvait lui rapporter de voyage : « On a tout ce qu’il faut ici. »
- DIREN : Direction de l’Environnement
- Les ambassadeurs de l’environnement : Une série de documentaires, diffusée sur Polynésie la 1ère, permet de suivre leurs actions citoyennes et de toucher un plus large public. Cette année encore et jusqu’en mars 2026, les ambassadeurs de l’environnement sillonneront 18 îles des Tuamotu, des Australes et des Marquises.
Laetitia D’Hérouville
Rédactrice
©Photos : Laetitia D’Hérouville & Kihi Tuiho pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES
Pour plus de renseignements
'Āu'a Tahiti
- Pour connaître les dates des prochaines immersions coco, rendez-vous sur leurs réseaux sociaux. L’inscription est obligatoire.