Dorothy Levy, les racines du cœur
Dorothy Levy est une figure incontournable de Huahine. Connue pour son livre et ses livres avec Bobby Holcomb, elle est aussi la gérante et protectrice du « Fare Potee ». Elle partage avec Femmes de Polynésie ses convictions sur la préservation de la nature et de la culture.
Une utu painu qui a retrouvé ses racines
Dorothy est une « utu painu », une noix de coco venue de la mer qui a pris racine dans la terre de Huahine. Son accent est un doux mélange de Californie, de France et de Polynésie. Elle s’est installée à Huahine il y a 35 ans et n’a plus quitté cette île. À ses mots, à ses anecdotes, Dorothy est devenue une mémoire vivante de l’île : elle a planté « ses racines et fait fleurir son identité » sous le regard des habitants bienveillants et pour le bien-être de cette île à qui elle donne tout.
Dorothy gère le Fare Potee de Maeva, un site archéologique de Huahine où est reconstitué le faré d’antan et où les cultures piscicoles perdurent depuis des générations. Quand elle a décidé de participer à sa préservation, Dorothy a été consulter la communauté du village. Pendant la réunion, après que le chef religieux ait présenté son projet, un sage lui répond qu’elle peut commencer car c’est la première fois qu’une personne vient demander la permission…
« Je pense aussi que c’est parce que j’étais une femme qu’ils ont accepté… Ils ont vu que je respectais la vie et les traditions et ils ont été convaincus. »
La femme, la gardienne de notre société, gardienne de l’eau
Pour Dorothy, il y a toujours une femme derrière les grands moments de l’histoire de Huahine… Et aussi, au quotidien. « Les femmes polynésiennes portent cette élégance qui montre qu’elles ont des valeurs, qu’elles ont toujours ce sang royal qui boue au fond d’elles. Les femmes transmettent la beauté, la culture, la nourriture… » Elle pose son regard sur une femme qui se tient dans le fare avec sa fillette, elle admire toute cette force innée qui fait la grandeur discrète de la femme. Pour elle, la femme porte l’environnement, c’est une « gardienne ».
L’eau et la femme, pour elle, « c’est parfait. L’eau nourrit la terre, la femme est la terre nourricière. » Dorothy exprime une forme de croyance en toutes choses. Elle respecte les croyances polynésiennes, religieuses ou spirituelles. L’eau, me dit-elle, « quand on est du signe astrologique verseau, on essaie toujours de la chercher, de la rejoindre. » Pour Dorothy, seule l’eau calme et apaise. Sa conviction est de vouloir faire du bien à l’eau pour qu’elle fasse du bien à son environnement et aux hommes qui vivent et dépendent d’elle. Dans les yeux de Dorothy se transmet une sorte d’énergie et de conviction originale vouées au partage et à la générosité.
L’énergie sacrée, une autre ressource à protéger
Un autre signe de cette force qui agit sur le monde. Pour expliquer cette énergie sacrée qui circule, Dorothy raconte une anecdote qu’elle garde au fond de son cœur comme un témoin de l’extraordinaire solidarité qui lie les hommes. « Un jour, un moine tibétain est arrivé à Huahine, ce qui n’était pas commun ! » En visite à Maeva, il formule le souhait de prier pendant son séjour. Dorothy lui explique qu’il doit demander l’autorisation aux anciens. Elle prépare un bol qui symbolise la terre, le remplit d’eau qui représente la communauté et y place des bougies pour le moine. Le visiteur obtient l’approbation des sages et souhaite remercier Dorothy en lui accordant un vœu.
« Mon vœu, c’est de protéger la population de Huahine et c’est encore aujourd’hui, mon rêve… Je souhaite que ce village, mon village et cette île, mon île gardent les valeurs qui font son histoire, se souviennent de notre héritage sacré et restent solidaires. »
Céline Hervé Bazin
Rédactrice web
© Photos : Dorothy Levy et le site du Fare Potee de Maeva