‘Ā’amu, peindre la réalité dans le respect de la liberté (1/2)
Le soleil finit sa course, offrant aux fenêtres ses derniers rayons ocres, la pièce a la forme d’une cage de lumière. Femmes de Polynésie rencontre Ā΄amu1, peintre éprise de beau, de couleurs et de vérité.
SE DÉCOUVRIR À TRAVERS LE PARTAGE
Christine Fabre, dite ‘Ā΄amu, voit le jour dans une France d’après guerre.
« J’ai un parcours très atypique. Je viens d’un milieu très simple, ouvrier. Il n’y avait rien sur le plan artistique, mais il y avait quand même une sensibilité au beau et à la nature dans ma famille. »
Son destin n’est, pour ainsi dire, pas tout tracé.
« J’ai été éducatrice spécialisée pendant vingt ans, dans ma première vie… »
À l’âge de 21 ans, elle obtient son diplôme et commence à travailler auprès d’adolescents en difficulté.
« Comme j’avais toujours rêvé de peindre, je leur ai offert l’occasion de le faire. En effet je me suis rendu compte que c’était là une perche en or pour leur permettre de reprendre confiance en eux : En les aidant à réussir leur peinture, je pouvais les aider à remonter dans leur estime d’eux-mêmes. »
Les jeunes qu’elle encadre sont réceptifs à ses ateliers.
« Ça a marché parce que mon niveau en peinture n’avait vraiment rien d’inquiétant : J’étais pour eux un modèle accessible ! On a évolué ensemble. »
Constatant leur besoin de reconnaissance sociale, Christine organise des expositions dans divers lieux publics.
« Pour que leur environnement les voit sous un jour nouveau. »
À 35 ans, elle souhaite comprendre les dynamiques sociales et didactiques qui mènent à la réussite de sa démarche. Elle reprend donc ses études en sciences politiques et sociales ainsi qu’en sciences de l’éducation.
« Tout ça en travaillant à plein–temps et en élevant ma petite famille ! »
Christine obtient son doctorat et devient, par la suite, maître de conférences en sciences de l’éducation.
NOUVEAUX DÉPARTS
En 2001, à l’occasion de ses cinquante ans, ses amis lui demandent ce qu’ils pourraient lui offrir. Christine leur demande simplement du matériel de peinture.
« Je voulais apprendre à peindre « pour moi ». J’ai suggéré que ce soit de l’aquarelle, car j’avais entendu dire que si on devenait bon en aquarelle, on pouvait tout faire ! »
Avec tout de même plus de facilité que quelqu’un qui partirait de rien, Christine s’inspire de son expérience et se met à peindre pour elle, pour la première fois.
« Un jour, un proviseur de lycée à Tahiti me contacte pour que je vienne donner une conférence auprès de ses professeurs pour les aider dans leur pratique pédagogique à développer l’estime de soi de leurs élèves. »
Elle s’envole donc pour la Polynésie, ses pinceaux et quelques livres dans sa valise.
« Tout a basculé. »
Christine et Daniel, à l’époque directeur du lycée Raapoto, collaborent ainsi, et la vie faisant bien les choses, disponibles tous les deux, ils tombent également amoureux ! Alternant poursuite de sa vie professionnelle et séjours à Tahiti jusqu’à sa retraite, elle s’installe à Tahiti définitivement en 2013.
« On a commencé à me demander d’illustrer des livres. J’ai fait les démarches pour obtenir ma carte d’artiste et, me voilà ! »
LES HISTOIRES QUE L’ON RACONTE
Lors d’un voyage aux Tuamotu, Christine lie connaissance avec des personnes qui deviennent des amis et qui lui donnent le nom “’Ā΄amu”.
« Je me suis rendu compte que c’était un immense cadeau qu’ils étaient en train de me faire. Et je ne savais pas à quel point j’étais libre face à ce cadeau. Alors, je leur ai demandé si je pouvais en faire ma signature. »
Cette femme d’expériences a toujours un récit à partager, une anecdote bien placée qui pourrait expliquer un bijou porté ou une toile esquissée.
« Ā΄amu, c’est ce qui nous nourrit. Ce sont les histoire, les légendes que l’on raconte, et qui nous construisent. Ce que j’aime, dans mes peintures, c’est raconter ces histoires... »
1 récit, conte, histoire, sornettes, légende (faits réels ou imaginaires)
Rédactrice
©Photos : Cartouche pour Femmes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES
Pour plus de renseignements
- Ā’amu expose son travail chez Art’griculture Tahiti du 9/12 au 21/12.
