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Culture

Leila Lissant Ercoli, la plume de l’émerveillement

Publié le 2 février 2024

Une couverture lumineuse et un titre accrocheur, qui nous amènent en douceur dans le monde enchanteur de la poésie. Leila est une femme de Polynésie, professeure et auteure, qui nous dévoile ses heures bleues, des poèmes composés à laube de sa cinquantaine. Stylo à la main, discrète derrière le fruit de son travail, nous lavons rencontrée lors de son premier salon du livre à la Maison de la culture, en octobre 2022. Son recueil illustré, « Mes heures bleues », est un succès depuis sa sortie ; alors nous l’avons retrouvée lors d’un entretien au cours duquel elle nous a confié son amour des mots et de l’écriture.

Leila a 49 ans, elle écrit depuis qu’elle est petite. Elle enseigne le français à Arue, au lycée Samuel Raapoto. Comblée professionnellement, elle accorde désormais la majeure partie de son temps à l’écriture.

Avant de se lancer seule dans l’aventure, par anxiété ou par manque de légitimité, Leila a d’abord partagé ses textes par le biais de la revue collective Littéramā’ohi, qui l’a accompagnée et qu’elle définit comme sa famille littéraire.

Aujourd’hui éditée, et avec le succès rencontré, Leila n’a plus peur, puisque l’écriture reste son moyen d’expression privilégié.

 

« Je me suis toujours sentie écrivaine, mais tant que je n’étais pas publiée, je ne m’autorisais pas à y croire. Avant mes 50 ans, à l’automne de ma vie, je me devais de faire quelque chose de ces textes. Avec un peu d’audace, de courage et de force, j’ai voulu me réaliser par moi-même, et me lancer. Je n’avais rien à perdre.»

Le moment est enfin venu

Depuis toujours, Leila fait danser les mots ; mais le départ de ses enfants en 2022 vers d’autres horizons, et l’approche de la cinquantaine lui ont donné une nouvelle source d’inspiration.

L’auteure aime se promener au gré du vent, et tout ce qui croise son regard se transforme en vers : des pages entières empreintes d’amour et de poésie. Leila écrit les éléments, les femmes, le devenir, et raconte ce qui lie les êtres humains.

Longtemps cachés, ses textes ont enfin vu le jour en octobre dernier. Pour aboutir à ce projet, Leila a dû faire un travail de sélection, et nous a dévoilé pas moins de 81 poèmes.

C’est en octobre 2022, soutenue par Chantal T. Spitz et l’association Littéramā’ohi, qu’elle se fixe pour objectif de présenter son recueil un an après, pour le Salon du livre.

Le challenge est relevé haut la main, puisque son ouvrage sera la meilleure vente du salon, avec 300 exemplaires écoulés et une deuxième réimpression.

 

De ses écrits perle l’amour pour son pays, pour sa nature, l’amour pour son foyer. La beauté des rivières, des cascades, la mer, les vallées… rien n’est oublié, et chaque île a sa place.

Les mots sont pour elle des véhicules, ils peuvent dire à moitié, juste laisser échapper, tout avouer, mentir, ou travestir ; mais ils laissent surtout libre cours à l’interprétation et au ressenti.

 

«  J’ai senti que c’était mon moment. Après deux mois à vide, de vague à l’âme, j’avais envie de me dévoiler, de publier, de prendre soin de moi, de me nourrir autrement. Je ne voulais pas que mes doutes, mes complexes et mes angoisses m’empêchent de passer le cap. Ma seule ennemie en fait, c’était moi. Alors j’ai fait un gros travail sur moi, car c’était maintenant ou jamais. »

Ses heures bleues (blues aussi)

En toute honnêteté, Leila considère les premières heures du matin, les heures bleues, comme les siennes. Ce moment n’appartient qu’à elle, tout comme ses poèmes, en français et en tahitien, qui sont le fruit de sa pensée, de sa contemplation, de ses réflexions. Ils sont une promenade un peu folle, au milieu des éléments et des envies.

« J’aime les couchers de soleil, mais j’écris le plus souvent le matin, quand le jour n’est pas encore levé, que le monde dort aussi. Je me sens privilégiée d’être dans cet espace-temps. Ce sont mes heures à moi, quand tout recommence, quand une journée débute et rend possible l’espoir que de grandes choses se produisent. »

Leila a baigné très tôt dans le monde des livres, de la littérature, des mots. Elle a longtemps été la chouchoute des bibliothécaires, elle aime comprendre et analyser les textes. C’est tout naturellement qu’elle est devenue professeure. Elle a toujours une main libre pour écrire et un carnet ouvert, elle s’émerveille de tout, mais laisse aussi place à la nostalgie, à des questionnements plus intimes.

L’écriture, une fenêtre ouverte sur le monde

Leila voyage beaucoup, et c’est parce qu’elle découvre les beautés d’ailleurs qu’elle reconnaît la grandeur de Tahiti. Ses voyages sont aussi une impulsion, elle ne peut les dissocier de son écriture, tout comme la présence de son mari, à ses cotés depuis 30 ans.

« Tahiti m’est chère, m’est belle, m’est nécessaire, parce que je vais aussi ailleurs, j’ai besoin de découvrir, de m’évader, mais ça ne vaut pas mon pays. La poésie est une fenêtre ouverte sur les autres, sur le monde, mais surtout sur moi. L’écriture est un acte égoïste, mais qui fait du bien. »

Elle nous parle de son métier, de ses élèves à qui elle partage la richesse des mots, de « ses filles », pour qui elle se dévoue.

« J’aime raconter des histoires, et j’aime mes élèves, et je vais parfois au-delà de mon métier. Je veux qu’ils comprennent l’acte d’écriture, le sens des textes. Je suis tellement touchée lorsque mes élèves me lisent, ou lorsque je sais que j’ai déclenché quelque chose chez mon lecteur. Je suis une femme ordinaire, alors je leur dis que tout est possible.  »

L’écrivaine a néanmoins décidé de s’accorder quelques mois de retraite. Elle part en France pour se consacrer pleinement à l’écriture, pour parfaire ses techniques, et pour apprendre des autres, en vue de son prochain ouvrage. Nous l’attendons avec impatience.

Si l’écriture est au départ un travail solitaire, et intime, Leila accepte que ses mots fassent leur vie. Elle nous laisse entrer dans ses heures bleues, car il y aura forcément une résonance en nous, au travers des émotions, des sensations décrites ; au travers des personnages inspirants, édifiants.

Leila dédicacera son recueil à la librairie Klima, le samedi 3 février de 8 h 30 à 11 h 30. Si vous souhaitez pénétrer dans un univers poétique, symbolique et authentique, la grâce des « Heures bleues » saura vous y conduire.

Julia Urso

Rédacteur

©Photos : Leila Lissant Ercoli pour Femmes de Polynésie

Directeur des Publications : Yvon BARDES

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