Stéphanie Mareva Failloux, vers un capitalisme écologique et social !
Lumière aujourd’hui sur une femme qui souffle un vent de renouveau dans le paysage économique du fenua : Stéphanie Mareva Failloux. Diplômée des prestigieuses universités de Harvard et de Cambridge, elle a évolué dans la finance, tout en permettant à des projets dans les domaines de l’Art, les Médias ou l’innovation technologique de voir le jour. Elle aspire à un capitalisme écologique et social, et met aujourd’hui ses compétences au service de la Femme et à sa place dans le monde du travail au fenua. Femmes de Polynésie s’est intéressé à cette businesswoman qui n’a pas hésité à sortir de sa zone de confort pour se lancer dans la course au changement. Cela commence le 21 août avec « Leadership Diamant & Social Business – La Voix des Femmes », une conférence réservée aux femmes.
Une Tinito de Tahiti
Son arrière-arrière-grand-père maternel est arrivé à Tahiti en 1890 et faisait partie des « 50 résistants » Chinois militant contre l’expulsion du territoire de leurs compatriotes. Son grand-père paternel était de Raiatea et opérait la seule goélette « Manuia » qui reliait Maupiti à Raiatea. Rien que ces deux exemples dressent un tableau familial riche en aventures. Du côté de sa mère, ils sont 7 enfants, ce qui transformait les fêtes en grandes réunions de famille dans la maison de ses grands-parents à Faaone.
« Toute mon éducation s’est tenue dans un mouchoir de poche entre Tamanui, Paofai et le Lycée Gauguin. »
Avec son frère de deux ans son aîné, elle jouit d’une enfance heureuse à Papeete, même si dans sa famille on n’exprimait pas beaucoup ses sentiments. Mais le doute n’a jamais plané sur l’amour que ses parents leur portaient, parents qui n’ont pas hésité à s’endetter pour financer ses études à Harvard et pour s’assurer qu’elle ne manque de rien.
À l’âge de 14 ans, elle a un grave accident de moto avec sa meilleure amie, ce qui la plonge dans le coma pendant 2 semaines. Miraculeusement, elle s’en sort rapidement et relativement indemne.
« Je ne serais pas la même personne sans cet accident qui m’a fait prendre conscience de beaucoup de choses, pas forcément sur le coup mais des années après, et d’une force que je ne soupçonnais pas. »
Une autre prise de conscience, celle du caractère éphémère de la vie, s’opère en 2009 quand son père décède brusquement.
« La vie est trop courte pour ne pas faire ce que l’on aime ! »
Et ce sera son mot d’ordre tout au long de sa vie personnelle et professionnelle, avec pour devise que l’important n’est pas de ne pas tomber, mais de savoir se relever.
« En effet, quoi qu’il me soit arrivé, je suis encore en vie et surtout j’ai toujours des envies, des rêves, des passions. J’ai aussi appris à faire plus confiance à mon intuition et à mon cœur, et ne pas écouter que mon cerveau. »
La Finance
Elle commence sa carrière dans la banque d’investissement en 1997 à Paris, chez Paribas, puis rejoint Lehman Brothers en 2000 à Londres, où elle se retrouve à être la seule femme sur le desk de trading.
« A titre égal, je gagnais moitié moins que mes collègues masculins et avais les comptes-clients dont personne ne voulait. J’ai fait un procès à Lehman et j’ai gagné. »
Elle passe 6 ans entre Paris et Londres, et après 10 en tant que salariée, elle décide en 2006 de créer sa société de conseil en gestion de patrimoine.
« Tout naturellement, je suis restée dans le secteur que je connaissais, la Finance. Ainsi, en 2006, j’ai fondé OraNui Finance 1 avec mon associé basé à Tahiti, Sébastien Guyot de La Pommeraye, ancien avocat d’affaires à Paris. »
Son objectif est de positionner OraNui Finance dans le conseil en investissements durables, et d’accompagner les particuliers dans la construction et le développement de leur patrimoine de sorte à avoir un rendement financier en même temps qu’un impact social, sociétal ou environnemental.
« J’investis aussi à titre personnel depuis des années dans des projets à impact en rapport avec l’art, les médias, les femmes, la technologie, la mode éthique et l’environnement. »
Le Social Business ou Entrepreneuriat Social
Puis arrive 2012, où elle écrit et produit un documentaire intitulé « Social Business, une nouvelle voie pour le capitalisme ? », à un moment où ce sujet était encore peu abordé. Ce thème résonne notamment avec la crise financière de 2008, qui a mis en évidence un besoin urgent de changement dans le système. Le message y est clair : un business n’est pérenne que si les intérêts de tous les acteurs (employés, clients, investisseurs, environnement) sont alignés.
