Ludmilla Tapea Chin Meun : une grande dame de la langue tahitienne
« Pas du tout ! À la maison, on ne parlait que français pour éviter d’être puni à l’école puisqu’il était interdit de parler local en classe. Mon père était gendarme, le seul Tahitien parmi les farāni ; c’est à la sortie de la brigade que j’ai appris le tahitien avec les copains. »
40 ans d'enseignement
Ludmilla fait carrière comme professeur de français et de tahitien à Tahiti et aux Raromata’i, de la primaire à l’université. Sa retraite précoce à 51 ans ne sape en rien sa vocation. Elle continue de transmettre bénévolement dans nombre d’établissements scolaires. L’effet sur les enfants ainsi que sur les jeunes des CJA (1) est bluffant.
« En les invitant à parler tahitien à l’école, où ils ne parlent généralement que français, les enfants ont été comme libérés. Ils se sont mis à progresser dans toutes les matières, même en français ! Au niveau du comportement, ils ont aussi changé ; ils semblaient plus à l’aise, plus posés, venaient davantage vers les adultes, parlaient de tout. »
« Cela m’était impossible ! Mon éducation à la française m’a bloquée. Mon mari pareil, je lui disais « parle chinois à tes enfants » mais il ne l’a pas fait. Par contre, avec mes petits-enfants, rien ne me retient ! Aujourd’hui, dès que je vois un enfant, je lui parle tahitien, je lui dis « Ia ora na », je lui raconte ma vie, je lui fais des câlins ! Automatiquement, avec tous les enfants que je rencontre, parce que c’est ma langue du cœur maintenant. »
Apprendre en s'amusant
« C’est un autre moyen pour permettre au Polynésien qui ne parle pas la langue de se la réapproprier. Nous avons, par exemple, ‘A firi ta’o ana’e qui veut dire Tressons les mots, mélange de Trivial Pursuit et Scrabble, il est destiné aux familles, aux amis. Les 300 mallettes sont épuisées mais on va rééditer. L’objectif est de vendre le moins cher possible pour que ce soit accessible. »
Des livres populaires sur le parler local
« Le tahitien, c’est ma langue et ma culture, en plus de mes très proches, il me maintient en vie. »
Une double reconnaissance
Conseillère technique à la Culture
« Je suis responsable de la traduction en tahitien de tous les courriers. Je vais aussi visiter les services liés à la Culture, rencontrer les personnels et m’informer de leurs projets pour les aider. C’est hyper intéressant ! Je n’ai fait qu’enseigner toute ma vie, ici j’apprends beaucoup. Alors, je fonce ! »
« Tu sais parler tahitien, tu es mā’ohi, tu ne sais pas parler tahitien, tu n’es pas mā’ohi ; tout est dans le Verbe. »
(1) Centre des Jeunes Adolescents.
(2) Nā Tātou Terā – Nos expressions tahitiennes d’hier à aujourd’hui, Association Tā’atira’a Parau, 2020.
Rédactrice
©Photos : Gaëlle Poyade et Ludmilla Tapea Chin Meun pour Femmes de Polynésie
Yvon Bardes, directeur de publication
Pour plus de renseignements
Site internet
Nos Coups de cœur
Tē ta’a ra ia ’oe – Expressions diverses, moqueries, insultes, jurons, obscénités, vulgarités, Association Tā’atira’a Parau, 2022.
- Proverbes & dictons de Tahiti, Editions Georama, 2023.