Tiare Grand, une destinée en cadence
Tiare Grand n’a jamais rien connu d’autre que la danse, n’a jamais voulu dévier de cette existence rythmée par la passion. Femmes de Polynésie part à la rencontre de cette vahine qui traverse la vie avec hardiesse. Bercées par les derniers rayons du soleil, nous l’écoutons se confier sur son parcours.
LA NAISSANCE D’UNE FLEUR LIBRE
La jeune femme initie ses premiers pas sur l’île de Tahiti. Ses jeunes années se déroulent auprès de sa famille, plus particulièrement sa grand-mère, dont elle est très proche. L’enfant joyeux se révèle jusqu’à ce que sa mamie quitte ce monde, laissant sa mo’otua inconsolable. Sa tante, pour lui remonter le moral, décide de l’emmener voir un film de danse au cinéma. C’est le déclic.
« Je suis sortie de la salle en me disant : « je veux faire ça » et après, je dansais seule dans ma chambre. Au début, je gardais ça pour moi puis, finalement, j’ai demandé à mon père de m’offrir des cours. »
Tiare se découvre à travers la danse et les sonorités nouvelles que lui apportent le hip-hop. Elle bourgeonne et éclot avec grâce, valsant au gré de ses émotions, se laissant emporter par le courant tumultueux de la musique sous ses pas.
« La danse, ça m’a apporté de la confiance. J’étais une petite fille timide et le fait de danser, de passer tellement d’heures à travailler, ça te donne envie de le montrer autour de toi. »
DANSER, SINON RIEN
Pour elle, c’est décidé : elle en fera son métier, quoi qu’il en coûte. Mais sa famille ne voit pas ce choix d’un œil conquis et tente de l’en dissuader.
« Au départ, c’est la peur de n’importe quel parent, ils craignaient que je ne puisse pas subvenir à mes besoins. Mon père ne comprenait pas que je veuille faire ça tout le temps. Il voulait que je trouve un vrai travail. Le jour où j’ai su qu’il avait compris, c’est lorsqu’il m’a payé un voyage d’une semaine pour que j’aille dans une école de danse à New York. Maintenant, ma famille sait que ça me rend heureuse et elle me soutient. »
Les années s’écoulent et Tiare vit pour la danse, danse pour vivre.
« Un jour, peut-être que je ferais autre chose. Mais seulement si je n’ai pas le choix. Ma deuxième passion, c’est la mode. Ce serait un rêve de cumuler les deux ! »
TRANSMETTRE SA PASSION
Aujourd’hui âgée de 26 ans, elle donne des cours de hip-hop dans le centre de danse Vanessa Roche. Elle réalise elle-même les chorégraphies qu’elle enseigne aux enfants, une nouvelle aventure qui n’est pas sans embûches.
« Le plus gros challenge c’est de me dire que je fais ça pour eux et pas pour moi. Je suis tellement passionnée, forcément je veux toujours plus. Mais il faut aller à leur rythme, ne pas les brusquer. »
Car si vivre de sa passion est déjà un rêve accompli, Tiare sait que le chemin vers l’accomplissement de soi n’est jamais terminé.
« Je suis professeure, j’en vis, mais j’ai encore beaucoup à apprendre. »
PLUS FORTS, ENSEMBLE
Grâce à la danse, Tiare s’est trouvée elle-même, mais elle a également rencontré une famille. Celle que l’on choisit, celle qui nous rejoint par le biais d’intérêts communs, de feux qui brûlent de la même ardeur.
« Avec mon fiancé, on s’est rencontrés comme dans les films de danse, en battle. »
Avec son conjoint, Chad Poroi (danseur professionnel), et d’autres amis, ils ont monté la troupe Ori’Gin. Ils sont cinq jeunes débordant de créativité et d’idées nouvelles. Collectivement, ils ont créé l’association Culture Hip Hop Polynésie, qui a pour but de dénicher de jeunes talents, de les aider à se tourner vers l’extérieur, à s’exporter.
« Je pense qu’il y a un manque de transmission. La danse hip-hop est devenue académique, ce n’est plus un truc qu’on apprend dans les quartiers. Il y a des jeunes qui ont envie, qui ont les capacités mais pas forcément les moyens. Dans ma génération, on n’est pas beaucoup de danseurs. Je rêve que des plus jeunes nous rejoignent. »
Tiare Grand n’est pas à court de projets, ni d’ambitions. La danse l’aura menée à trouver l’amour, à forger des amitiés fraternelles. Elle représente son art pour des évènements à rayonnements internationaux. On a pu l’apercevoir aux côtés de la danseuse Kat Renardo lors du passage de la flamme olympique. Qui sait ce que l’avenir lui réserve. La seule certitude étant que cela se fera en s’exprimant au rythme de la musique, sa destinée en cadence.
Rédactrice
©Photos : Cartouche et Tiare Grand pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES