Ça roule pour Kylie !
Elle est l’une de nos grandes championnes sportives, fierté du fenua et reine dans sa discipline : le cyclisme. Kylie Vernaudon, jeune maman de cinq enfants, accorde une place essentielle au vélo, sa passion et son échappatoire en marge de ses responsabilités familiales et professionnelles. Femmes de Polynésie est allé à la rencontre de cette maman championne hyper active.
LE SPORT DANS LES GENES
Issue d’une grande famille de sportifs, entre un papa champion de moto cross, des tontons et des frères champions de cyclisme, la petite Kylie de 13 ans, admirative de toute sa famille, n’a eu d’autre choix que de développer cette passion et se lancer à son tour dans le sport.
« Je ne me voyais pas monter sur un vélo. Pour moi, le cyclisme était un sport typiquement masculin, mais j’ai relevé un défi »
Un jour, elle se permet de dire innocemment à son oncle dont elle est la plus grande fan, qu’elle ne le trouve pas au mieux de sa forme. La réponse est simple et catégorique : « Monte sur un vélo, et tu verras ce que ça fait ! ». Une semaine plus tard, elle participait à sa première compétition, sans entraînement au préalable : une course de trente kilomètres sur la côte Ouest de Tahiti, avec le vieux vélo de son frère – pas adapté, trop lourd et beaucoup trop grand. Elle est loin d’arriver dans les premiers, mais elle a compris la leçon de son oncle.
« Après cela, je ne suis plus jamais descendue d’un vélo »
Cela n’a pas été forcément le coup de foudre, mais plutôt une volonté indéfectible qui pousse Kylie à se surpasser, encouragée par toute sa famille, dont le tonton qui a été épaté de la voir relever ce défi.
PREMIERE VICTOIRE
Et c’est cette même année, 1998, quelques mois après sa première course, que Kylie remporte sa toute première compétition, avec une arrivée au sommet du Tahara’a, qui n’est autre que le Championnat de Polynésie ! A 13 ans elle devient championne de Polynésie, devant des femmes de plus de 30 ans !
Kylie décide de continuer dans le cyclisme alors qu’elle entre dans l’âge de l’adolescence, entourée de ses copines qui aiment faire la fête et sortir. Elle ne dévie pas de sa passion et de ses objectifs et s’impose une discipline stricte avec une règle d’or sur le conseil de son père : ne pas sortir les 2 soirs précédant une compétition et se reposer.
« J’essaye de progresser non pas dans la souffrance, mais dans le plaisir de ma passion »
C’est sa grand-mère qui lui offre son tout premier vélo de compétition, les 4 suivants aussi d’ailleurs. Ce vélo fait toute la différence, car elle peut l’ajuster par des micro-réglages pour améliorer ses résultats et sa performance. Et ça paye, puisque les courses se multiplient et Kylie commence à cumuler les victoires et les titres de championne de Polynésie. Elle dédiera chacune de ses victoires à ses grands-parents, qui ont été des moteurs pour elle, ainsi que ses plus fidèles supporters.
LES JEUX DU PACIFIQUE
A 18 ans, Kylie doit passer son Bac mais n’a qu’une idée en tête : les Jeux du Pacifique à Fidji ! Elle révise mais se consacre toujours énormément au vélo, elle aimerait ramener une médaille à la Polynésie. Nous sommes alors en 2003, et seule une équipe féminine composée de 3 cyclistes représente cette discipline, faute de participants du côté masculin.
« Il y a trois épreuves et on attaque par un contre la montre, exercice que je n’apprécie pas beaucoup. »
Kylie n’affectionne pas le contre la montre, elle préfère les courses collectives avec une stratégie, des attaques. Elle réalise le 4ème temps et se retrouve au pied du podium. La 2ème course se fait sur 60 kilomètres avec des montées, ce que Kylie adore, mais un guidon mal serré la handicape et elle n’obtient « que » la médaille de bronze -tout de même la première médaille polynésienne.
La médaille d’or, elle la décroche le lendemain, sur un circuit, avec des spectateurs, et une arrivée au sprint. Une belle victoire quelques jours après ses 18 ans. Et à son retour au fenua, elle est félicitée lors d’une cérémonie à l’Assemblée de Polynésie, en présence du président Jacques Chirac, en visite officielle à ce moment-là.
