Diana, à l’écoute de son cœur tout au long du chemin
Si la crise sanitaire est une épreuve pour beaucoup, elle l’est sans doute encore plus pour ceux dont l’énergie est concentrée sur la guérison d’un proche malade. À Paris depuis 3 mois, Diana TCHUNG – TERIIEROOITERAI est de celles dont les habitudes ont été non seulement bouleversées par la maladie, mais aussi par le confinement imposé. Femmes de Polynésie a voulu en savoir plus sur sa vie et son quotidien.
Une chinoise profondément polynésienne
« Je ne sais pas pourquoi, on me dit toujours que je suis différente d’une vraie chinoise. C’est peut-être l’empreinte que m’ont laissée mes parents fa’a’amu1 tahitiens ? »
Née à Papeete dans une famille chinoise, c’est au sein d’un foyer polynésien que Diana est élevée jusqu’à l’âge d’un an et demi. À l’abri d’une moustiquaire, sur son peue2, au milieu d’un champ de vanille et de café, elle grandit aux côtés de cette famille d’agriculteurs de la vallée de Mahaena. Sa vie l’emmène ensuite en plein cœur de Papeete, dans la maison familiale chinoise.
Diana, Jean Claude et une partie de la famille TCHUNG
« On vivait en communauté, parents, oncles et tantes dans une grande maison à étage en plein centre-ville. Il n’y avait pas de toilettes, mais des pots de chambre et des cabinets à la tahitienne avec trou et planche dessus. »
Au sein de cette grande famille, Diana fréquente l’école chinoise une année, reçoit une éducation traditionnelle chinoise, parle le hakka3, pratique les coutumes telles que le culte des anciens, le Ka San4. Sa mère, couturière, avait une petite boutique, pas loin du front de mer.
« C’était l’attraction quand les bateaux arrivaient de Moruroa. Ma mère était dévalisée avec les marins de passage qui gâtaient leur vahiné. Mon père, lui, travaillait pour une société de transit. »
Un esprit libre
Diana fait ses classes dans le privé, la Mission, AMJ, La Mennais, et obtient son bac d’éco gestion.
« Je voulais aller à Taaone faire un bac pro secrétariat, mais il était hors de question pour mon père que j’aille dans le public. J’ai donc fait gestion et compta à La Mennais, tout ce que je détestais. D’où je viens, on ne désobéit pas à son père, mais en dedans, je refusais le système. »
Avec des amies de l’association Vahine a rohi
Le frère Simon, directeur de La Mennais à l’époque, lui propose alors un poste d’enseignante.
» C’est comme ça que j’ai fait l’école normale pendant deux ans, ai enseigné pendant un an, mais je me suis rendue compte que ce n’était pas ma voie, au grand désespoir de mes parents. J’ai démissionné. »
Diana obtient alors un poste à l’OTHS, devenu plus tard OPH.
« C’est Edouard Fritch qui m’a embauché grâce à mon diplôme de compta. Haha, moi qui déteste la compta, au moins ça m’aura servi. J’y suis restée 2 ans et demi, mais ça ne m’a pas plu. Je suis partie. »
Diana et ses filles Rava et Mahine
Maman de trois enfants d’un premier lit, Diana choisit de rentrer chez TDF, entreprise aux nombreux avantages à l’époque, et prend sa retraite à 52 ans. Elle brave les moeurs de son milieu chinois et épouse son compagnon Jean Claude Teriierooiterai, un polynésien.
Ariitea, le fils de Diana et sa petite famille de Nouméa
Une retraite trépidante aux côtés de son mari
Diana et Jean Claude s’investissent alors activement au sein d’associations telles que Haururu5 et Faafaite6.
Sur la pirogue Faafaite
« C’est comme ça que j’ai pu partir en pirogue, naviguer avec les étoiles. Nous sommes allés aux îles Cook, Aitutaki, Rarotonga, Vanuatu, îles Salomon, la Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande, Hawaï, et dans beaucoup d’îles de Polynésie. »
Ils décident de passer la main après y avoir consacré beaucoup de temps et d’énergie. Lorsque Marguerite Lai fait appel à Jean-Claude pour l’écriture des Heiva du groupe « O Tahiti e », c’est à deux qu’ils répondent présent. Diana adhère aussi à l’association « Vahine a rohi » de Jeannette Boissin, où les femmes sont heureuses de se retrouver dans la bonne humeur, la joie de vivre, vêtues de robes locales et de couronnes de fleurs. C’est alors que la maladie de Jean-Claude fait son apparition.
« O Tahiti E », 1er prix dans la catégorie Hura Tau
L’évasane et le quotidien de la crise sanitaire à Paris
« C’est difficile car on nous a déménagé de notre hôtel en 24 heures alors que Jean Claude venait de subir une chimio. Le confinement, tout le monde le subit, on ne peut pas se plaindre. La CPS fait quand même du bon travail. »
Les malades polynésiens et leurs accompagnants sont regroupés dans deux hôtels. Le courage est de mise. Cela fait plus de deux ans que certains parents d’enfants malades en bas âge sont loin du Fenua. Beaucoup ont quitté pays, famille, emploi, mais gardent l’espoir de la guérison malgré tout. Si l’angoisse est palpable, l’entraide et la solidarité se mettent en place pour se remonter le moral mais aussi pour essayer de sortir le moins possible.
« Quand les jeunes vont chercher du pain, des packs d’eau, je leur demande de nous en rapporter. J’ai fait des firifiri7, distribué du ma’a tinito8 haricots rouges. Eux c’est pareil, quand ils font à manger. C’est comme ça qu’on supporte assez bien le confinement, tout en restant dans notre chambre. »
Si les malades disposent de masques, les accompagnateurs n’en sont pas pourvus. D’où l’idée de Diana d’en faire venir aux couleurs du fenua. De Tahiti, son amie Anita Faaite propose de leur coudre plusieurs masques, mais elle manque de tissu et ne sait pas comment les acheminer. Diana en fait part au gouvernement de la Polynésie. À l’instar de quelques associations polynésiennes de métropole qui œuvrent pour améliorer le quotidien des expatriés, n’oublions pas nos compatriotes qui luttent pour leur vie ainsi que leurs accompagnants.
1 Adoptive
2 Natte de feuilles de pandanus
3 Langue chinoise parlée principalement dans le sud de la Chine et à Taiwan
4 Fête des morts dans la communauté chinoise
6 Facebook : Faafaite – Tahiti Voyaging Society
7 Beignets tahitiens au lait de coco
8 Nourriture chinoise
Tehina de La Motte
Rédactrice Web
©Photos : Diana Tchung Teriierooiterai pour Femmes de Polynésie