« J’ai fait ce film avec le sentiment que nous étions le dos au mur. Aujourd’hui, le message commence à passer, cela a pris du temps mais le mouvement est en train de s’accélérer. Le terme « social business » a vocation à disparaitre, car tout business devrait être « social », c’est à dire aligner les intérêts de tous. Les femmes ont un rôle central à jouer dans cette mutation, notamment en se lançant dans l’entrepreneuriat, d’où cette conférence le 21 août prochain. »
En parallèle de ses activités, elle conseille des entrepreneurs sociaux dans leurs stratégies et la mise en place de leur structure. En ce moment par exemple, elle accompagne une de ses clientes dans un projet de mode éthique, THEANA, qui vise à intégrer des femmes réfugiées en Grèce dans le marché du travail, en collaboration avec des designers.
« Je l’ai aidée à structurer son projet en social business, à le présenter à des investisseurs et à des fondations, à mettre en place le site internet www.theana.fr et à trouver des partenariats. »
L’Art
Au moment où elle s’intéresse au social business, son chemin croise celui de nombreux artistes. Elle commence à les aider à se promouvoir, à se produire et à exposer. Elle investit aussi dans un lieu qui leur est dédié, « Le Studio »2 à Paris – un carrefour où les arts convergent.
« En moins de 3 ans, j’y ai organisé une quinzaine d’expositions dont des tremplins pour jeunes talents. Je crois que la créativité est essentielle dans la vie, garder son âme d’enfant, et en particulier dans le monde de l’entreprise, où traditionnellement les employés sont plutôt encouragés à se conformer à la norme. »
« La rigidité c’est la mort ». Ainsi, pour Stéphanie l’art a un rôle important à jouer dans l’entreprise, pour libérer les employés, leur donner confiance en leur talent et les encourager à innover, afin de faire évoluer la culture de l’entreprise. Amoureuse de l’art jusqu’au bout, elle va jusqu’à partager sa vie avec un artiste – Garth Bowden, qui a exposé plusieurs fois à Tahiti.
L’anticonformisme pour s’épanouir
Pour elle, le hasard n’existe pas, tout est lié. Plus elle avance dans la vie, plus elle se rend compte que sa vocation est de construire des passerelles. A travers ses expériences professionnelles dans cinq pays et sur trois continents, elle établit des connexions entre les mondes – Business et Philanthropie, Art et Entreprise, Investissement et Impact environnemental, Femmes et Leadership.
« Ainsi j’agis comme médiateur entre les acteurs pour la transition vers une nouvelle économie, une nouvelle société. »
Stéphanie veut continuer sa mission de « construction de passerelles » entre les différents univers, et plus particulièrement à encourager les jeunes et les femmes à être acteurs du changement, à être leaders, et à contribuer à cette transition vers un monde plus épanouissant.
Pour mener à bien ce projet, elle continue à faire du conseil financier, à proposer un accompagnement stratégique aux entrepreneurs et à promouvoir l’art, tout en organisant des conférences et des formations.
Et pour que ce soit possible, il faut être ouvert d’esprit. Cette ouverture d’esprit, elle l’a cultivée en s’intéressant de près à Tererai Trent 3, auteure de « The Awakened Woman », à Marie Forleo, Fondatrice de la B-School, aux auteures Maya Angelou et Anais Nin, ou encore à Robert Lanza, Docteur, Scientifique et Philosophe à l’origine du « Biocentrisme » ou Viktor Frankl, fondateur de la Logotherapie « Man’s search for Meaning ».
« Et il y a bien-sûr Saint Exupéry – le Petit Prince est une leçon de vie. Et aussi ma fille, Reva, mon modèle. Elle m’a libérée et m’inspire. »
Elle fait de plus en plus confiance à son intuition et à son âme d’enfant, celle qui lui confère la possibilité de laisser libre court à sa créativité. Quant à son courage, c’est dans son cœur qu’elle le puise. « Il ne faut pas oublier de s’aimer et d’avoir confiance en soi. »
« Leadership Diamant & Social Business – La Voix des Femmes»
Aujourd’hui, à 46 ans, Stéphanie a pour objectif d’œuvrer pour des causes qui sont en harmonie avec sa vision de la vie. Pour elle, ça passe par le soutien aux acteurs du changement, en particulier les femmes, pour la transition vers un nouveau modèle économique, un modèle où le Capitalisme est au service de l’Humain et de l’Environnement et non l’inverse, comme c’est le cas aujourd’hui.
« Je pense que les femmes ont un rôle central à jouer dans cette transition. Si elles sont intégrées, la société l’est aussi. Ainsi, je cherche à encourager les femmes à développer leurs qualités de leaders et à se lancer dans leurs projets, à suivre leurs rêves, malgré les résistances extérieures et intérieures. »
« Leadership Diamant & Social Business – La Voix des Femmes » est la raison qui la ramène aujourd’hui au fenua, un événement destiné uniquement aux femmes qu’elle s’efforce de faire avec le cœur, et non par peur.
