Avaro Neagle, manager pour sportifs et artistes
C’est un métier unique en Polynésie dont nous vous parlons aujourd’hui : celui de manager de sportifs et d’artistes, dans lequel Avaro Neagle s’est lancée seule depuis quelques mois. Elle raconte à Femmes de Polynésie son parcours original et comment une polynésienne s’est engouffrée dans cette brèche qui la passionne.
Très tôt, à l’adolescence, Avaro a appris à être autonome et se débrouiller toute seule. Elle passait beaucoup de temps à lire, ne disposant pas des possibilités actuelles d’internet, et sa soif d’apprendre pouvait ainsi être satisfaite.
« Une révélation de ma jeunesse : le karaté »
Alors qu’elle est déjà très fan des films de Bruce Lee, de Jean-Claude Van Damme ou de Chuck Norris, elle tombe en arrêt devant une affiche vantant les mérites de cours de karaté. Cela lui convient très bien, elle qui s’imaginait bien plus en super héros qu’en princesse. Au prix d’efforts sur l’entraînement physique et la nutrition, tout s’enchaîne et elle devient ceinture noire allant même jusqu’à représenter la Polynésie aux Océania.
Un sport qui lui a permis de mûrir, reconnait-elle aujourd’hui. Avec sa volonté farouche de toujours s’améliorer, Avaro entend parler pour la première fois de coaching. Elle se documente par de nombreuses lectures sur le sujet. Mais il va y avoir une pause dans sa carrière de karateka.
LES ETUDES, L’ARMEE…
Entraînée dans le courant des préoccupations de la jeunesse, Avaro multiplie les soirées entre copains. Elle finira par décrocher son Bac, à la troisième tentative après deux échecs. Elle persévère grâce au soutien de sa famille. Puis ce sera l’armée dans laquelle elle s’engage à l’école militaire de Saint-Maixent L’école où elle fait ses classes en plein hiver ce qui lui permettra de devenir sous-officier.
« Je choisis une branche que j’estime être pleine d’avenir : les télécommunications »
Réfléchissant aussi à son avenir professionnel, elle fait le choix de la branche télécommunications, et plus précisément la technique des installations d’antennes. Après cinq années, le temps est venu de rentrer au fenua.
« Je devais retrouver mes racines… la France m’avait pompé toute mon énergie »
L’appel des racines était plus forte que tout, la Polynésie manquait trop à Avaro qui revient donc au fenua avec la volonté de faire fructifier le savoir acquit pendant cinq ans à l’armée. Ses compétences étant très techniques et spécifiques, c’est auprès de l’OPT qu’elle obtient un poste. Mais elle sait qu’elle peut encore s’épanouir davantage dans ce secteur effectivement plein d’avenir et elle tente à nouveau l’expérience en métropole où elle obtient un poste dans le Sud de la France, à Marseille, avec une zone de travail s’étendait sur toute la région Méditerranée.
« Quand je sais ce que je veux, je me donne les moyens pour y arriver »
Quand de nouveaux challenges se présentent, Avaro n’hésite pas et fonce pour relever les défis. Au bout d’un mois, elle décroche un CDI à Marseille où elle passera quatre ans. C’est à cette époque qu’elle rencontre Flore Hani (1), future championne de MMA. Son travail la pousse à évoluer dans un univers exclusivement masculin où elle passe la majorité de son temps sur des poteaux.
« Le sport commençait à me manquer. »
Avaro n’oublie pas sa passion du sport. Elle rejoint une équipe marseillaise de va’a. Mais les arts martiaux lui manquent. Elle commence à lorgner du côté du MMA qui l’intéresse, mais ce sport est toujours considéré comme illégal en métropole.
UNE AUTRE FAÇON D’ABORDER LE SPORT
C’est alors qu’elle devient amie avec une championne de Karaté qui a été championne d’Europe et championne du Monde. Avaro s’intéresse à la préparation de la karatéka de haut niveau. Elle lui propose d’être sa coach mental. Elle comprend à travers son amie que les sportifs ont besoin d’être aidés, accompagnés, écoutés.
Et Avaro estime qu’elle a naturellement ce don d’empathie. Sauf qu’on ne s’improvise pas coach mental et qu’il faut quand même des outils. Elle trouvera les méthodes et les outils auprès du coach de Florent Manaudou et Camille Lacour avec qui elle s’entend parfaitement immédiatement et qui allait devenir son mentor, lui donnant les bases et les rouages du coaching mental de sportifs.
« Je rentre au fenua et je veux en faire mon métier. »
Avec son amie Flore, elle rentre au fenua, et Avaro connait une période de transition où elle partage son temps entre un nouveau poste dans la téléphonie et le management de Flore. C’est ici qu’il faut s’attarder sur les termes de coaching et de management. En effet, Avaro insiste sur le fait qu’elle n’est pas coach. Un coach c’est le préparateur physique, l’entraîneur du sportif. Alors que le manager c’est celui (ou celle) qui s’occupe de la carrière du sportif, qui gère son planning, ses compétitions, qui trouve des rendez-vous, qui négocie avec les sponsors.
2018, LE GRAND SAUT
À force d’entendre dans son entourage qu’elle est faite pour être manager, Avaro décide de changer sa vie et de se consacrer, à temps plein, au management de sportifs mais aussi d’artistes. Certes, elle gagne moins bien sa vie que dans un poste de technicienne télécom, mais elle vit sa passion, et c’est le plus important. Tahiti Sports Management était né.
« J’ai des projets pour cette profession.»
Comme souvent en Polynésie, c’est le bouche à oreille qui est très bénéfique à Avaro dont les talents et la réputation se font connaitre dans le milieu sportif mais aussi artistique. C’est avec un petit sourire qu’elle évoque le film « Jerry Maguire » où Tom Cruise campe un agent sportif, cette profession étant répandue aux Etats-Unis.
Elle n’a aucune véritable concurrence dans cette activité mais aimerait susciter des vocations, et même organiser la profession en imposant une sorte de charte déontologique pour qu’il ne se fasse pas n’importe quoi et pour que les artistes et les sportifs ne soient pas abusés. Elle aimerait que le métier soit reconnu auprès du SEFI, qu’il y ait des formations pour l’apprendre.
Son activité est aujourd’hui multiple et, outre la gestion de l’image et de la carrière de ses clients sportifs et artistes, elle peut également par exemple faire l’audit d’un club pour gérer sa communication ou participer à son développement.
Elle peut également aider aussi des fédérations et des associations. Avaro est l’exemple de la polynésienne qui a été au bout de ses rêves, sans copier personne, agissant en pionnière dans un secteur qui n’existait pas au fenua. Quand on découvre sa motivation, son sérieux et ses intonations passionnées, on est vite convaincus que le succès sera au rendez-vous et que nos artistes et sportifs locaux trouveront une excellente manager.
(1) voir portrait dans Femmes de Polynésie Flore Hani
Laurent Larchiver
Rédactreur web
© Photos : Laurent Larchiver, Avaro Neagle