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    Romanella, fédérer les agricultrices biologiques

    Publié le 20 mai 2022

    Union des Femmes francophones d’Océanie en partenariat avec Femmes de Polynésie, vous invitent à la 7e édition de la journée « Vahine, Tu as des talents ». Le 20 mai, 8 Poerava seront distinguées parce qu’elles sont inspirantes. Les jardins de l’assemblée de la Polynésie française serviront d’écrin à cet événement. Son but : promouvoir l’autonomisation des femmes polynésiennes en les encourageant dans leurs initiatives économiques, sources d’indépendance financière et de réalisation personnelle. En clair à se prendre en main…

    Romanella Constant née Ehu est nominée Poerava pour son investissement remarquable dans l’agriculture biologique et pour son énergie à fédérer les autres femmes agricultrices des Iles Sous le Vent autour d’une même vision écologique : manger sainement, appréhender autrement la nature et même sa façon de vivre.

    Romanella a grandi dans la nature de la vallée de Hurepiti à Tahaa où son père Rollon Ehu était responsable du service de l’agriculture. Son bac en poche a 16 ans, elle est institutrice suppléante à Uturoa puis surveillante au collège jusqu’en 2003. Son mari a une ferme perlière et elle décide de fabriquer des bijoux en perles pour être plus disponible pour élever leurs trois enfants. Mais victime d’un cambriolage qui la plonge dans une déprime profonde, elle cherche sa voie tout en vendant le poisson pêché par son époux devenu pêcheur professionnel par passion.

    Un jour en 2016, ses proches sollicitent, en son nom, une aide du service de l’agriculture pour aménager une terre agricole proche devenue accessible par des travaux récents. Surprise, ébranlée même, ses souvenirs d’enfants lui reviennent en mémoire : la pêche aux chevrettes, les animaux qu’il faut nourrir tous les jours après l’école, les fruits à récolter au fond de la vallée… L’aide de l’agriculture est obtenue et la drague fait disparaître la brousse pour laisser apparaître une belle terre noire qui n’avait jamais été cultivée.

    « La première fois que j’ai foulé cette terre, j’ai enlevé mes chaussures et j’ai marché pieds nus pour la ressentir, m’en imprégner, l’apprivoiser, faire corps avec elle ne sachant pourtant pas où j’allais ni par où commencer. Mais j’ai eu conscience que je pouvais cultiver et qu’une nouvelle vie commençait pour moi. »

    Le soutien de la direction de l’agriculture a été déterminant pour l’orienter dès le départ vers l’agriculture biologique, car cette terre était vierge, pour la mettre en relation avec d’autres agriculteurs, des techniciens, pour lui permettre de suivre des formations.

    « De 2016 à 2019, j’ai fait mon chemin, j’ai planté des arbres fruitiers, installé un petit élevage de cochons, j’ai appris à fabriquer du compost, à faire du miel. Je voulais développer progressivement mon exploitation, en maîtrisant les techniques à mon rythme. »

    Aujourd’hui, Romanella vend son compost, ses citrons, son miel et des rejets de vétiver. Elle prend grand soin de ses cochons, car ils lui permettent de faire du bon compost ! Les chevaux, en pension, entretiennent autour des arbres fruitiers. Et elle a obtenu sa certification grâce au formidable réseau SPG bio Fetia qui organise des formations et permet de s’entraider. Heureuse sur sa montagne, avec une belle vue, elle affirme :

    « Mon fa’a’apu c’est mon bureau, ma thérapie ! »

    Entourée d’hommes pour l’essentiel, elle a pris conscience que « l’agriculture c’est aussi pour les femmes » et a investi les réseaux sociaux, créant sa page : Le faaapu de Roma  où elle partage ses expériences.

    « Petit à petit j’ai fédéré d’autres femmes surtout de Raiatea et la pandémie nous a rapprochées. »

    Mettant ensemble leurs productions, elles ont proposé des paniers livrés chaque semaine. Aujourd’hui elles vendent leurs productions bio deux fois par semaine à Uturoa.

    « Il y a de la demande, on n’en a pas assez ! »

    Désormais, son souhait est de continuer à fédérer les femmes agricultrices des Raromatai, les aider à obtenir la certification bio, à s’adapter au contexte de chacune et de chaque île, à se former et à s’entraider.

    « Je n’ai pas de salaire, je ne cotise pas pour une retraite. Je suis devenue une influenceuse ! »

    Romanella se voit comme le colibri de Pierre Rabbi qui voulait éteindre le feu de la forêt avec sa petite goutte d’eau et rêve qu’à terme les Polynésiens se nourrissent plus sainement. Qu’ils retrouvent un nouveau rapport à la terre en la respectant, en vivant en communion avec elle, car nous ne sommes que des locataires de notre planète. Gageons qu’elle sera longtemps inspirante pour les autres !

    Béatrice Vernaudon

    Rédactrice

    ©Photos : Romanella Constant pour Femmes de Polynésie

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