« Lorsque j’ai voulu faire un film sur le social business en 2012, tout le monde m’a dit que j’étais folle et que j’allais me planter, vu que je n’avais aucune expérience et aucun sponsor. Je l’ai fait quand même, j’ai suivi mon cœur et ne me suis pas laissé décourager par la peur. »
Lorsqu’elle a voulu divorcer en 2011, on lui a aussi dit qu’elle faisait une erreur, et qu’elle était en train de quitter un homme formidable qui l’aimait. C’était vrai, mais elle n’était pas heureuse. Elle a donc suivi son cœur.
« Je n’ai jamais regretté ma décision, même si j’y ai laissé la sécurité financière et le confort. »
Stéphanie en toute intimité
Avec le recul, si elle pouvait conseiller la Stéphanie qu’elle était à 20 ans, elle lui dirait d’avoir du Courage, de s’aimer assez pour avoir confiance en elle, en son intuition. Elle se dirait de laisser exprimer sa Créativité, d’écouter l’enfant en elle, celle qui est joyeuse, curieuse, qui ne juge pas, celle qui est libre. Elle aurait placé la Communication au top de sa liste de priorités pour ne pas avoir peur de dire les choses. Surtout celles qui viennent du cœur. Enfin elle se conseillerait de prendre soin de son Corps. Cela semble évident, et pourtant…Prendre soin de son corps, c’est aussi prendre soin de la Nature.
« Cela fait dix ans que j’ai l’impression de rajeunir au fur et à mesure des années – tout en devenant aussi un peu plus sage. »
Sa plus grande peur ? Celle de ne plus être inspirée, de ne plus avoir de rêves à réaliser.
« Je vis ma vie pour justement ne pas laisser de rêve irréalisé ! »
Ce qui fait d’elle une femme de Polynésie ?
« Pendant des années après mon départ de Tahiti, je me suis sentie déracinée. J’avais l’impression d’être citoyenne du monde, d’appartenir partout et nulle part en particulier. A l’approche de la quarantaine, cette « aliénation » a cessé , elle s’est même inversée. Maintenant, plus le temps passe, plus je me sens Polynésienne. À force de voyager partout dans le monde, je me suis rendu compte de la beauté et de la richesse de notre fenua. Je ne me suis mise à la danse tahitienne qu’à Paris il y a 8 ans – à Tahiti je faisais de la danse moderne – et j’ai adoré ! Je me suis fait tatouer pour la première fois en 2017 lors de mes vacances à Tahiti, après être allée aux Marquises. Dans le dos. Et l’année suivante sur le bras. Si j’ai le temps cette année, je fais la jambe. Les racines ont repris le dessus et inscrire mon histoire sur ma peau est devenu une évidence… »
Son message pour nos lectrices ?
« Tererai Trent disait que lorsque vous éduquez et donnez du pouvoir à un individu, en particulier à une femme, potentiellement vous éveillez une championne qui va changer le monde.»
1 OraNui Finance : société de conseil en gestion de patrimoine. Plus d’infos sur www.oranuifinance.com
3 Tererai Trent est une auteure américano-zimbabwéenne, connue pour avoir milité pour l’égalité des chances scolaires dans son pays
Plus d’informations
Evénement : « Leadership Diamant & Social Business – La Voix des Femmes »
Où ? Petit Théâtre – Maison de la Culture
Quand ? 21 août à 18h (accueil à partir de 17h30)
Pour qui ? Pour les femmes. Il s’agit de les inspirer à développer leurs qualités de leader, les encourager à lancer des projets entrepreneuriaux ou associatifs à impact social, sociétal ou environnemental, et contribuer ainsi à les rendre actrices du changement nécessaire aujourd’hui.
Pourquoi ? Le monde est dans un état d’urgence : social, environnemental, économique. Les valeurs féminines – de partage, préservation, transmission, créativité, compassion – doivent prendre le dessus afin de changer le paradigme dominant, notamment par le biais de l’entrepreneuriat. Toutes les études montrent que l’«empowerment»* de la femme est l’outil de développement le plus efficace (Kofi Annan). Le monde a besoin que les femmes se lèvent, agissent et suivent leurs rêves.
Comment ? Un mélange d’outils et d’exemples concrets pour la construction d’une communauté de leaders éclairées et bienveillantes.
– 1ère partie : présentation des valeurs du leadership éclairé (« Leadership diamant »), en particulier des 4 C(lés) – Courage, Créativité, Communication, Corps pour révéler le diamant enfoui en chacune de nous, celui qui libère notre voix pour montrer la voie.
– 2ème partie : témoignages d’une douzaine de femmes d’horizons variés qui ont osé suivre leurs rêves et se sont lancées dans des projets et entreprises à mission et impact.
– 3ème partie : networking cocktail – buffet de produits sains et locaux. Création de réseau, d’une communauté de femmes motivées par une vision et des objectifs éclairés.
* empowerment se traduit par le fait de donner le pouvoir
Jeanne Phanariotis
Rédactrice web
© Photos : Femmes de Polynésie