Manuiti Balland, une danse à deux à Fakarava !
C’est l’histoire d’une jeune fille qui était aux portes d’une carrière de danseuse professionnelle, et qui, aujourd’hui, se lance dans l’aventure de la reprise d’une pension à Fakarava. Manuiti Balland raconte à Femmes de Polynésie comment elle en est arrivée à s’éloigner du tumulte de Papeete pour vivre, à 28 ans, aux fins fonds des Tuamotu.
DANSE-ETUDES
C’est autour d’un verre de Côtes du Rhône que nous rencontrons Manuiti, après une journée au salon du tourisme. Derrière ce joli prénom tahitien, on découvre une jeune femme née ici, de parents popaa. Elle a fait toute sa scolarité à l’école Toa’ta jusqu’en CM2.
« à l’entrée en 6ème, je pars en France pour faire danse-études »
Manuiti passe une audition à distance pour être reçue dans une grande école de Cannes, où elle passe quatre années avec sa maman, puis elle réussit l’entrée au Conservatoire National à Paris, à 16 ans, sans sa mère qui rentre au fenua. Elle fera cinq années dans la capitale, mais Paris ne lui a pas beaucoup plu, et la passion ne suffisait plus… Au bout de son cursus, elle décide de rentrer à Tahiti, alors qu’elle aurait pu mener une carrière professionnelle de danse classique.
« à mon retour à Tahiti, je me demande évidemment ce que je vais bien pouvoir faire »
Son Bac littéraire ne lui ouvrait pas forcément toutes les portes. Elle se dit qu’elle aurait peut-être dû continuer les études ailleurs, mais elle n’avait plus envie de repartir. Et le secteur qui ne demandait pas forcément un Bac particulier c’était le tourisme.
Direction donc le lycée hôtelier où Manuiti passe un BTS d’animation et gestion touristique locale : on lui apprend à connaître son île et à gérer des projets dans ce secteur d’activité. Durant ses études, Manuiti fait des stages, notamment l’aménagement du marae Arahurahu de Paea pour les personnes handicapées avec le service du tourisme.
« Après ces deux années, j’avais le choix : arrêter ou continuer en licence professionnelle »
Manuiti continue à l’Université de la Polynésie et se dirige vers une licence de management international des resorts. Une année très complète où elle apprend la gestion d’un hôtel, les questions de ressources humaines, la comptabilité.
C’était en quelque sorte une spécialité dans le monde du tourisme qui lui a permis d’acquérir de solides bases pour ce métier. Et les stages en entreprises se multiplient, tout comme les contacts dans la profession.
« aujourd’hui, je pense avoir fait pratiquement toutes les entreprises de tourisme et d’hôtellerie du territoire »
Elle enchaîne les CDD, travaille pour Archipelagoes qui organise la Tahiti Pearl Regatta en CVD, à Air Tahiti Nui en agence, à Air Tahiti, au Méridien, mais sans arrière pensée particulière pour l’avenir. Elle se disait même que le secteur aérien c’était bien, mais sans idée précise.
Elle termine sa carrière de salariée au Méridien en tant que responsable du marché local et corporate, ce qui consiste à s’occuper des séjours professionnels des grosses sociétés locales qui recevaient des missionnaires et des techniciens, mais aussi de la clientèle locale dans le cadre des évènements qui se déroulaient à l’hôtel.
UNE ANNONCE SUR FACEBOOK…
En juillet dernier, Manuiti repère une annonce sur facebook : une femme de ménage d’une pension de Fakarava veut aider son patron à vendre son établissement. Avec son chéri, ils avaient déjà ce genre de projet en tête, comme par exemple un Air BnB à Moorea, avec l’idée de s’éloigner du tumulte de Papeete et ses embouteillages quotidiens.
Après avoir reçu quelques infos sur la pension qui lui semblait intéressantes, Manuiti et son compagnon se rendent sur place pour passer un week-end. Ils espéraient avoir un déclic, ce qui a été le cas, en réfléchissant au fait qu’ils s’engageaient sur 10 ou 15 ans à vivre là-bas.
« c’est le jour de mon anniversaire que j’ai su que la transaction était bouclée et que nous devenions propriétaires du Relais Marama de Fakarava »
C’était le grand plongeon avec toutes les contraintes de la gestion d’une entreprise, de la paperasse mais Manuiti et son compagnon mettent les bouchées doubles pour maîtriser les questions de CPS, de banque, d’assurance.
La transition avec son emploi actuel n’était pas facile puisqu’il fallait enchaîner les rendez-vous pour la pension avec les obligations de son poste puisqu’elle n’avait pas encore démissionné et qu’elle devait faire un préavis pour partir.
C’est le 15 novembre 2018 qu’elle signe l’acte de vente, et deux jours après elle est sur place pour attaquer sa nouvelle aventure. La pension avait l’avantage d’exister depuis presque 20 ans, donc d’être déjà connue, ce qui était plus confortable que s’il s’agissait d’une création. Mais il y avait des rénovations à faire.
« je n’ai jamais vraiment voulu travailler pour une grande chaîne d’hôtels. Et je rêvais de vivre aux Tuamotu, dans un cadre authentique, donc j’étais servie ! »
Manuiti est déjà très fière des changements qu’elle a pu apporter pour améliorer la pension, même si elle sait que les choses doivent se faire petit à petit. Elle a créé une ambiance qui lui ressemble en mettant des draps, des oreillers, des serviettes, et de la vaisselle neuve, ce qui, dit-elle est la base. Un travail sur la communication a été effectué également.
« nous avons été très bien intégrés, nous rendons service, on nous rend service »
Manuiti ne savait pas comment l’atoll allait accueillir un jeune couple de « blanc-blancs », mais ça s’est très bien passé, parce que les gens sont charmants et que les nouveaux propriétaires sont extrêmement ouverts et attentionnés avec la population.
Le compagnon de Manuiti avait un papa plongeur professionnel qui était connu à Fakarava, et Manuiti revendique le fait d’être polynésienne, née ici. Ils ont particulièrement sympathisé avec leurs voisins qui sont devenus des amis.
Pour son installation, Manuiti n’a pas reçu d’aide, mais elle apprécie le fait qu’il existe un partenariat entre Tahiti Tourisme et l’OSB pour permettre aux petits hôteliers d’avoir un système de réservation automatisé et la plate-forme PayZen qui permet de recevoir des paiements.
PROPRIETAIRE DE PENSION : UN TRAVAIL NON STOP
Manuiti reconnait qu’il y a beaucoup à faire mais elle bénéficie d’une bonne base avec ce Relais Marama qui existait déjà. Par contre, c’est un travail très soutenu pour lequel il faut être disponible quasiment 24 heures sur 24. Pas question de grasse matinée, il faut être disponible pour les clients dès le matin, en se levant à cinq heures.
Avec l’ouverture de la concurrence, la pension voit arriver un nouveau type de clientèle : les jeunes couples d’une vingtaine d’années qui font le tour du monde et qui viennent planter leur tente sur le terrain de la pension, pour découvrir les merveilles de la plongée sous-marine, tellement réputées dans ce lieu classé réserve de biosphère.
Fakarava devient ainsi une adresse où il est possible de bénéficier d’un hébergement simple et efficace, dans un cadre idyllique, avec un accueil chaleureux, pour un budget abordable, il ne vous reste plus qu’à aller faire un petit coucou à Manuiti.
Laurent Lachiver
Rédacteur web
© Photos : Laurent Lachiver , Manuiti Balland