Thanh Do réveille les papilles avec CocoTouch
Impossible de manquer son sourire dans les allées du marché dominical de Papeete… D’origine vietnamienne, Thanh Do décline depuis quatre ans une gamme de produits locaux à base de coco, mais aussi de ΄uru, de patate douce et de taro. Pour Femmes de Polynésie, cette ancienne ingénieure contrôle qualité et hygiène en agroalimentaire nous parle de son parcours et de ses différentes actions pour limiter l’impact environnemental de CocoTouch.
Cultiver son propre fa΄a΄apu
En arrivant à Tahiti il y a une dizaine d’années, Thanh Do découvre une nature luxuriante qui lui donne l’envie de cultiver son propre fa΄a΄apu. Plantes médicinales, aromatiques et arbustes achetés à la foire agricole viennent alors peupler son jardin et la nourrir quotidiennement. Elle commence à chercher des recettes et à cuisiner pour ses proches. Sa manière de consommer change radicalement.
« J’apprends à cuisiner en échangeant avec les copines qui sont là depuis longtemps. Toute l’année, le climat nous offre tellement de bonnes choses. Ici, on n’a même pas besoin d’acheter des graines, ce sont les oiseaux qui sèment. Tout pousse facilement. C’est très différent du Vietnam où les ressources sont rares. Là-bas, je passais 12 heures à l’usine, et rentrais à la maison uniquement pour dormir. Je ne mangeais que des produits transformés. »
Participer au made in fenua
En cherchant une activité professionnelle, elle s’oriente naturellement vers sa nouvelle passion, la cuisine, et réfléchit à une manière de valoriser des aliments locaux.
« J’ai vu qu’il y avait plein de noix de coco qui tombaient. À l’époque, elles pourrissaient sous l’arbre sans que personne ne les ramasse. Je me suis dit : “Je vais commencer par faire un pot confit pour manger avec les copines”. Ça a beaucoup plu. Petit à petit, j’ai fait goûter à plein de monde et une copine qui tient une boutique m’a proposé d’en vendre, car il n’y avait pas ça sur le marché. »
Lorsqu’elle se renseigne pour ouvrir une patente, la Chambre de Commerce, d’Industrie, des Services et des Métiers (CCISM) s’intéresse immédiatement à son projet.
« Quand je suis allée là-bas, ils m’ont dit : “C’est trop bien ce que tu fais. Au lieu de faire un tout petit peu pour le magasin, tu pourrais faire un peu plus pour les gens qui en veulent”. Pendant deux ans, ils m’ont donné une petite subvention pour acheter deux, trois machines. Je n’avais pas d’excuse pour ne pas me lancer. »
Une démarche d’écoproduction
Sa marque créée, CocoTouch, Thanh Do investit dans deux déshydrateurs et un robot de cuisine. Son passé d’ingénieure dans l’industrie alimentaire l’aide à gérer sa production. Elle adapte ses recettes en fonction des saisons. À ses immuables crackers et copeaux de coco déshydratés, s’ajoutent d’autres produits locaux selon les récoltes : chips de ΄uru, de taro, de patate douce ou même de banane. Consciente de son empreinte écologique, elle agit à son échelle contre toute forme de gaspillage.
« L’idée, c’est de faire quelque chose qui ne pollue pas. J’ai installé 20 panneaux solaires sur le toit de ma maison : toutes les machines sont alimentées avec le soleil. Je travaille au maximum quand il fait très beau. Comme ça, je ne consomme pas d’énergie fossile. J’utilise tout dans la noix de coco. Quand je casse bien la coque, je la donne aux gens qui plantent des semis au marché, et qui vendent leurs plantes dedans. C’est propre, c’est costaud et ça évite d’utiliser les pots en plastique. Les épluchures des fruits et légumes retournent au jardin comme engrais. »
Pour elle, cette approche s’invite jusque dans notre assiette…
Des produits moins sucrés
N’aimant ni le sel ni le sucre, elle réduit toujours plus leur utilisation dans ses recettes, en veillant à préserver le bon goût de ses produits.
« En ce moment, j’ai arrêté les bonbons coco, car je réfléchis à une recette encore moins sucrée. Tous mes autres produits sont à moins de 20 % de sucre. Quand je consomme trop de sucre, je ne suis pas bien. Le foie travaille trop. Ce n’est pas un poison, mais il ne faut pas en abuser. »
Le goût des autres
Dans la vie quotidienne, Thanh aime aller à la rencontre de l’autre et transmettre sa passion. Sa générosité et sa simplicité lui fraient un chemin partout où elle va.
« Une fois, je suis passée sur le marché et j’ai fait cadeau d’un sachet à la mamie qui vend les œufs, car elle est gentille et me parle toujours quand je passe. Elle m’a dit : “C’est trop bon ! Viens à côté de moi pour vendre ce que tu fais” ! Le marché m’a apporté le petit équilibre qui me manquait pour bien vivre. Il y a vraiment une bonne ambiance. Les gens sont sympas. On partage nos expériences. C’est comme une grande famille. On sent que chacun y a sa place et je me sens adoptée. »
C’est dans ce cadre-là que le responsable d’achat d’un grand hôtel de Tahiti découvre son travail. Chaque semaine, il lui commande des sachets pour les offrir à ses clients.
Le succès ne lui fait pas tourner la tête pour autant. Dès qu’elle le peut, elle continue de « donner un petit coup de pouce aux copines du marché ». Elle suggère à celle qui vend des patates douces, de réaliser aussi des chips pour mieux gagner sa vie, et partage volontiers ses secrets de fabrication.
Avant de nous quitter, Thanh livre spontanément sa philosophie de vie :
Laetitia D’Hérouville
Rédactrice
©Photos : Laetitia D’Hérouville pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES