Confection du Umuhei, le bouquet "mystérieux" aphrodisiaque
Vahine tu as des talents est une journée organisée par l’UFFO (Union des Femmes Francophones d’Océanie) depuis plusieurs années. Le vendredi 23 juin prochain de 8h à 15h, se tiendra la 4ème édition de cet événement dédié aux femmes et à leurs savoir-faire. Une vingtaine d’exposantes se réuniront dans les jardins de l’Assemblée pour vous présenter leurs créations. Miel, couronnes de fleurs, monoï, bijoux, robes, tifaifai*, confitures, fruits séchés… Les produits locaux seront mis à l’honneur !
L’entrée à cette journée est libre et gratuite. Venez rencontrer toutes ces femmes engagées dans la préservation de leur culture, de leurs méthodes de création et de leur autonomie.
« Je suis fière d’être marquisienne, voilà.
On m’a dit :
– On a besoin de toi pour aller faire démonstration : le umuhei.
– Y a pas de problèmes, mémé va venir !… »
Mo’i Teiefitu est née le 12 janvier 1939 dans le petit village de Hapatoni à Tahuata, l’une des six îles principales des Marquises. Une douce nostalgie s’empare d’elle lorsqu’elle évoque la vie paisible qu’elle y a vécu jusqu’à ses seize ans, âge où elle est venue vivre à Tahiti. Elle a baigné dans la culture marquisienne d’antan, et je me rends compte que c’est une chance inouïe de pouvoir partager ce moment de qualité avec elle. La générosité, le partage, la transmission de savoir-faire, tout cela est si naturel chez elle et se répand comme une fragrance qui remplit de bonnes odeurs toutes les personnes qui l’entourent.
« Quand je passe devant, et les jeunes ils disent :
– Yeah ! ça sent bon cette mémé-là.
Après je retourne et je dis :
– À qui vous parlez là, à moi ?
– Oui, ça sent bon toi !
– Eh bien merci parce que c’est le parfum marquisien. »
Mo’i est un prénom marquisien qui signifie fille. La féminité, elle l’exhale avec beaucoup de fraîcheur, tout comme son prénom qui lui colle si bien à la peau. Elle m’accueille chez elle, sur les hauteurs de Punaauia. Une végétation luxuriante avec mille senteurs entoure sa maison. Je lui demande ce qu’est exactement un umuhei*. Elle me répond, l’œil pétillant :
« On porte c’est le parfum. Ça, c’est notre parfum, parce que dans le temps, nos grands-parents ils sont pas riches, alors il y a pas de mea*… de sous pour acheter les parfums, c’est tellement cher. Et ben, on utilisait ça, avec toutes les plantes parfumées… »
Elle continue le sourire aux lèvres :
« Et les hommes aiment bien ces parfums sur les bonnes femmes, que ma grand-mère elle disait. Elle disait comme ça quand tu mets dans les cheveux, tu caches bien dans le chignon. Alors quand tu passes, les hommes ils se retournent… »
J’imagine alors ces vahine de la belle époque qui avaient déjà tout compris du jeu de la séduction, avec une sensualité à fleur de peau. Les nouvelles générations de femmes de Polynésie ont sans doute encore de belles choses à apprendre des « anciennes », à commencer par ces couronnes de fleurs aphrodisiaques.
Sans arrêter de parler, ses mains expertes s’activent à préparer ce qu’elle appelle aussi le « bouquet mystérieux ». Des yeux d’ananas, de la poudre de santal, de la menthe fraîche, du miri (basilic), des fleurs de tiare tahiti, du rea tahiti (curcuma), des racines de vetiver… Elle les assemble en un rien de temps en me prévenant toutefois qu’il manque du moto’i (ylang ylang), qu’elle n’a pu avoir. Il est possible de rajouter aussi des fleurs de hinano, ainsi que des pelures de fruit de pandanus. À la fin, elle répand du monoï umuhei sur le bouquet afin que toutes les odeurs soient bien révélées. Le résultat est une explosion de parfums qui embaument la terrasse.
Elle termine en disant :
« Le bouquet umuhei, c’est un travail, c’est pas à toutes les mamans. C’est pas tout le monde qui peut faire. Il faut avoir la main verte, la main parfumée, sinon les parfums ne sortent pas. Ma grand-mère disait… »
Si vous voulez découvrir la suite de l’histoire, venez découvrir Mo’i le vendredi 23 juin prochain dans les jardins de la reine, derrière l’Assemblée. Elle y fera des démonstrations de confection de umuhei et vous racontera certainement ce que sa grand-mère lui disait au sujet de ce bouquet mystérieux…
*Tifaifai : patchwork polynésien / Umu : aphrodisiaque / Hei : couronne de fleurs / Umu hei : couronne de fleurs aphrodisiaques / Mea : machin
Pour plus d’informations sur la journée Vahine tu as des talents, rendez-vous sur la page Facebook de l’UFFO en cliquant ici.
Tehina de la Motte
Rédactrice web
© Photos : Femmes de Polynésie