UN BREAK POUR SE CONSACRER A SON RÔLE DE MAMAN
En parallèle de sa passion pour le sport, Kylie a fondé une famille. Et quelle famille ! On a du mal à croire que cette jolie jeune femme est maman de cinq enfants, dont des jumelles. Ses enfants sont son moteur dans la vie, sa force. Maintenant qu’ils ont un peu grandi, elle peut se permettre de reprendre les compétitions.
Le vélo, elle en a besoin pour se ressourcer. Après avoir essayé plusieurs clubs, elle choisit le Vélo Club de Tahiti (le VCT) qui organise la désormais fameuse Ronde Tahitienne. Cette course mixte lui permet de se confronter aux hommes. Elle remporte la 18ème place sur plus de 300 cyclistes, mais 1ère place féminine successivement en 2018 et 2019.
En parallèle, Kylie inscrit ses enfants au triathlon, et, pour leur montrer qu’elle en est capable, elle s’y met aussi, malgré une crainte viscérale de la mer. « Je surmonte ma peur de l’eau et je m’essaye au triathlon à travers le X-Terra ». Là aussi, elle relève le défi et intègre le club des Vahine Tri, où elle se retrouve au milieu de femmes qui, comme elle, sont des mamans actives avec une vie à 100 à l’heure.
Avec le triathlon, elle peut pratiquer un sport où elle ressent moins de pression, où elle n’a rien à prouver. Ce qui ne l’empêche pas en 2018 de terminer 3ème femme en amateur et 1ère dans sa catégorie d’âge, et se retrouver ainsi qualifiée pour les championnats du monde à Maui (Hawaii)! Elle y participera en individuel et terminera 89ème au général et 15ème dans sa catégorie sur 300 compétiteurs.
Malgré ces performances remarquables, Kylie a besoin de se consacrer davantage à sa famille. Elle se souvient, pendant le championnat du monde de l’an dernier, avoir manqué le cross scolaire de ses trois filles, et a pu le suivre depuis l’aéroport de Honolulu grâce à une vidéo live. Une maman en pleurs, loin de ses filles mais tellement fière d’elles, puisqu’elles remporteront toutes les trois une belle médaille.
« Il n’y a pas assez d’heures dans une journée »
La famille reprend donc une place centrale dans les priorités de Kylie, qui veut être présente au maximum dans la vie de ses enfants et de son époux. Elle se réserve 2 heures par semaine rien que pour elle, pour s’évader sur son vélo, avec son casque et sa musique.
LA CONDITION FÉMININE DANS LE SPORT
Lorsqu’on aborde avec Kylie la question de la place des femmes dans la société polynésienne, elle évoque sans hésiter une différence de traitement par rapport à la gente masculine, et ce sur beaucoup de plans.
« A la Taaone Race, course mixte, il y avait des récompenses en argent, qui sont inférieures de moitié pour les femmes, alors qu’on paye la même inscription que les hommes et que l’on fait le même parcours. »
Même remarque pour le traitement de l’information dans les médias locaux :
« On a parlé de l’équipe vainqueur hommes et pas un seul mot sur les femmes. Dans les journaux on a parfois deux pages détaillées sur la compétition hommes et juste une phrase finale pour dire en trois mots qui est la gagnante »
Idem pour le Trophée des Vahine qu’elle a remporté … « C’est la 1ère fois qu’est organisée une course cycliste à étapes exclusivement réservée aux femmes, avec un maillot de leader à remporter au général au terme des 3 jours de compétition …et…malheureusement, pas un seul journaliste présent alors que l’événement a attiré presque 30 femmes soit 6 fois plus de participantes que sur les compétitions hebdomadaires du dimanche ! »
Kylie conclut notre entretien par :
« Les femmes ne demandent pas la gloire, elles veulent simplement obtenir l’équité et être reconnues à leur juste valeur ».
Laurent Lachiver
Rédacteur web
© Photos : Laurent Lachiver, Kylie Vernaudon