Alexandra Caldas : ramer pour le don d’organes et vers ses rêves
À l’aube de la onzième année depuis sa greffe de poumons, Alexandra Caldas réalise l’un de ses nombreux défis : le raid solidaire « Rame avec Alexandra ». Ralliant la Pointe Vénus aux hauteurs de Vaitavere, ce raid a rassemblé 350 personnes autour de deux causes : le don d’organes et la sensibilisation à la mucoviscidose, maladie avec laquelle elle compose depuis toujours.
Elle revient pour Femmes de Polynésie sur son parcours de vie, caractérisé par une volonté inébranlable d’aller toujours plus loin.
DE NOUVEAUX POUMONS, UNE NOUVELLE VIE
La jeune femme de 27 ans ne peut nous parler d’elle sans parler de sa maladie, la mucoviscidose*, qui occupe une place immense dans sa vie. Elle évoque notamment certains gestes du quotidien, qui, auparavant, étaient pour elle de réelles épreuves.
« Je ne pouvais pas me brosser les cheveux ou me maquiller. Même manger ou me brosser les dents étaient des gestes très fatigants. Car quand notre capacité respiratoire est limitée, chaque effort devient difficile. »
Sa vie change considérablement en 2012, lorsqu’elle reçoit à seize ans une greffe de ses deux poumons. Sa capacité respiratoire, qui était alors de seulement 13 %, est passée à 70 % à la suite de l’opération.
« La greffe, c’est un changement de vie radical, une nouvelle maladie qu’on apprivoise. Il a fallu trois ans pour que mon corps accepte pleinement ces nouveaux organes. Et depuis, ma vie a radicalement changé. »
Impatiente de profiter de ce nouveau souffle de vie, Alexandra Caldas se remet au sport et court à pleins poumons, avide d’aventures.
IMPATIENTE DE REALISER SES RÊVES
Malgré sa maladie, la jeune femme a toujours eu le regard rivé vers l’avenir, un futur empli de rêves et de promesses faits à elle-même.
« Je me suis fait des promesses quand j’étais petite, des rêves que j’ai écrits sur une liste. J’essaie de les réaliser au fur et à mesure. Je me suis promis de passer mon baccalauréat, parce qu’on m’avait dit que je ne dépasserai sûrement pas l’âge de 17 ans. Et finalement, j’ai réussi, je l’ai eu et j’ai continué. »
Ses objectifs de vie, elle continue à les réaliser l’un après l’autre. Elle obtient son Master 1, son Master 2, puis entre dans la vie active. Certaines cases sont cochées, sa liste quant à elle ne cesse de s’allonger, comptant des défis de plus en plus grands.
« Avec le temps, je me suis lancé des défis et le premier a été de voyager, chose que je pouvais difficilement faire avant. »
2017, LE DÉBUT D’UNE BELLE AVENTURE
Contrainte à passer beaucoup de temps en milieu hospitalier depuis l’enfance, la jeune femme tisse des liens avec ses soignants, qui deviennent sa deuxième famille. Elle développe notamment un lien très fort avec son kinésithérapeute, Matthieu, qu’elle appelle affectueusement « son binôme de vie ». C’est Matthieu, venu habiter en Polynésie l’année de son opération, qui la guidera en 2017 vers nos îles pour son premier défi « Rame avec Alexandra ».
« Pour célébrer mes 17 années de vie avec la mucoviscidose, il m’avait mise au défi de rallier Tahiti et Moorea à la rame, représentant une distance de 17 km. »
Un défi qu’elle relève sans hésitation mais auquel elle souhaite donner une dimension collective et symbolique.
« Ma première volonté était qu’on soit ensemble, avec des personnes qui sont soit en attente de greffe, soit qui ont été transplantées des reins, car en Polynésie c’est la seule greffe effectuée. L’aventure a commencé comme ça. »
C’est donc accompagnée de 50 personnes, dont les dialysés de Raiatea, qu’Alexandra rejoint l’Île sœur à la rame depuis Tahiti. Elle réitère ce défi en 2019 en suivant les traces de la course mythique du Hawaiki Nui Va’a.
UN LIEN INEXPLICABLE AVEC LA POLYNÉSIE
Et cette aventure, humaine avant tout, provoque des rencontres, qui la lient à la Polynésie.
« J’ai rencontré Francis Gazeau, seul transplanté cardiaque de Polynésie, qui œuvre localement pour la sensibilisation au don d’organes. J’ai également rencontré Terry Haymes, atteint de mucoviscidose, qui est aujourd’hui un ami. Je suis liée à la Polynésie d’une manière assez inexplicable. »
Elle profite de chacune de ses venues pour sensibiliser la population, particulièrement les jeunes, au don d’organes, et à la façon dont ce geste peut impacter la vie d’autrui.
« Lorsque j’interviens dans les écoles, je n’incite pas à donner ses organes car j’étais la première à être insensible à la cause avant d’en avoir besoin. J’incite simplement à en parler car c’est important, j’essaie de faire prendre conscience du fait que ça peut réellement changer la vie de quelqu’un, à l’instar de la mienne. »
2023, UNE 3ème ÉDITION EMPLIE DE SYMBOLIQUES
La solidarité était bel et bien le maître mot de l’événement dont les recettes ont été équitablement reversées à deux associations, qu’elle n’a pas choisies au hasard. L’association « Rame avec Alexandra », qu’elle représente, œuvre pour la sensibilisation à la mucoviscidose et au don d’organes. L’association locale « Un Don de Vie » est vouée à informer et sensibiliser au don d’organes et à la greffe en Polynésie Française. Une collecte de don est d’ailleurs en cours via la Fondation Anāvai.
« Ce raid est empli de symboles, au point où j’avais du mal à y croire. Terry a participé, ce qui était très important pour moi. Les Amazones étaient présentes ainsi que les dyalisés de Raiatea. C’était aussi un clin d’œil à l’association Un Don de Vie, qui célèbre ses 10 ans. Même le Président, M. Brotherson, a participé à distance. »
Malgré son énergie débordante, Alexandra nous confie, contre toute attente, ne pas avoir pu se préparer physiquement à ce défi sportif.
« En 2019, j’ai fait un rejet. Ensuite, j’ai eu le covid trois fois dont j’ai mis beaucoup de temps à me remettre. J’ai eu de gros problèmes articulaires qui m’ont empêchée de marcher pendant plusieurs mois. Donc ce raid a été fait avec beaucoup de difficultés au niveau de ma santé, mais il a été réussi. »
La jeune femme a alors puisé sa force au sein de l’énergie folle qui l’entourait.
« Je puisais l’énergie, le mana, et je repartais. Bien sûr, après, il m’a fallu quelques jours pour reprendre des forces (rires). »
Avant de mettre le cap sur l’île sœur, elle nous transmet le message qu’elle véhicule aux enfants à chaque rencontre. Des mots ancrés dans l’avenir.
« J’ai souvent dit qu’on pouvait rendre l’impossible possible. Aujourd’hui, je dis simplement qu’il faut croire en ses rêves, parce qu’on peut réellement les atteindre en s’en donnant les moyens. Ce sont des petits challenges au quotidien qui permettent d’accomplir de grandes choses. »
* Mucoviscidose : une maladie génétique héréditaire caractérisée par l’épaississement des sécrétions de plusieurs organes, essentiellement les poumons et le pancréas, ce qui altère leur fonctionnement.
Rédacteur
©Photos : Hina Teata-Carreel et Alexandra Caldas pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES