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Culture

HERE : UNE ODE À LA JOIE POLYNÉSIENNE

Publié le 7 décembre 2022

Un sourire spontané, une voix abrupte, des tatouages parsemés sur tout le corps, une démarche charismatique…Here, nom de scène, s’impose sans rudesse. Ce couteau suisse de la pratique artistique dévoile à Femmes de Polynésie les intentions de son art joyeux. On découvre alors l’intimité de cette créatrice solaire à Hamuta, bercée par les frémissements énergétiques de sa vallée.

L’éloge de sa nature, de sa culture

Here est friande de nature polynésienne et la croque à belles dents. Vorace de nos friandises terrestres et goulue de nos trésors marins, elle révère cette somme comme de l’or. Pour célébrer cette fortune, elle fait de la flore locale le thème récurrent de sa création ; sa muse. Elle dessine, peint, grave et sculpte sa version minimaliste du paysage tahitien.

« J’aimerais pouvoir vibrer avec la nature et échanger avec elle. »

La culture polynésienne, continuum de la nature, est flagrante sur Here. Elle en a fait son enveloppe charnelle. Elle porte fièrement sur sa peau les motifs de l’archipel de la société dessinés par Tavana Salmon1. Comme lui, elle est entraînée dans la création de ses propres signes qu’elle souhaite proposer au patrimoine culturel. Elle géométrise Mara2, Uru3 ou encore Poreho4 pour en faire des figures simplifiées qu’elle pourra décliner et exploiter sur divers supports.

« Je voulais créer des motifs à partir de ce qui existe, donc la nature. C’est un moyen d’écrire notre culture de façon contemporaine. »

Un Mana⁵ doux et bon

Bonheur, rage, traumatisme, tristesse…tous les comportements se manifestent quand il s’agit d’art. Mais Here s’est engagée à ne carburer qu’à l’entrain. De toute façon, elle est incapable d’œuvrer dans des passions négatives. Lorsqu’elle crée, elle proscrit tout ton pathétique. Ses œuvres sont ainsi la confluence de symboles candides, quasi purs car innocents : formes girondes, teintes pastelles…à les contempler, on se délecte d’une explosion de douceurs. Les propositions sans heurts de la jeune artiste révèlent toute sa tendresse. Here porte bien son nom : elle ne propose que de l’amour.

« Ma phrase de création qui est marquée partout dans mon atelier est ‘’faire avec sincérité’’. Si je suis sincère, je n’envoie que de l’amour. »

Entre autres, ses ti’i6 ronds, gras et attendrissants incarnent toutes ses intentions. C’est une manière de briser l’image péjorative de nos figurations anthropomorphes. Pour Here, le Mana d’un ti’i dépend de son façonneur. Ils peuvent émaner de bons sentiments et ainsi en véhiculer. Toute œuvre n’est que la prolongation du Mana de son artiste.

« J’ai souvent entendu le discours de gens sur leur superstition du ti’i, où il est tout le temps quelque chose de mauvais. Je voulais leur prouver le contraire : mes ti’i sont toujours faits avec bienveillance, amour et joie. »

Le soleil après la tempête

Here fait de sa règle de conduite artistique sa maxime de vie. La respecter demande beaucoup de discipline. Mais la créatrice s’est formée au gré d’une adolescence fragile qui lui a fait prendre conscience des impacts de l’amour et de l’aversion. À 11 ans, le décès de son frère aîné fut la bousculade qui devint une leçon de vie.

« Le deuil et la tristesse engendrée m’ont accablée un moment mais m’ont aussi rendue curieuse au niveau spirituel et sur la vie en général. Cet évènement m’a fait grandir, je suis aujourd’hui reconnaissante de cette leçon. »

La rencontre de son mari à 16 ans a été une étincelle d’espérance. Elle découvrit une nouvelle forme d’amour ; c’est l’ascension. Cette passion dompta son pessimisme et lui fraya un chemin vers la stabilité. Elle décrocha son baccalauréat littéraire puis réussit sa licence en économie et gestion. À 29 ans, la volonté de se bâtir un bagage culturel la persuade de s’inscrire au Centre des Métiers d’Arts. Animée depuis toujours par un leadership, le brevet polynésien des métiers d’arts qu’elle y obtint signe le début de sa carrière dans l’entrepreneuriat.

« En m’inscrivant au CMA, j’avais peur, je ne savais pas dessiner. Je suis la preuve vivante que tout le monde est capable de réussir là où il veut. »

Entourage et reconnaissance

Here est aussi le reflet de l’affection qu’elle reçoit de son tendre aimé et ses échanges amicaux. Ses meilleurs amis la soutiennent et embrasent la flamme de son inspiration. Dans son atelier, ils sont volontaires pour mettre parfois la main à la pâte, par exemple en préparant ses nacres, en les ponçant ou en les lustrant. Here leur a enseigné des savoir-faire qu’elle a elle-même reçus de ses formations.

« Je partage avec eux ce que je fais et je suis capable de transmettre. »

Reconnaissante, sa gratitude envers son entourage est systématique dans son art. Certaines pièces sont même dédiées à ses compagnons de vie : elles matérialisent la manière dont Here les ressent et portent leurs noms.

« Si j’existe maintenant, c’est parce que je suis ultra entourée de mes amis. Sans eux, je ne vais nulle part. Ma passion c’est mon entourage. Ma vie n’est que la gratitude et les remerciements envers mes amis et mon mari.»

1 Tavana Salmon : acteur principal du renouveau culturel en Polynésie, notamment en termes de tatouage

2 Mara : Neonauclea forsteri, plante indigène de Polynésie

3 Uru : fruit de l’arbre à pain

4 Poreho : Cypraea, coquillage Porcelaine

5 Mana : concept polynésien d’énergie transcendante

6 Ti’i : représentation anthropomorphique typique des îles de la Société, comme le tiki aux îles Marquises

Raita Bailly

Rédactrice

©Photos : Raita Bailly et Here pour Femmes de Polynésie

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