Laure Tomé, sage-femme, sculpteur et styliste
La Polynésie est un carrefour géographique, c’est aussi le croisement de nombreuses destinées. Nous vous présentons Laure Tomé dont le parcours original l’a amenée à être sage-femme aux Tuamotu, sculpteur et styliste… Elle s’est confiée à Femmes de Polynésie
«Enfant, j’admirais mon arrière-grand-mère dentellière»
Alors que les enfants de sa famille avaient des occupations de leur âge, la petite Laure passait son temps à observer son arrière-grand-mère, qui était dentellière, sa grand-mère et sa mère, toutes expertes en travaux d’aiguilles. Elle se régalait de leurs gestes précis, admirait leur savoir-faire poétique et minutieux.
«Pourquoi n’essaye-t-on pas de vivre de ses talents ?»
Laure se souvient que, dès l’âge de 5 ans, elle commençait à reproduire les techniques de ses aïeules, et se lançait dans cet art pour son entourage et sa famille. Elle se plait à réaliser ce qu’elle aime, et cela ne l’a jamais quittée. Encore aujourd’hui Laure pense que nous avons tous un ou plusieurs talents et qu’il faut les exploiter!
COUPER LE CORDON…
«A 4 ans, j’assiste à mon premier accouchement»
C’est souvent à l’adolescence qu’un jeune s’apprête à couper le cordon avec ses parents. Dans le cas de Laure, c’était au sens propre que la petite fille a fait des pieds et des mains pour couper le cordon face à une scène de naissance familiale qui se déroulait sous ses yeux. Elle répétait que plus tard elle serait sage femme le jour et majorette la nuit
«Je voulais faire des études scientifiques… on m’oriente en littéraire… »
Adolescente, Laure voulait faire une terminale C ou D… les branches scientifiques pour faire médecine… Hélas, on l’oriente en section A : littéraire. C’est donc en candidate libre qu’elle prépare un deuxième bac, adapté pour intégrer une école de sage femme. Après quatre années d’études à Clermont-Ferrand, elle postule pour être nommée outre-mer…
«Je voulais aller dans les DOM TOM, sauf à Tahiti»
Sauf que Laure exclut la Polynésie Française dont elle avait une image réservée à une riche élite. C’est ainsi qu’elle se retrouve à Cayenne, en Guyane. Une expérience dont elle ne garde pas un souvenir très agréable, du fait du manque de moyens humains et d’un racisme ambiant détestable…
ET PUIS UN JOUR… LA POLYNÉSIE…
Le destin s’en mêle puisque, un jour, une amie sage femme lui propose de la remplacer pour un poste à Tahiti … A 24 ans, elle accepte le challenge.
«Mon occupation favorite pendant mes gardes de nuit : le tifaifai»
Arrivée à Papeete, Laure prend des gardes de nuit. Pendant la journée, elle préfère aller à la plage. Et durant les temps calmes de son service nocturne, avec son goût pour la couture, elle se découvre une passion pour la confection de tifaifai. Ne maîtrisant pas le tracé des motifs traditionnels, elle crée les siens, se démarquant ainsi de ce que font les mamas, et propose à ses amis et clients de revisiter le tifaifai à sa façon en leur laissant choisir motifs et couleurs, créant des associations de matières, dont la nacre . Du véritable sur mesure !
«la bouche à oreille a bien marché»
À une époque sans internet ni réseaux sociaux, c’est le bouche à oreille qui fonctionne bien, et Laure commence à être repérée, au point de figurer dans le livre sur le tifaifai de Michèle De Chazeaux et Marie-Noëlle Frémy (1)
«Je deviens la première sage-femme itinérante de Polynésie»
Poursuivant son travail de sage-femme, la Direction de la Santé lui propose de se rendre dans les îles et elle devient ainsi la première sage-femme itinérante aux Tuamotu. Elle anime des séances d’information (on ne dit pas « éducation sexuelle », le poids de la religion et du tabou ne le permet pas) auxquelles, à sa grande surprise, ce sont des matahiapo qui se déplacent. Elle comprend vite que ces mamas viennent tester la jeune femme popa’a, et, une fois la confiance acquise, elles reviennent avec leurs filles ou petites filles… Laure anime aussi des débats dans les établissements scolaires pour dispenser de la prévention, pour parler de contraception. Pour le faire avec tact, elle permet aux élèves d’écrire leurs questions et les déposer anonymement dans une boîte. Puis elle tente d’y répondre avec pragmatisme et pédagogie.
#gallery-1 {
margin: auto;
}
#gallery-1 .gallery-item {
float: left;
margin-top: 10px;
text-align: center;
width: 33%;
}
#gallery-1 img {
border: 2px solid #cfcfcf;
}
#gallery-1 .gallery-caption {
margin-left: 0;
}
/* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */
L’APPRENTISSAGE DE LA SCULPTURE
Quelques années plus tard, elle s’installe en libéral, sans ouvrir de cabinet médical, en tant que remplaçante. Émerveillée par les paysages et la nature, Laure est fascinée par les galets des plages de sable noir, devenus ovoïdes par l’érosion des vagues. Elle polit, elle assemble, se procure le matériel et les outils et associe galet et corail dans des compositions inspirées. Un ami lui suggère d’exposer, ce qu’elle fera à la Galerie des Tropiques.
« un jour, je vais voir Alberto Vivian qui s’occupe de la fashion week »
Combinant son travail et ses passions, Laure, qui est pourtant assez timide, va voir Alberto Vivian et Agnès Genefort (2), les organisateurs de la fashion week locale pour leur présenter son travail de styliste. Elle adore l’exercice et présente des créations originales très remarquées dans deux défilés. Laure libère sa créativité avec des clins d’oeil comme ce casque audio composé de deux pahua roses de Napuka , pour écouter la mer.
« je veux privilégier le beau durable »
#gallery-2 {
margin: auto;
}
#gallery-2 .gallery-item {
float: left;
margin-top: 10px;
text-align: center;
width: 33%;
}
#gallery-2 img {
border: 2px solid #cfcfcf;
}
#gallery-2 .gallery-caption {
margin-left: 0;
}
/* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */
Plutôt que de céder à la société de consommation et ses articles cheap et en série, Laure se réserve à la création de pièces uniques avec des habits, des accessoires écolos qui seraient conservés de génération en génération, à des prix abordables. Quant à ses sculptures, elle aime penser que ce sont des créations qui traverseront les époques.
Cette artiste qui déteste l’expression « touche à tout » nous réserve des surprises pour les mois à venir, qui nous permettront de rentrer à nouveau dans son univers à travers deux expos collectives à la Galerie des Tropiques, dont une à portée écologique organisée par le CRIOBE (3) en novembre. De nouvelles créations textiles, notamment pour hommes sont également au programme.
1) « Le tifaifai », éditions Au vent des îles
2) voir portrait dans FEMMES DE POLYNESIE : https://femmesdepolynesie.com/mode/agnes-se-lancer-dans-laventure-tahiti-fashion-week-avec-la-volonte-de-creer/
3) Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement
Laurent LARCHIVER
Rédacteur web
© Photos : Laure TOME